[2] Le demandeur d'asile, âgé de 25 ans, est un Tamoul du Nord de la ville de XXXXX, au Sri Lanka.
[3] Le demandeur d'asile affirme avoir été victime de persécution par l'armée du Sri Lanka (SLA), des agents du gouvernement et des agents paramilitaires associés au gouvernement sri-lankais et qu'il sera victime de persécution s'il doit retourner au Sri Lanka. Il affirme être persécuté du fait de son appartenance à un groupe social, soit les [traduction] « jeunes Tamouls du Nord du Sri Lanka ». Il allègue également qu'il y a un lien avec les motifs prévus dans la Convention du fait de ses opinions politiques présumées et de sa nationalité.
[4] Le demandeur d'asile a indiqué dans son formulaire de renseignements personnels (FRP) qu'il craignait également les étudiants tamouls lorsqu'il était un étudiant à XXXXX XXXXX. Des étudiants l'ont averti qu'il devrait participer aux activités appuyant l'organisation tamoule militante appelée les Tigres de libération de l'Eelam tamoul (TLET).
[5] De plus, le demandeur d'asile soutient que sa vie serait grandement menacée s'il devait retourner au Sri Lanka, compte tenu des conditions dangereuses actuelles.
[6] Le demandeur d'asile n'a jamais pris part aux activités des
TLET. En qualité d'étudiant dans un établissement scolaire tamoul, il a soigneusement évité les réunions politiques et les célébrations des
TLET.
[7] En 2006, la
SLA aurait harcelé les Tamouls et fouillé les maisons des Tamouls à Jaffna. Au printemps de 2006, elle aurait agressé de façon aléatoire des étudiants à Jaffna. Un grand nombre d'entre eux ont été fusillés et tués, et ont disparu.
[8] La famille du demandeur d'asile vivait tout près d'un camp de l'armée. En XXXXX 2006, la famille du demandeur d'asile a déménagé dans une autre maison à XXXXX afin de s'éloigner de la
SLA.
[9] Le XXXXX 2006, la Force d'intervention spéciale de la
SLA a arrêté le demandeur d'asile. Après avoir saisi le cellulaire du demandeur d'asile, l'armée l'a questionné dans le but de savoir s'il était un partisan des
TLET. Le demandeur a montré sa carte d'étudiant et sa carte d'identité nationale. Il a dit aux soldats qu'il n'avait rien à voir avec les
TLET et les étudiants partisans. Il n'a jamais pris part à l'organisation de la récente célébration commémorative des
TLET ni pris part à celle-ci à XXXXX XXXXX. Pendant son interrogatoire, le demandeur d'asile a été frappé dans le ventre et poussé contre un mur. Il a été dénudé. Plus tard, le même jour, le demandeur d'asile a été libéré lorsque ses parents sont venus le chercher au camp de la
SLA.
[10] La
SLA a conservé la carte d'identité du demandeur d'asile. À une occasion où il a tenté de ravoir sa carte d'identité, le demandeur d'asile a été giflé.
[11] Après une semaine, la
SLA a remis au demandeur d'asile sa carte d'identité. Il a été demandé au demandeur d'asile de fournir de l'information à l'armée au sujet des partisans des
TLET. Il ne l'a jamais fait. Le demandeur d'asile ne disposait pas de ces renseignements.
[12] Vers la fin de 2006, le demandeur d'asile ainsi que sa famille et un grand nombre d'autres villageois ont été enlevés de leur maison et conduits au temple local. Toutes ces personnes ont été photographiées, puis libérées.
[13] Craignant d'être harcelé davantage aux mains de la
SLA, le demandeur d'asile a déménagé à XXXXX au XXXXX en 2007. Il l'a fait sans d'abord obtenir la permission du gouvernement sri-lankais. Il avait de fausses pièces d'identité et une fausse carte indiquant qu'il avait la permission d'être à XXXXX.
[14] Le demandeur d'asile a fait le trajet jusqu'à XXXXX avec son ami tamoul XXXXX.
[15] En XXXXX 2007, le demandeur d'asile a été arrêté par des hommes qui conduisaient une fourgonnette blanche. Un homme parlant en tamoul s'est emparé du portefeuille du demandeur d'asile. Le demandeur d'asile s'est enfui. Il croit que les hommes étaient membres d'organisations paramilitaires du gouvernement qui savaient que le demandeur d'asile était illégalement à XXXXX.
[16] XXXXX a été fusillé et tué devant ses propres parents par des membres d'organisations paramilitaires du gouvernement à XXXXX.
[17] En XXXXX 2007, le demandeur d'asile s'est enfui en Malaisie. Après l'expiration de son visa de voyage, il est resté illégalement en Malaisie jusqu'à ce qu'il arrive au Canada en XXXXX 2009.
[18] Le demandeur d'asile a présenté sa demande d'asile le 19 avril 2009, pendant les derniers mois du conflit armé entre les
TLET et le gouvernement sri-lankaisNote 3.
ANALYSE
[20] L'identité du demandeur d'asile en tant que ressortissant du Sri Lanka est établie par son témoignage et par les documents déposés à l'appui de sa demande d'asileNote 4.
[21] J'ai estimé que le demandeur d'asile a été un témoin crédible. Il a témoigné d'une manière franche, et son témoignage a généralement été cohérent.
[22] Le 9 septembre 2009, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a informé le demandeur d'asile des questions qui seront traitées à l'audience sur sa demande d'asileNote 5. Le 7 septembre 2010, la Commission a avisé le demandeur d'asile que les nouvelles circonstances et les raisons impérieuses seraient d'autres questions à trancher à l'audience sur sa demande d'asile prévue pour le 13 septembre 2010Note 6.
[23] La Commission a fait part de ces questions additionnelles au demandeur d'asile parce qu'elle savait que la guerre civile au Sri Lanka avait pris fin 16 mois plus tôtNote 7.
[24] Les questions soulevées dans le cadre de la présente demande d'asile visent à déterminer si le demandeur d'asile craint avec raison d'être persécuté au Sri Lanka en qualité de jeune Tamoul ou pour d'autres motifs prévus dans la Convention et s'il serait exposé au risque objectif de traitements ou peines cruels et inusités, à une menace à sa vie ou au risque de torture. Il s'agit d'une évaluation prospectiveNote 8.
Contexte
[25] Le paysage politique du Sri Lanka a changé radicalement au cours de 18 derniers mois. Pour pouvoir évaluer l'incidence de ces changements sur la demande d'asile du demandeur, il importe d'examiner ces changements dans leur contexte historique. À partir de cette compréhension, il sera possible de décider si le demandeur d'asile a actuellement qualité de personne protégée suivant les articles 96 et 97 de la
Loi.Note 9
[26] Le demandeur d'asile s'est enfui du Sri Lanka le XXXXX 2007. Au moment où il est arrivé au Canada, le 19 avril 2009, le gouvernement du Sri Lanka était en guerre civile avec les
TLET depuis plus de 26 ans. Les forces de sécurité et les groupes paramilitaires progouvernementaux avaient commis de nombreuses violations des droits de la personne, notamment des arrestations arbitraires, des détentions, des attaques armées, des assassinats de civils, du recrutement d'enfants soldats et de la tortureNote 10. La grande majorité des victimes étaient des jeunes hommes tamoulsNote 11.
[27] À l'extérieur de la zone de conflit, comme à Colombo, les jeunes hommes tamouls étaient essentiellement les victimes d'exécutions sommaires et de disparitionsNote 12.
[28] Au cours des premiers mois de 2009, le conflit s'est intensifié. Ultimement, la
SLA a vaincu les
TLET, s'appropriant le reste des territoires contrôlés par les
TLET. Au cours des derniers mois du combat, les
TLET ont recruté de force des adultes et des enfants comme combattants, se sont servis de civils comme boucliers humains contre les forces gouvernementales qui approchaient et ont attaqué les civils qui tentaient de s'enfuir. Selon certaines estimations, des milliers de civils ont été tués pendant ces combatsNote 13.
[29] Les
TLET ont concédé la défaite en mai 2009 et déclaré qu'ils avaient décidé de rendre leurs armesNote 14.
[30] Selon une estimation des Nations Unies, le conflit aurait fait entre 80 000 et 100 000 victimes depuis qu'il a dégénéré en guerre civile générale en 1983 - ce qui comprend un inventaire non officiel et non vérifié de 7 000 civils tués depuis janvier 2009Note 15.
[31] Lorsque la guerre a pris fin, la situation des jeunes hommes tamouls du Nord et de la majorité de la communauté tamoule est demeurée désastreuse. Le gouvernement s'était servi aléatoirement d'armes lourdes dans des régions très peuplées de civils. La
SLA a continué de faire disparaître de jeunes hommes tamouls à mesure que les civils tamouls déplacés rentraient dans le territoire gouvernementalNote 16.
[32] L'armée a procédé à l'arrestation et à la détention de plus de 12 000 individus soupçonnés d'être des
TLET et d'autres personnes soupçonnées d'avoir des liens avec les
TLET. Ces personnes, qui sont en majorité des hommes tamouls, étaient détenues dans des sites de réhabilitation et des prisons séparésNote 17. Bon nombre de ces personnes auraient été arrêtées à partir d'éléments de preuve limitésNote 18.
[33] Environ 300 000 personnes, dont la plupart sont d'origine ethnique tamoule, ont été placées dans des camps aux conditions misérables, sous contrôle militaire, sans surveillance par les organisations des Nations Unies ou les organismes non gouvernementaux ni accès à ces organisationsNote 19. Selon des allégations, les forces gouvernementales ont commis divers crimes contre les personnes internées dans ces camps, dont des viols et des agressions sexuellesNote 20.
[34] Après de tels mauvais traitements subis par autant de personnes, les jeunes Tamouls et les Tamouls en général ont commencé à voir leur situation s'améliorer. Le gouvernement du Sri Lanka a commencé à libérer les Tamouls. À la mi-juin 2010, environ 246 000 personnes ont été libérées; elles ont pu quitter les camps pour personnes déplacées et retourner dans leur région d'origine ou sont allées habiter avec des familles d'accueil, des parents ou des amis. Les 40 000 personnes toujours dans des camps devraient être libérées d'ici la fin de 2010Note 21.
[35] En janvier 2010, le gouvernement a également commencé à libérer certains militants présumés des
TLET. À la fin de mai 2010, tous les anciens enfants-soldats associés aux
TLET auraient été libérés des centres de réadaptationNote 22. Certains détenus d'âge adulte ont également été libérés après avoir suivi des programmes de réadaptation ou parce qu'ils étaient réputés ne plus présenter de risque, y compris des personnes ayant des déficiences physiques. En mai 2010, environ 9 000 anciens militants présumés des
TLET étaient toujours détenus dans des camps fermésNote 23.
[36] La situation de personnes soupçonnées d'avoir des liens avec les
TLET demeure angoissante. Selon des allégations provenant de diverses sources, ces personnes risquent la torture et la mort pendant qu'elles sont détenues. Les conditions sont mauvaises dans les prisonsNote 24. De plus, les membres des
TLET et les personnes soupçonnées d'avoir des liens avec les
TLET sont toujours arrêtés par les autoritésNote 25.
[37] À l'exception des présumés membres des
TLET et des personnes soupçonnées d'avoir des liens avec les
TLET, la situation pour le reste de la population tamoule s'est améliorée. Les restrictions quant à la liberté de circulation ont été levéesNote 26. La route A9 - artère principale du pays reliant le Nord au Sud - est maintenant ouverte. Les véhicules y sont nombreux, parmi lesquels des cars de touristesNote 27.
[38] D'autres mesures de sécurité, cependant, dont des points de contrôle militaire/policier le long des routes principales et une présence militaire très visible, sont maintenues dans l'ensemble du pays pour prévenir, selon les renseignements obtenus, la remise sur pied des
TLET par les militants toujours en libertéNote 28.
[39] La situation relativement aux droits de la personne dans le pays s'est également amélioréeNote 29. Le gouvernement a assoupli certaines de ses mesures législatives d'urgence. Il a annulé plusieurs dispositions, dont celles ayant trait à l'imposition de couvre-feu, ainsi que celles visant à limiter les défilés et les réunions qui étaient auparavant considérés comme préjudiciables à la sécurité nationaleNote 30.
[40] La ville de XXXXX, située dans le Nord du pays et d'où vient le demandeur d'asile, semble différente d'il y a un an, alors que les résidents devaient respecter des couvre-feux et se soumettre à des contrôles importuns. Les commerces sont ouverts pendant de longues heures, des programmes culturels sont de nouveau offerts, et des touristes, en majorité des Cinghalais du Sud du Sri Lanka, viennent en grand nombre dans la régionNote 31.
[41] Le pays est maintenant dirigé par un gouvernement entièrement centralisé. Par exemple, certaines régions du Nord du pays qui étaient sous le contrôle des
TLET depuis des dizaines d'années sont maintenant dirigées par les autorités gouvernementales du Sri LankaNote 32.
[42] Cela ne signifie pas pour autant que le Sri Lanka est une démocratie florissante qui tient compte des désirs de la population minoritaire tamoule. Comme l'indique le rapport du International Crisis Group, le gouvernement envisage la reconstruction du Nord comme la création d'un
nouveau Nord, sur lequel il exerce un contrôle très serré et qui lui permet d'atteindre ses objectifs en matière de politique et de sécuritéNote 33. Les dirigeants militaires disposent actuellement d'un droit de veto effectif pour ce qui est de l'ensemble des décisions importantes concernant le traitement réservé aux personnes déplacées et leur rétablissement. Des partis politiques et des groupes armés tamouls qui appuient le gouvernement surveillent et contrôlent la population localeNote 34.
[43] Avant les faits nouveaux rapportés plus haut quant à la sécurité et aux droits de la personne, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) avait soutenu, même après la fin de la guerre civile, que tous les demandeurs d'asile tamouls se trouvant dans le Nord du pays ou venant du Nord du pays devaient se voir reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention de 1951, en l'absence d'indicateurs clairs et fiables qu'ils ne remplissaient pas les critèresNote 35. Compte tenu de l'amélioration des conditions au Sri Lanka pour les Tamouls, le
HCR a maintenant modifié sa position. Selon ses
Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum Seekers from Sri Lanka [lignes directrices pour la protection internationale des demandeurs d'asile du Sri Lanka - lignes directrices du
HCR (Les documents sur le site Web du
HCR sont en anglais seulement) de juillet 2010, le
HCR conclut que :
[traduction]
Compte tenu de l'amélioration des conditions au Sri Lanka en ce qui concerne les droits de la personne et la sécurité, il n'est plus nécessaire […] de présumer admissibles les Sri-Lankais d'origine tamoule qui viennent du Nord du paysNote 36.
En d'autres termes, les lignes directrices du
HCR indiquent maintenant que, de façon générale, les Tamouls du Nord du pays ne sont plus présumés admissibles à l'asile. À mon avis, cela comprend les jeunes Tamouls du Nord du pays.
[44] Selon les lignes directrices du
HCR, toutes les demandes d'asile doivent être examinées sur le fond, et celles correspondant à certains profils doivent faire l'objet d'un examen particulièrement attentif quant aux risques courusNote 37. Les lignes directrices du
HCR recommandent une protection continue pour les personnes correspondant aux profils suivants : les personnes soupçonnées d'avoir des liens avec les
TLET, les journalistes et d'autres professionnels dans le domaine des médias, des membres de la population civile et les défenseurs des droits de la personne, les femmes et les enfants correspondant à certains profils, ainsi que les lesbiennes, les gais, les bisexuels et les transgenresNote 38. Il importe de noter que les jeunes Tamouls ne figurent pas parmi les profils pour lesquels le
HCR recommande une protection continue.
Crainte fondée de persécution
[45] Le demandeur d'asile n'allègue pas avoir été sérieusement soupçonné d'avoir des liens avec les
TLET ou correspondre à un autre des profils dont font état les lignes directrices du
HCR. Selon son
FRP et son témoignage, il a été détenu à maintes reprises par la
SLA, qui voulait savoir si d'autres étudiants tamouls à son école avaient des liens avec les
TLET et voulait vérifier si lui-même avait des liens avec les
TLET.
[46] À l'audience, la conseil du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile a soutenu dans ses observationsNote 39 que, compte tenu des nouvelles conditions au Sri Lanka, le gouvernement du Sri Lanka ne s'attaquerait pas au demandeur d'asile, ne le harcèlerait pas ni ne commettrait d'autres actes de persécution à son égard s'il retournait au Sri Lanka parce qu'il n'était pas un membre des
TLET et qu'il n'était pas soupçonné d'être un membre des
TLET.
[47] Quant au conseil du demandeur d'asile, il soutient dans ses observations que les conditions au Sri Lanka n'ont pas changé de façon durable. Selon lui, la preuve révèle que les jeunes Tamouls habitant dans le Nord du Sri Lanka ou en venant font toujours l'objet de harcèlement et d'actes d'extorsion par les autorités. Des forces gouvernementales et paramilitaires continuent de les faire disparaître et de les tuer. Les jeunes Tamouls du Nord du Sri Lanka appartiennent donc toujours à un groupe social dont les membres n'ont pas besoin de démontrer comment ils seront persécutés à l'avenir. Les membres de ce groupe, tout comme le demandeur d'asile, n'ont qu'à démontrer qu'il existe plus qu'une simple possibilité qu'ils soient persécutés.
[48] La Cour d'appel dans
Yusuf
c. CanadaNote 40 a affirmé qu'un changement de situation est simplement une question de fait et qu'il n'existe aucun « critère » juridique distinct permettant de jauger les allégations de changement de situation. Elle a ajouté :
L'emploi de termes comme "important", "réel" et "durable" n'est utile que si l'on garde bien à l'esprit que la seule question à résoudre, et par conséquent le seul critère à appliquer, est celle qui découle de la définition de réfugié au sens de la Convention donnée par l'art. 2 de la LoiNote 41: le demandeur du statut a-t-il actuellement raison de craindre d'être persécuté?
[49] Après avoir examiné l'ensemble de la preuve dans la présente affaire, je conclus qu'il y a eu un changement de situation. Bien que le cartable national de documentation contienne des documents indiquant que les Tamouls du Nord du pays, tout particulièrement, sont ciblés, portés disparus, arrêtés et torturés, tous ces documents font état de situations qui ont eu lieu pendant et tout de suite après la fin de la guerre civileNote 42.
[50] Les documents et les analyses plus récents quant à la situation actuelle au Sri Lanka sont plus convaincantsNote 43. Ils attestent la fin de la guerre civile. Il n'y a pas eu de reprise des activités des
TLET depuis la fin de la guerre en mai 2009. Compte tenu de la défaite totale des
TLET et du fait que la vaste majorité des Tamouls au pays font maintenant l'objet d'un contrôle pour déterminer s'ils étaient des membres des
TLET ou des personnes associées étroitement aux
TLET, les Tamouls ne sont plus visés par les actes de persécution dont ils faisaient habituellement l'objet au Sri Lanka. Les Tamouls ne sont plus arrêtés, embarqués, battus, bombardés et visés par des actes d'extorsion par la
SLA et d'autres forces gouvernementales et paramilitaires, que ce soit de façon habituelle ou sporadique. La presque totalité des 300 000 Tamouls détenus dans des camps d'internement ont été libérés, et ceux qui sont toujours internés seront libérés sous peu. Les éléments de preuve présentés m'amènent à conclure que le changement de situation au Sri Lanka est considérable et durable et que la crainte de persécution du demandeur d'asile du fait de son appartenance à un groupe social, de ses opinions politiques présumées et de sa nationalité n'est pas fondée.
[51] Je ne doute pas que la crainte subjective du demandeur d'asile d'être persécuté et de subir d'autres préjudices est authentique étant donné la guerre civile qui a duré 26 ans et les conséquences immédiates de la guerre; toutefois, en raison des changements importants qui sont survenus au pays, le fondement objectif de sa demande d'asile n'existe plus.
[52] La preuve présentée par le demandeur d'asile révèle qu'à plusieurs reprises, avant de quitter le Sri Lanka, la
SLA avait arrêté le demandeur afin de déterminer s'il avait soutenu ou appuyé les
TLET ou connu quiconque avait soutenu les
TLET de quelque façon que ce soit. Lorsque le gouvernement arrêtait le demandeur d'asile, il le photographiait, examinait ses pièces d'identité et l'interrogeait. Après chaque arrestation, que cette dernière visait la collectivité ou le demandeur d'asile en particulier, ce dernier était libéré.
[53] Je considère que les libérations successives du demandeur d'asile indiquent que le gouvernement n'envisageait pas sérieusement que le demandeur était un membre des
TLET ou qu'il était associé à ceux-ci. Même si le demandeur d'asile a été détenu et harcelé plus d'une fois, le fait qu'il a été libéré démontre que les autorités ne considéraient pas qu'il constituait une menace. Le demandeur d'asile a été victime de persécution, car il était un jeune Tamoul, mais les actes du gouvernement durant la guerre civile n'appuient pas la conclusion selon laquelle le demandeur serait considéré à l'heure actuelle comme une personne affiliée aux
TLET.
[54] Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que le gouvernement du Sri Lanka n'estimerait pas que le demandeur d'asile est un membre des
TLET ou est associé ou affilié aux
TLET. Par conséquent, son profil ne correspond pas à celui d'une [traduction] « personne soupçonnée d'avoir des liens avec les
TLET », qui, selon les lignes directrices du
HCR, est un profil toujours à risque. Je considère que le demandeur d'asile ne risque pas sérieusement d'être persécuté au Sri Lanka et que, par conséquent, sa crainte n'est pas fondée objectivement.
[55] Dans son
FRP, le demandeur d'asile a également déclaré qu'il avait peur des étudiants tamouls à son collège XXXXX, lesquels voulaient qu'il participe à des évènements démontrant leur solidarité envers les
TLETNote 44. Il a toutefois témoigné que, depuis la défaite des
TLET, il ne craint plus d'être recruté dans les
TLET et n'éprouve plus aucune crainte envers les
TLET défaits. Il n'éprouve plus de crainte subjective envers les
TLET ou leurs partisans.
[56] Pour toutes ses raisons, j'ai conclu que le demandeur d'asile n'a pas qualité de réfugié au sens de la Convention.
Personne à protéger
[57] Puisque j'ai conclu que le demandeur d'asile n'avait pas qualité de réfugié au sens de la Convention, j'examinerai maintenant si le préjudice allégué par le demandeur d'asile équivaut à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels ou inusités, ou au risque d'être soumis à la torture, aux termes du paragraphe 97(1) de la
Loi.
[58] Rien n'indique que le demandeur d'asile serait exposé à une menace à sa vie, au risque de traitements ou peines cruels ou inusités, ou au risque d'être soumis à la torture s'il devait retourner au Sri Lanka. Le demandeur d'asile craint le gouvernement et les forces paramilitaires du gouvernement. J'ai déjà conclu qu'il n'existait aucune possibilité sérieuse de risque de préjudice de la part de ces agents du gouvernement. Par conséquent, je conclus également que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur d'asile ne subirait pas personnellement un préjudice s'il retournait au Sri Lanka.
[59] Le conseil du demandeur d'asile a également soutenu dans ses observations que le Sri Lanka est un pays dangereux en raison de la situation ayant trait à la sécurité et de l'extorsion dont sont victimes les propriétaires d'entreprise tamouls. Je considère qu'il s'agit de risques généralisés auxquels sont exposés les personnes vivant au Sri Lanka ou originaires de ce pays. Selon le sous-alinéa 97(1)b)(ii) de la
Loi, la protection n'est offerte qu'aux personnes exposées à un risque précis, c'est-à-dire un risque auquel d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne sont généralement pas exposées. Pour ce motif, je conclus également que le demandeur d'asile n'a pas qualité de personne à protégerNote 45.
[60] Finalement, pour ce qui est de l'allégation du demandeur d'asile quant à la possibilité d'être recruté par les
TLET ou au fait d'être obligé de participer à des activités liées au
TLET, cette allégation n'est appuyée sur aucun fondement objectif, ce que le demandeur a lui-même reconnu dans son témoignage. Aucun cas signalé d'extorsion, de recrutement, de disparition ou d'attentat à la bombe commis par les
TLET depuis la fin de la guerre n'a été trouvé dans les sources consultées par la Direction des recherches de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, laquelle devait trouver de l'information sur la questionNote 46.
[61] Compte tenu de la situation, je conclus que le demandeur d'asile n'a pas qualité de personne à protéger suivant le paragraphe 97(1) de la
Loi.
Raisons impérieuses
[62] La première question en l'espèce consiste à déterminer si le demandeur d'asile aurait eu qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger lorsqu'il a quitté son pays et a demandé l'asile au Canada. En tant que jeune Tamoul du Nord du Sri Lanka, je conclus que le demandeur d'asile aurait eu qualité de réfugié au sens de la Convention lorsqu'il a quitté le Sri Lanka en XXXXX 2007 et même ultérieurement lorsqu'il est arrivé au Canada le 19 avril 2009. Cependant, comme il a été mentionné, j'ai conclu que la situation avait depuis changé au Sri Lanka de sorte que les motifs pour lesquels le demandeur d'asile a demandé l'asile n'existent plus.
[63] La deuxième question consiste à déterminer si l'asile peut être octroyé au demandeur d'asile, car il fait partie des personnes ayant souffert d'une persécution ou subi un autre préjudice tellement épouvantable que leur seule expérience constitue une raison impérieuse pour ne pas les renvoyer dans leur pays d'origine, lors même qu'ils n'auraient plus aucune raison de craindre une nouvelle persécution ou tout autre préjudiceNote 47. Comme la Cour d'appel l'a mentionné dans
ObstojNote 48, les raisons impérieuses ne s'appliqueront qu'à une petite minorité de demandeurs d'asile actuels. Il s'agit d'une question de fait fondée sur la preuve présentée par le demandeur d'asile selon laquelle il est fondé à invoquer cette disposition d'ordre humanitaireNote 49.
[64] Le demandeur d'asile n'a pas soutenu durant l'instruction de sa demande que les traitements qu'il avait subis au Sri Lanka étaient si atroces et épouvantables que sa seule expérience constitue une raison impérieuse de ne pas le renvoyer au Sri Lanka.
[65] La preuve déposée par le demandeur d'asile démontre qu'il a été arrêté par la
SLA et les forces paramilitaires du gouvernement à plusieurs reprises alors qu'il demeurait au Sri Lanka. Le demandeur d'asile a été détenu pendant une journée en 2006. Durant sa détention en 2006 et la semaine qui a suivi, il a été giflé, frappé dans le ventre et poussé contre un mur. Il n'a jamais consulté un professionnel de la santé relativement à ses blessures. La preuve déposée par le demandeur d'asile n'a pas démontré que les traitements qu'il avait subis satisfaisaient au seuil élevé préalable à la dispense pour des raisons impérieuses.
[66] Après avoir évalué le niveau de préjudice dont a été victime le demandeur d'asile, je conclus que la dispense pour des raisons impérieuses ne s'applique pas. Par définition, toute persécution s'accompagne d'un préjudice physique ou mental, ou d'autres sanctions. Le préjudice subi par le demandeur d'asile n'est pas si extraordinaire ou exceptionnel que, en raison des nouvelles circonstances au Sri Lanka, il serait injustifié de le renvoyer dans ce paysNote 50.