Décision et ordonnance
Dans l’affaire de : Artem DJUKIC
Date de la décision et de l’ordonnance : 29 décembre 2016
Délégué du président : Louis Bourgon
Avocat du conseiller en immigration : Alfred S. Schorr, Avocat
DÉCISION ET ORDONNANCE
Contexte
[1] En vertu d’un instrument de délégation daté du 22 décembre 2014, le président intérimaire de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) a délégué au soussigné le pouvoir de déterminer les faits concernant la pratique d’Artem Djukic devant la CISR. La délégation de pouvoir a été faite eu égard à l’ordonnance rendue par la Section de première instance du Tribunal du Barreau, le 11 décembre 2014, en vertu de laquelle le permis de parajuriste d’Artem Djukic a été suspendu sur une base interlocutoire et provisoire au titre de l’article 49.27 de la Loi sur le Barreau. Ladite délégation autorisait en outre le soussigné à prendre toutes les mesures correctives et disciplinaires appropriées, y compris une interdiction de comparaître au nom de quiconque devant la CISR.
[2] L’ordonnance datée du 11 décembre 2014 rendue par la Section de première instance du Tribunal du Barreau à l’égard d’Artem Djukic prévoyait entre autres ce qui suit :
[traduction]
- À compter de la date de la présente ordonnance, et jusqu’à ce que la requête soit instruite sur le fond, ou que la formation du tribunal de la Section de première instance du Tribunal rende une autre ordonnance, le permis du parajuriste est suspendu de manière interlocutoire et provisoire.
- Le parajuriste doit pleinement se conformer aux conditions décrites dans la Ligne directrice du Barreau pour les parajuristes suspendus ou qui se sont engagés à ne pas fournir de services juridiques pendant leur suspension et il ne doit ni ouvrir ni administrer de comptes en fiducie pendant la durée de la suspension suivant la présente ordonnance.
- [...]
- La requête est ajournée et elle sera instruite le vendredi 9 janvier 2015.
[3] L’article 49.27 de la Loi sur le Barreau, L.R.O. 1990, chap. L.8, prévoit ce qui suit :
Ordonnances interlocutoires
49.27(1) La Section de première instance peut rendre l’ordonnance interlocutoire qu’autorisent les règles de pratique et de procédure, sous réserve du paragraphe (2).
Exception
(2) La Section de première instance ne doit pas rendre une ordonnance interlocutoire suspendant le permis d’un titulaire de permis ou limitant la façon dont un titulaire de permis peut pratiquer le droit ou fournir des services juridiques sauf s’il existe des motifs raisonnables de croire que le fait de ne pas la rendre constitue un risque important de préjudice pour les membres du public, ou pour l’intérêt qu’a le public à l’égard de l’administration de la justice, et que le fait de la rendre réduira vraisemblablement le risque. [Soulignement ajouté]
[4] En réponse à une enquête menée par la CISR concernant le statut d’Artem Djukic, le Conseil de réglementation des consultants en immigration du Canada (CRCIC) a écrit au greffier de la Section de la protection des réfugiés de la CISR au bureau régional du Centre, le 19 décembre 2014, pour l’informer que M. Djukic était [traduction] « connu du service des plaintes et des normes professionnelles et qu’il [faisait] l’objet de plaintes en cours de traitement ».
[5] Compte tenu des renseignements susmentionnés et de l’objectif visant la protection de l’intégrité des procédures de la CISR, j’ai rendu, le 5 janvier 2015, une ordonnance interdisant à Artem Djukic de représenter quiconque relativement à des procédures devant la CISR tant que son permis de parajuriste est suspendu par le Barreau du Haut-Canada.
Demande d’annulation de l’ordonnance d’interdiction
[6] Le 17 octobre 2016, Artem Djukic, par l’intermédiaire de son conseil, a écrit à la CISR pour lui demander d’annuler l’ordonnance d’interdiction qu’elle avait rendue le 5 janvier 2015. La demande comprenait des documents du Barreau du Haut-Canada et du CRCIC portant sur des procédures que ces deux organismes de réglementation avaient entreprises contre M. Djukic.
[7] Le Barreau du Haut-Canada a conclu qu’Artem Djukic (l’intimé dans le cadre de la procédure réglementaire) avait contrevenu à l’article 33 de la Loi sur le Barreau en se conduisant d’une façon indigne d’un membre, comme il est énoncé aux points 1, 3, 5 et 6 de l’avis de requête modifié PCN100/15. Le 18 avril 2016, le Barreau a rendu une ordonnance révoquant immédiatement le permis autorisant l’intimé à fournir des services juridiques. En outre, M. Djukic a été ordonné de payer les dépens du Barreau au montant de 10 000 $. Les motifs de la décision de la Section de première instance du Tribunal du Barreau (Law Society of Upper Canada v. Djukic, 2016 ONLSTH 115) se trouvent sur le site de CanLII.
[8] Le CRCIC maintient l’adhésion d’Artem Djukic à titre de membre. Ce dernier fait toutefois l’objet de 10 plaintes présentées au CRCIC, lesquelles ne sont pas réglées. Les 19 et 20 juillet 2016, le CRCIC a présenté une requête urgente concernant la conduite d’Artem Djukic, laquelle demandait une ordonnance de suspension provisoire.
[9] Le 18 août 2016, le comité de discipline du CRCIC a décidé de suspendre l’adhésion de M. Djukic le 31 août 2016. La suspension est en vigueur (i) jusqu’à ce que le comité des plaintes ou le comité de discipline prennent une décision au sujet des 10 plaintes en cours OU (ii) jusqu’à expiration de la période de six mois suivant la date de l’ordonnance, selon la première occurrence. Toutefois, l’ordonnance du comité de discipline du CRCIC prévoit que l’exécution de la suspension est suspendue pourvu que M. Djukic respecte les conditions énoncées aux paragraphes 3 à 8 de l’ordonnance (le [traduction] « système de surveillance »). Le système de surveillance vise une [traduction] « pratique en matière d’immigration qui soit restreinte et bien surveillée » et prévoit, entre autres, qu’il y ait des contrôles des comptes en fiducie, qu’il soit fait rapport chaque mois au registraire du CRCIC et que des superviseurs de la pratique approuvés aient accès aux livres et aux dossiers de M. Djukic ainsi qu’à ses dossiers actifs concernant ses clients.
[10] Comme suite à ma demande écrite du 4 novembre 2016, M. Djukic (par l’intermédiaire de son conseil) a fourni une confirmation écrite, sous la forme d’une lettre sur son statut écrite par le CRCIC et datée du 30 novembre 2016, selon laquelle il continue de se conformer entièrement aux conditions énoncées dans l’ordonnance de surveillance du CRCIC.
[11] Je suis convaincu à ce stade-ci que les conditions énoncées dans l’ordonnance de surveillance du CRCIC auront pour effet de protéger l’intégrité des procédures de la CISR.
Il est ordonné que :
[12] L’ordonnance de la CISR datée du 5 janvier 2015 interdisant à Artem Djukic de représenter ou de conseiller quiconque relativement à des procédures se déroulant devant la CISR soit annulée.
[13] Artem Djukic informe immédiatement la CISR par écrit de tout changement apporté à son statut de membre du CRCIC et qu’il lui transmette les renseignements suivants, sans s’y limiter :
a) les changements apportés aux conditions énoncées dans l’ordonnance de surveillance du comité de discipline du CRCIC datée du 18 août 2016 ou l’avis de toute autre ordonnance que le comité de discipline du CRCIC pourrait rendre afin de remplacer celle en vigueur;
b) l’avis de suspension de l’adhésion de membre délivré par le CRCIC;
c) l’avis de révocation de l’adhésion de membre délivré par le CRCIC.
(signé)
Louis Bourgon
Délégué du président
Commissaire coordonnateur
Section de la protection des réfugiés
Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada