Motifs et décision

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JULIUS EHIKWE

Date(s) de l'audience : S/O

Lieu de l'audience : TORONTO (en cabinet)

Date de la décision : 17 décembre 2007

Tribunal : Lois D. Figg


TABLE DES MATIÈRES


Introduction

[1]  La présente décision concerne les activités professionnelles de M. Julius Ehikwe, Ph.D. devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (CISR) et vise à déterminer si M. Ehikwe a contrevenu au Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, s'il s'est rendu coupable d'une inconduite susceptible de compromettre l'intégrité de la procédure de la CISR et, le cas échéant, les sanctions qu'il convient de lui infliger.

Délégation des pouvoirs du président de la CISR de rendre la présente décision

[2]  Il incombe au président de la CISR de protéger l'intégrité de la procédure de la Commission.

[3]  Le président de la CISR a délégué ses pouvoirs à la soussignée pour qu'elle examine cette question aux termes d'une lettre en date du 7 août 2007Note 1 (communiquée à M. Ehikwe le 27 août 2007).

[4]  La lettre de délégation indique qu'en vertu du paragraphe 159(2) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR), j'ai le pouvoir d'enquêter sur les faits concernant les activités professionnelles de M. Julius Ehikwe devant la Commission, par suite d'allégations selon lesquelles il aurait exigé une rémunération pour représenter des demandeurs d'asile devant la Section de la protection des réfugiés, de même qu'un appelant devant la Section d'appel de l'immigration, dans les dossiers de la SPR portant les numéros suivants :

 

TA5-10217

TA5-01547

TA4-16466

TA5-11822

TA5-01676

 

et dans le dossier de la SAI portant le numéro :

TA4-11674

de même que

  • d'une allégation selon laquelle il aurait conseillé à une demandeure d'asile de soumettre une version des faits erronée au soutien de sa demande d'asile, dans le dossier de la SPR portant le numéro TA5-11822, et
  • d'une allégation selon laquelle il aurait fait office de conseil pour un demandeur d'asile et l'aurait aidé à obtenir une attestation médicale frauduleuse afin d'obtenir le report de son audience (dossier de la SPR no  TA5-01676).

[5]  Le président a également délégué expressément ses pouvoirs pour que des mesures correctives et disciplinaires soient prises, selon ce qui était jugé approprié.

[6]  La question visant à déterminer si un vice-président adjoint, à qui le président de la CISR a délégué les pouvoirs, peut suspendre la comparution d'un agent ou d'un représentant d'une personne devant une section de la CISR en raison de doutes soulevés au sujet de la conduite de l'agent ou du représentant en question, a été abordée dans l'affaire RezaeiNote 2. La Section de première instance de la Cour fédérale a conclu que le paragraphe 58(4) de l'ancienne  Loi sur l'immigrationNote 3 accordait au président le pouvoir de déléguer ses pouvoirs à un vice-président adjoint (le VPA). Par ailleurs, la Cour a conclu que la CISR jouissait de la compétence inhérente pour contrôler le déroulement de sa propre procédure afin d'en assurer l'intégrité, et qu'en l'absence de procédures précises établies par une loi ou par un règlement, la CISR était habilitée (par l'intermédiaire du VPA à qui les pouvoirs avaient été délégués par le président) à suspendre la comparution d'un agent ou d'un représentant devant la CISR au nom d'une autre personne.

[7]  Depuis le jugement Rezaei, la LIPR est entrée en vigueur (le 28 juin 2002) et l'ancienne Loi sur l'immigration a été abrogée. Le paragraphe 159(2) de la LIPR a remplacé l'article 58(4) de l'ancienne Loi sur l'immigration. En voici le texte :

159. (2) Le président peut déléguer ses pouvoirs aux commissaires, autres que ceux de la Section de l'immigration, ceux prévus aux alinéas (1) a) et i) au secrétaire général de la Commission et ceux en matière d'immigration au directeur général et aux directeurs et aux commissaires de la Section de l'immigration, ceux prévus au paragraphe 161(1) ne pouvant être délégués.

[8]  Il est acquis que la Loi confère au président le pouvoir de déléguer aux commissaires de la CISR, autres que les commissaires de la Section de l'immigration, l'un ou l'autre de ses pouvoirs, sauf celui de prendre les règles énumérées au paragraphe 161(1) de la LIPR, celui de superviser et de diriger le travail du personnel de la CISR, et celui de nommer des experts ou des personnes possédant des connaissances particulières pour aider les sections de la CISR et d'établir leur rémunération (ces deux derniers pouvoirs ne pouvant être délégués qu'au secrétaire général de la Commission). Dans le cas qui nous occupe, le président a délégué à la soussignée ses pouvoirs généraux pour qu'elle examine des allégations qui, si elles se révélaient fondées, pourraient compromettre l'intégrité du déroulement des instances introduites devant la Commission, et pour prendre toute mesure corrective qu'elle peut estimer nécessaire relativement au conseil qui comparait devant la Commission, sans limiter l'exercice de ces pouvoirs à une section en particulier.

[9]  Je conclus que le pouvoir de déléguer accordé au président en vertu de la LIPR a une portée au moins aussi large que celui que conférait l'ancienne Loi sur l'immigration. Par conséquent, je conclus que le dispositif et les motifs contenus dans le jugement Rezaei au sujet des questions de compétence de la CISR pour assurer l'intégrité de sa procédure et de délégation des pouvoirs du président continuent de s'appliquer sous le régime de la LIPR.

Contexte

[10]  Le Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) exige qu'une personne soit un représentant autorisé, c'est-à-dire un membre en règle d'un barreau d'une province ou un membre de la Société canadienne de consultants en immigration (SCCI), si elle souhaite représenter un client ou faire office de conseil contre rémunération dans des questions relatives à la CISR. Toute personne peut, à titre gracieux (« sans rémunération »), en représenter une autre ou faire office de conseil pour elle dans toute affaire portée devant la CISR. Si une rémunération est exigée, cependant, le représentant doit être membre en règle d'un barreau ou membre de la SCCI. Ces dispositions législatives ont été conçues pour protéger les demandeurs d'asile, les appelants et les personnes concernées qui sont habituellement plus vulnérables (par exemple, les nouveaux arrivants au Canada qui n'ont pas nécessairement un réseau de soutien, qui ne maîtrisent pas la langue ou qui ne comprennent pas bien le système d'immigration et d'accueil des réfugiés), des personnes incompétentes ou sans scrupules.

[11]  Le terme « représentant autorisé » est défini à l'article 2 du Règlement comme suit :

« Représentant autorisé » Membre en règle du barreau d'une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la Société canadienne de consultants en immigration constituée aux termes de la partie II de la Loi sur les corporations canadiennes le 8 octobre 2003.

[12]  L'article 13.1 du Règlement dispose :

Sous réserve du paragraphe (2), il est interdit à quiconque n'est pas un représentant autorisé de représenter une personne dans toute affaire devant le ministre, l'agent ou la Commission, ou de faire office de conseil, contre rémunération.

[13]   M. Julius Ehikwe est président de « International Investigation Agency Corporation ». Il utilise cette dénomination et l'en-tête de cette entreprise dans ses activités auprès de la Commission, principalement à la Section de la protection des réfugiés (SPR), mais aussi à la Section d'appel de l'immigration (SAI) et à la Section de l'immigration (SI).

[14]   M. Ehikwe n'est pas membre en règle d'un barreau d'une province, de la Chambre des notaires du Québec ou de la Société canadienne des consultants en immigration (SCCI). Par conséquent, il n'a pas le droit de représenter une personne contre rémunération dans une affaire portée devant la CISR.

[15]  Au moment de comparaître devant la Commission, M. Ehikwe remplissait le formulaire standard de la CISR intitulé « Avis - représentant non rémunéré », sur lequel il déclarait ne pas exiger de rémunération pour représenter ses clients à titre de conseil dans le cadre d'affaires ou de demandes portées devant la Commission.

[16]  Selon les registres de la Commission, M. Ehikwe a comparu à titre de conseil dans une centaine d'affaires depuis l'entrée en vigueur de l'article 13.1 du Règlement le 13 avril 2004, le tout sans rémunération.

[17]  Dans six cas, des demandeurs ou des appelants ont allégué que M. Ehikwe avait exigé une rémunération en contrepartie de ses services lorsqu'il les représentait dans des affaires portées devant la Commission. Dans deux de ces cas, la Commission a reçu des allégations additionnelles selon lesquelles M. Ehikwe avait conseillé à un demandeur d'asile de présenter une fausse demande et conseillé à un autre demandeur d'asile d'obtenir une attestation médicale sous de faux prétextes.

[18]  Ces allégations ont été portées à l'attention de M. Ehikwe par le directeur régional de la Région du centre de la CISR par lettres datées du 19 décembre 2006Note 4 et du 6 mars 2007Note 5, et d'une autre lettre de la soussignée en sa qualité de vice-présidente adjointe, en date du 8 août 2007Note 6. M. Ehikwe a répondu à ces allégations par lettres datées du 4 janvier 2007Note 7, du 13 mars 2007Note 8 et du 27 août 2007Note 9respectivement, lettres dans lesquelles il a nié toute inconduite.

[19]  Dans la lettre susmentionnée de la soussignée à M. Ehikwe en date du 8 août 2007, on offrait à M. Ehikwe la possibilité de fournir des éléments de preuve et de présenter des observations à une audience. Il n'a pas donné suite à cette invitation. Par conséquent, la présente décision est fondée sur les éléments de preuve que la CISR a reçu des clients de M. Ehikwe et sur les observations écrites et d'autres documents présentés en preuve par M. Ehikwe.

Allégations et conclusions

[20]  Les détails importants de ces six affaires, et la réponse de M. Ehikwe à ces détails, de même que mes conclusions, sont énoncés ci-après.

TA4-16466 - 8 juin 2005

[21]  Dans l'affaire no TA4-16466 de la SPR instruite le commissaire Ken Sandhu le 8 juin 2005, la demandeure a, selon le dossier, déclaré en présence de M. Ehikwe, qu'elle avait payé ce dernier pour la représenter à l'instruction de sa demande. Voici un extrait du procès-verbal de l'audience (caractères gras ajoutés) :

[traduction]

Le commissaire : Nous venons tout juste de commencer l'instruction de cette affaire... J'ai demandé à la demandeure d'asile si elle payait pour les services qu'elle reçoit et je vais, pour le dossier, lui poser la question une fois de plus.

Mademoiselle, est-ce que vous payez pour les services du conseil, pour les services qu'il vous rend ici?

La demandeure d'asile : Est-ce que je paie le gouvernement?

Le commissaire : Non, pas le gouvernement, mais le conseil?

Le conseil de la demandeure d'asile : C'est moi.

Le commissaire : Oui.

La demandeure d'asile : Est-ce que je lui verse de l'argent?

Le commissaire : Oui.

La demandeure d'asile : Oui, Monsieur.

Le commissaire : D'accord. Et pourquoi le payez-vous? Le savez-vous? Qu'est-il censé faire pour cet argent?

La demandeure d'asile : Me représenter.

Le commissaire : Vous représenter, d'accord. C'est bien.

Maintenant, Conseil, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

Le conseil de la demandeure d'asile : Oui. Ce qu'elle me donne en argent, et nous donnons cet argent à - nous remettons ce don, pas que nous exigeons par mois. Elle a fait ce don à notre bureau et nous lui remettons un reçu pour ce qu'elle donne. Pas ce que nous exigeons ainsi, ce n'est pas le montant que vous allez nous payer. Elle a dit - elle est venue et a dit, peu importe ce qu'elle devait payer, elle était satisfaite de ce qu'ils avaient fait et a dit que c'était un don. Il y a donc une différence entre le fait qu'elle nous donne de l'argent et d'exiger qu'elle nous paie. Elle a volontairement donné de l'argent parce qu'elle était satisfaite de ce que nous faisons et elle nous a donné l'argent. L'agent qu'elle nous a remis était un don pour nous, pas ce qui est vraiment exigé en disant que c'est le coût pour nous occuper de son dossier à sa place. Nous n'avons pas fait cela. Nous n'avons jamais exigé qu'elle nous paie, mais elle a apporté l'argent et dit qu'elle était [sic] de ce que nous faisons et nous lui avons délivré des reçus et cet argent était considéré comme un don, pas que nous avons tenté d'avoir de l'argent pour faire cela pour elle, Monsieur.

Le commissaire : M. Henderson, que pensez-vous de cela?

L'agent de protection des réfugiés : Bien, peu importe ce que le conseil peut dire, la demandeure d'asile semble avoir l'impression qu'elle paie pour ce service et que l'on veuille jouer avec les mots et appeler ce montant un don ou un paiement, je crois que cela va à l'encontre de l'esprit de la loi, qui veut que les personnes qui ne sont pas membres de la SCCI ou avocats ne doivent pas représenter des demandeurs d'asile.

Le commissaire : Quelles sont les options qui s'offrent à nous?

L'agent de protection des réfugiés : Bien, si le tribunal décide que la demandeure paie pour être représentée, alors j'en conclus que le conseil n'aura pas le droit de participer à l'audience et que nous devons discuter avec la demandeure de ce qu'elle souhaite faire par la suite.

Le commissaire : D'accord. Ce qui m'a été dit clairement, c'est que vous avez payé pour être représentée. Le conseil dit que c'est une sorte de don. Peu importe, j'estime que vous avez payé le conseil pour qu'il vous représente. J'accepte votre témoignage à ce sujet et ce que cela signifie, c'est que ce conseil ne peut vous représenter aujourd'hui.

L'agent de protection des réfugiés : Tout ce que je peux dire, c'est que vous pourriez vouloir... bien, je ne sais pas non plus quelle est votre situation financière.

La demandeure : Je n'ai pas d'argent.

Le commissaire : M. Ehikwe?

Le conseil de la demandeure : Oui, Monsieur.

Le commissaire : Ouais. D'accord. Nous avons discuté de la question avec la demandeure et nous sommes convaincus que c'est un cas où un montant d'argent a été versé.

Le conseil de la demandeure : Et par conséquent, je ne peux vous permettre de rester et de la représenter.

Le conseil de la demandeure : D'accord.

[22]  On trouve au dossier de la Commission un extrait du procès-verbal de l'audience avec l'échange pertinent.

[23]   M. Ehikwe a fait la réponse suivante à cette allégation dans sa lettre du 4 janvier 2007 (reproduite en partie) :

[traduction]

TA4-16466 est une cliente qui avait été présentée à notre bureau par son oncle. La demandeure d'asile du dossier TA4-18603 a reçu une lettre datée du 13 juin 2005 dans laquelle la Commission de l'immigration et du statut de réfugié l'encourageait à présenter des observations contre moi parce que j'avais reçu une rémunération. Une copie de cette lettre est jointe à titre de pièce A1. D'ailleurs, les demandeurs d'asile dans les dossiers TA4-16466 et TA4-18603 étaient des amies et avaient toutes deux discuté et prévu de signaler à la Commission que j'avais reçu une rémunération, afin d'obtenir le statut de réfugié au sens de la Convention, comme l'avaient promis certains commissaires de la Commission. C'était un aveu planifié de paiement d'honoraires qui ne correspondait pas à la réalité, mais qui était une manière d'atteindre leurs fins en matière d'immigration.

La demandeure d'asile dans le dossier TA4-16466 n'a pas précisé à quel moment l'argent avait été versé et à qui. Le montant d'argent a-t-il été versé avant ou après son arrivée au Canada? La même demandeure n'a pas précisé le montant payé, pas plus qu'elle n'a produit de reçu de mon cabinet pour paiement d'honoraires ou produit de tel reçu émanant de mon bureau. Ce cas était une conspiration calculée, et aucune preuve n'appuyait l'allégation de paiement d'honoraires. Le tribunal n'a posé aucune question au sujet du montant d'argent payé, ni au sujet du moment où ce montant avait été versé. Le tribunal n'a posé aucune question au sujet du reçu délivré pour la rémunération. Le tribunal a fait preuve de partialité dans l'orientation de son interrogatoire au sujet du paiement d'honoraires...

[24]  Je conclus qu'à l'audience, M. Ehikwe a admis que la demandeure d'asile lui avait remis de l'argent à titre de paiement pour des services rendus à cette dernière, et pour lequel des reçus avaient été délivrés. Malgré l'interprétation qu'il fait de ces paiements, en l'occurrence qu'il s'agit d'un « don », je suis d'accord avec la décision du commissaire selon laquelle cette entente supposait le paiement d'une rémunération. La demandeure d'asile a compris que c'était un paiement pour services rendus en rapport avec sa demande d'asile.

[25]  Je constate que la lettre de la CISR présentée par M. Ehikwe n'encourage pas, à première vue, la destinataire à dénoncer M. Ehikwe, comme ce dernier le suggère dans ses observations. Par ailleurs, cette lettre avait été rédigée après l'audience de TA4-16466, au cours de laquelle le commissaire de la SPR avait amorcé un interrogatoire sur la question du paiement d'honoraires.

[26]  En dernier lieu, M. Ehikwe n'a présenté aucune preuve pour démontrer que ces deux demandeures se seraient, à l'instigation de la Commission, rendues coupables de collusion pour obtenir le statut de réfugié. Je conclus par ailleurs qu'il n'existe aucune preuve de partialité de la part du commissaire.

[27]  En conclusion, j'estime que la demandeure d'asile a payé un montant d'argent à M. Ehikwe ou à son entreprise et que ce paiement visait à rémunérer ce dernier pour ses services en rapport avec une affaire devant la Commission.

TA4-11674 - 19 avril 2006

[28]  Dans le dossier no TA4-11674 de la Section d'appel de l'immigration, instruit par le commissaire E. Sangmuah le 19 avril 2006, l'appelant a déclaré qu'il allait remettre à M. Ehikwe un « incitatif » pour que ce dernier l'aide dans son appel. Le tribunal a conclu que cette entente supposait une rémunération - une contrepartie pour représentation - et a demandé à M. Ehikwe de cesser d'occuper pour lui. Voici un extrait du procès-verbal de l'audience (soulignement ajouté) :

[traduction]

Le commissaire : L'appelant est présent, et le conseil inscrit au dossier est M. Julius Ehikwe...

Monsieur, j'ai quelques questions à vous poser et je vais vous demander de prêter serment.

Le commissaire : Comment avez-vous connu M. Ehikwe?

L'appelant : J'ai été... euh... un ami m'a informé, c'est cela, qu'il pouvait en fait, euh, me guider durant le, durant le, ou le conseil, durant l'appel.

Le commissaire : ... Et quelle entente avez-vous conclue avec lui?

L'appelant : Eh bien, il m'a dit qu'il allait devoir me servir de représentant, c'est cela, pour la raison qu'il existe des ramifications juridiques qui, je croyais que nous ne pouvions pas, que je ne connaîtrais pas, c'est cela; par conséquent, il aurait pu agir, il aurait pu faire office de conseil, pour ainsi dire.

Le commissaire : D'accord.

Maintenant, est-ce que vous allez le payer pour vous guider?

L'appelant : Bien, d'accord, je lui ai dit que, ce n'était que verbal, qu'une sorte d'entente verbale, selon le temps que vous, qu'il aurait à passer à l'intérieur, je lui ai dit que j'allais probablement lui remettre un certain incitatif, pour son temps.

Le commissaire : D'accord.

Le problème... vous n'êtes peut-être pas au courant de la situation, mais pour qu'une personne en guide une autre au cours d'une audience, ici, elle doit être un avocat ou un consultant autorisé, d'accord? –

L'appelant : Est-ce que -

Le commissaire : - M. Ehikwe n'est pas un consultant autorisé.

Auparavant, avant que les règles... que les règles d'enregistrement n'entrent en vigueur, il venait ici à l'occasion.

Mais maintenant, il ne peut exiger de rémunération et vous représenter.

Donc, que vous lui versiez une rémunération avant ou après, cela ne change rien. Il ne peut comparaître ici, dans ces circonstances.

[29]  Par la suite, le commissaire a ensuite motivé par écrit sa décision d'ordonner à M. Julius Ehikwe de cesser d'occuper comme conseil. Il a notamment dit ce qui suit :

[traduction]

[6] ... L'appelant a déclaré sous serment qu'il s'était entendu avec M. Ehikwe pour lui remettre un « incitatif » pour son travail après l'instruction de l'appel. Selon l'avis du tribunal, cette entente suppose une rémunération, une contrepartie pour représentation, et viole l'article 13.1 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés. Par conséquent, le tribunal a ordonné à M. Ehikwe de cesser d'occuper à titre de conseil dans la présente affaire. Le tribunal n'était pas présent pour contester le témoignage de l'appelant. S'il souhaite contester la présente décision, il peut présenter une demande à la SAI pour être réintégré à titre de conseil au dossier.

[30]  Plus tard, le 26 juillet 2006, le Dr Ehikwe a présenté une demande contestant cette décision; cependant, il n'était pas présent à l'audience prévue pour discuter de la question.

[31]  Le dossier de la Commission comprend les documents suivants : un formulaire « Avis — représentant non rémunéré » signé par M. Ehikwe, un extrait du procès-verbal de l'audience avec l'échange pertinent, et la décision du commissaire sur la question (avec correction).

[32]   M. Ehikwe a fait la réponse suivante à cette allégation dans sa lettre du 4 janvier 2007 :

[traduction]

Je vais maintenir la défense présentée le 26 juillet 2006 à titre de pièce A7.

[33]  Dans ce document (une observation de M. Ehikwe en réponse à la décision du commissaire de la SAI de lui ordonner de cesser d'occuper à titre de conseil), M. Ehikwe a également déclaré en partie :

[traduction]

Le tribunal conclut que M. Ehikwe représentait l'appelant moyennant rémunération parce que l'appelant a déclaré qu'il allait remettre un « incitatif » à M. Ehikwe, que ce dernier a accepté. Le tribunal a conclu à tort que le terme « incitatif » signifiait rémunération. L'encouragement à continuer de faire du bon travail gratuitement est un « incitatif ». Prier et demander à Dieu de bénir une personne pour un travail gratuit est un « incitatif ». Le tribunal a échoué à établir clairement avec l'appelant le type d'incitatif que ce dernier avait convenu d'offrir.

Le tribunal n'a pas tenu pleinement compte de ce qui constitue un contrat en vertu de la loi. Dans cette théorie de l'« incitatif », le tribunal n'a pas déterminé en quoi consistait une « négociation contractuelle », une offre et une acceptation, et par conséquent, sa décision devrait être annulée. Comme le tribunal a déclaré que M. Anthony Ehikwe allait accepter un incitatif de l'appelant, M. Julius Ehikwe, qui est le conseil au dossier, n'a jamais négocié aucun type d'« incitatif ».

[34]  Je conclus qu'à l'audience, l'appelant a déclaré que M. Ehikwe avait accepté de le représenter devant la Commission. Lorsque le commissaire lui a demandé s'il allait payer M. Ehikwe pour ses services, l'appelant a déclaré qu'il avait une « sorte d'entente verbale » selon laquelle il allait fournir un « incitatif » à M. Ehikwe en fonction du temps que ce dernier allait consacrer à son dossier.

[35]  Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que la réponse de l'appelant permet de penser qu'un certain type d'indemnisation matérielle allait être versée pour les services de M. Ehikwe. Le fait que le paiement devait être effectué à une date ultérieure, et qu'il n'existe aucun contrat écrit officiel ne change en rien la nature de l'entente. Je suis d'accord avec la décision du commissaire selon laquelle cette entente supposait une rémunération, une « contrepartie pour représentation ».

[36]  En conclusion, j'estime que ce demandeur devait verser un montant d'argent à M. Ehikwe ou à son entreprise et que ce paiement était une rémunération pour les services de M. Ehikwe en lien avec une affaire portée devant la Commission.

TA5-01547 - 16 mars 2006

[37]  Dans le dossier no TA5-01547 de la SPR, instruit par la commissaire Veda Rangan le 16 mars 2006, le demandeur d'asile a officiellement déclaré, en présence de M Ehikwe, qu'il avait versé 500 $ à M. Ehikwe pour qu'il le représente à l'instruction de sa demande. Il a présenté un reçu confirmant le paiement de 500 $ à International Investigation Agency. Voici un extrait du procès-verbal de cette affaire (soulignement ajouté) :

[traduction]

Le commissaire : Monsieur, veuillez vous lever. Levez la main droite. Affirmez-vous solennellement que le témoignage que vous allez rendre sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?

Le demandeur d'asile : Oui.

Le commissaire : Monsieur, avant de passer au fond même de la demande, je dois seulement préciser quelque chose. Avez-vous à un moment ou un autre payé le conseil pour vous représenter?

Le demandeur d'asile : Non.

La présidente de l'audience : J'ai ici au dossier un reçu de 500 $ délivré par International Investigation Agency.

Le demandeur d'asile : Ouais, ce n'est qu'une rémunération, des frais de 500 $.

La présidente de l'audience : Ouais, ce n'est qu'une rémunération. Un moment, Conseil. Pourquoi ces honoraires ont-ils été versés?

Le demandeur d'asile : Rien que pour me représenter.

La présidente de l'audience : Pour vous représenter. Alors, Conseil, vous n'avez aucunement le droit de recevoir de l'argent d'un demandeur d'asile, quel qu'il soit. Qu'avez-vous à répondre à cela?

Conseil : Non, ce qui s'est passé, c'est qu'il nous a fait un don. Non pas que c'est une rémunération. Il n'essayait pas de dire qu'il nous payait. Il a payé et a fait un don de 500 $ et nous lui avons donné. Il n'a pas dit... Je ne lui demande pas d'honoraires; il n'y avait aucun contrat, dix pour cent de frais (inaudible).

La présidente de l'audience : Un don pour quoi? Vous n'êtes pas une œuvre de bienfaisance pour recevoir un don.

Le conseil : Non, j'ai des droits, Madame.

La présidente de l'audience : Quelle était la raison de votre don, Monsieur?

Le demandeur d'asile : Il nous a simplement demandé une rémunération.

La présidente de l'audience : D'accord. Il vous a demandé une rémunération et vous lui avez remise?

Le conseil : Je ne vous ai jamais demandé de rémunération.

Le demandeur d'asile : Demandé un don, un don, désolé, un don.

La présidente de l'audience : D'accord. Vous venez tout juste de me dire à trois reprises que c'était une rémunération. J'ai le rôle ici de m'assurer que tout est en règle avant de procéder. Il y a certaines règles à suivre, d'accord? Je n'ai rien contre ce conseil personnellement, mais certaines règles doivent être suivies et la règle veut que s'il n'est pas membre en règle d'une association en particulier, d'une organisation, il ne peut exiger de rémunération. Et vous avez précisément déclaré qu'il vous avait demandé une rémunération, que vous aviez payé un montant de 500 $ au conseil. À trois reprises. Pourquoi vous, un réfugié qui bénéficie de l'aide sociale, auriez-vous fait un don de 500 $ à une agence? Il ne dirige pas une œuvre de bienfaisance. Il dirige une entreprise. Comprenez-vous cela?

Le demandeur d'asile : Ouais.

La présidente de l'audience : Donc, avez-vous ou non versé une rémunération?

Le demandeur d'asile : Non.

La présidente de l'audience : Alors, pourquoi avoir versé cet argent?

Le demandeur d'asile : Un don.

La présidente de l'audience : Pourquoi?

Le demandeur d'asile : Je ne sais pas.

La présidente de l'audience : Un don pour quoi? Vous ne savez pas pourquoi le don a été fait?

Le demandeur d'asile : Probablement pour me représenter.

La présidente de l'audience : D'accord. Conseil, je vais vous demander de cesser d'occuper dans ce dossier.

Le conseil : Merci.

[38]  Le registre de la Commission comprend un « Avis - représentant non rémunéré » signé par M. Ehikwe, une copie d'un reçu remis au demandeur d'asile par International Investigation Agency et un procès-verbal partiel de l'affaire avec l'échange pertinent.

[39]   M. Ehikwe a fait la réponse suivante à cette allégation dans sa lettre du 4 janvier 2007 (reproduite avec omissions) :

[traduction]

Il a également été présenté à mon bureau pour du travail gratuit par... un ami à lui de la Jamaïque à qui le statut de réfugié au sens de la Convention avait été accordé au Canada... TA5-05147 a dissimulé ses antécédents criminels aux États-Unis d'Amérique et n'a pas dit la vérité à son sujet. Il ne nous a pas donné d'argent et ne nous a pas promis de nous payer après coup... TA5-01547 a été arrêté et accusé à Toronto pour trafic illégal de stupéfiants et à partir de ses empreintes digitales, son casier judiciaire a été découvert.

Cependant, lorsque le dossier [du demandeur d'asile] m'a été divulgué, j'ai décidé de me retirer à titre de conseil avant le début de l'audience, mais le tribunal des réfugiés a décidé de parler d'une copie d'un reçu de 500 $ trouvée dans le dossier du client ayant soi-disant été délivré par notre bureau.

La question : J'ai expliqué que si le reçu avait été délivré par notre bureau, ce devait être un don, pas un paiement d'honoraires...

L'erreur du tribunal : Tel qu'indiqué, le tribunal n'a pas présenté de photocopie du reçu au demandeur d'asile pour qu'il détermine s'il avait été délivré par notre bureau relativement au paiement qu'il avait fait. Le tribunal ne m'a pas non plus montré ou présenté le reçu pour que je confirme si le reçu provenait de notre bureau. Plutôt, le tribunal a conclu à tort que le reçu provenait de notre bureau et conclu qu'il avait été délivré pour paiement d'honoraires.

Présentation analytique du reçu :

Le reçu ne provient pas de notre bureau et il est entaché de graves erreurs. Le reçu n'a pas été signé par une personne à titre de destinataire. Le reçu ne comporte ni sceau, ni timbre officiel. Le nom de International Investigation Agency Corp. était inscrit avec un stylo ordinaire et ce n'était pas l'écriture de Helen (notre comptable) ni même de Dorothy (notre secrétaire). J'invoque la théorie du complot, certaines personnes ayant fabriqué ces reçus dans le but de m'impliquer, avec mon entreprise.

TA5-01547 n'était pas un témoin crédible et la même Commission a conclu que son témoignage était truffé d'erreurs. Si la Commission accepte une partie de la preuve d'un menteur, afin de rendre une décision défavorable dans ce cas, une telle décision négative sera annulée.

[40]  Je conclus que le demandeur a versé à M. Ehikwe un montant de 500 $ et que le demandeur a compris que c'était une rémunération pour services rendus en lien avec la demande d'asile. Je note que l'explication subséquente à M. Ehiwke contredit ce qu'il a déclaré à l'audience au sujet de ce paiement et de la délivrance du reçu. À l'audience, M. Ehikwe a déclaré ce qui suit : « Il a payé et a fait un don de 500 $ et nous le lui avons donné ».

[41]  Je note par ailleurs que l'authenticité du reçu n'avait pas été contestée à l'audience par M. Ehikwe; en fait, il a confirmé que le reçu avait été délivré au demandeur. De plus, ce reçu présente le même format et l'écriture est étonnamment similaire à deux reçus présentés par une autre demandeure dans le dossier TA5-11822.

[42]  Je n'observe aucune preuve de collusion de la part de ces deux demandeurs.

[43]  Malgré l'interprétation que fait M. Ehikwe de ces paiements, soit que ce serait un don, je suis d'accord avec la décision du commissaire, selon laquelle cette entente supposait une rémunération. Le demandeur a compris que ce paiement était fait pour services rendus en lien avec sa demande d'asile. Le reçu délivré par l'entreprise de M. Ehikwe n'indique pas qu'il a été remis en échange d'un don.

[44]  En conclusion, j'estime que ce demandeur a versé un montant d'argent à M. Ehikwe ou à son entreprise et que ce paiement était une rémunération pour les services de M. Ehikwe en lien avec une affaire portée devant la Commission.

TA5-10217 - 7 juin 2006

[45]  Dans le dossier no TA5-10217 de la SPR, instruit par la commissaire Veda Rangan le 7 juin 2006, le demandeur a, selon le dossier, affirmé en présence de M. Ehikwe, qu'il avait versé à ce dernier 1 000 $ pour que ce dernier l'aide dans le cadre de sa demande devant la Commission. Voici un extrait du procès-verbal de cette affaire (c'est nous qui soulignons) :

[traduction]

La présidente de l'audience : Monsieur, veuillez vous lever. Levez la main droite. Affirmez-vous solennellement que le témoignage que vous allez rendre sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?

Le demandeur d'asile : Oui.

La présidente de l'audience : Monsieur, M. Ehikwe est-il votre conseil?

Le demandeur d'asile : Oui, Madame.

La présidente de l'audience : Et combien lui avez-vous payé?

Le demandeur d'asile : Mille dollars.

La présidente de l'audience : Mille dollars. Et pourquoi lui avez-vous versé mille dollars?

Le demandeur d'asile : Seulement pour m'aider à remplir la demande.

La présidente de l'audience : Pour l'audience? Votre conseil, ici, l'homme qui est ici, n'a pas le droit de recevoir une rémunération parce qu'il n'est pas membre d'un conseil (sic). Monsieur, voudriez-vous quitter la salle, s'il vous plaît?

Le conseil : D'accord.

La présidente de l'audience : Merci. Je continue seulement de manière officieuse le temps qu'il quitte la salle. Nous sommes de retour au dossier. Monsieur, M. Ehikwe et des personnes, des consultants comme lui doivent appartenir à un certain groupe, à une association et cette association les autorise à se présenter devant la CISR pour représenter des demandeurs. S'ils ne sont pas membres de ce groupe, ils ne peuvent représenter, prendre de l'argent et vous représenter, ils ne sont pas autorisés à prendre de l'argent, mais ils sont autorisés à venir ici et à vous représenter à titre gracieux, c'est-à-dire sans rémunération.

Dans votre cas en particulier, vous m'avez dit que vous aviez versé mille dollars pour qu'il vous aide dans le cadre de votre demande devant la CISR. Est-ce que j'ai raison, Monsieur?

Le demandeur d'asile : Oui.

[46]  On trouve dans le dossier de la Commission un « Avis - représentant non rémunéré » signé par M. Ehikwe et une transcription partielle des débats avec l'échange pertinent.

[47]   M. Ehikwe a fait la réponse suivante à cette allégation dans sa lettre du 4 janvier 2007 (reproduite avec omissions) :

[traduction]

Son oncle, le propriétaire de K & J Auto Collision à Pickering me l'a présenté [c.-à-d., le demandeur d'asile]. L'oncle de TA5-10217 est depuis longtemps un client de notre entreprise. Parfois, il nous envoie de l'argent par l'intermédiaire de son neveu, TA5-10217 pour le paiement de la location de camions. Cet argent n'a rien à voir avec les droits d'immigration et si TA5-12017 a mal interprété l'argent qu'on lui a remis pour nous, comme paiement pour son cas de réfugié, c'est malheureux et une méprise de sa part.

TA5-10217 était un témoin confus et il n'a pas été considéré comme crédible par le tribunal de la Commission. TA5-10217 ne pouvait dire à quelle date ou à quel moment il avait fait le paiement, ni quel employé avait reçu l'argent. TA5-10217 n'a produit aucun reçu comme preuve de son paiement et l'ensemble de son témoignage n'était pas crédible. Je demande instamment à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié d'accepter mon témoignage irréfuté.

[48]  J'estime que le demandeur ne semblait pas confus au sujet du montant qu'il a déclaré avoir payé à M. Ehikwe et que ce paiement avait été fait pour des services relatifs à son affaire devant la Commission. Bien que le demandeur n'ait pas fourni de reçu pour le paiement, on ne lui avait pas demandé de le faire. De son côté, M. Ehikwe n'a produit aucune pièce pour corroborer que le paiement avait été fait pour une location de camions. Je souligne que M. Ehikwe n'a pas pris la parole à l'audience pour corriger la présumée fausse information qui avait été donnée en sa présence.

[49]  En conclusion, j'estime que le demandeur a versé un montant d'argent à M. Ehikwe ou à son entreprise et que ce paiement était une rémunération pour les services de M. Ehikwe en lien avec une affaire devant la Commission.

TA5-11822 - 18 juillet 2006

[50]  Dans l'affaire no TA5-11822 de la SPR, instruite par le commissaire Suparna Ghosh le 18 juillet 2006, la demandeure d'asile a, selon le dossier, déclaré qu'elle avait payé 2 500 $ à M. Ehikwe sur le montant de 5 000 $ qu'il avait exigé pour la représenter lors de l'instruction de sa demande. Elle a produit trois reçus confirmant le paiement de 1 400 $ à International Investigation Agency. Elle allègue que M. Ehikwe lui a demandé de signer un formulaire déclarant qu'elle ne le payait pas.

[51]  La demandeure d'asile soutient par ailleurs que M. Ehikwe lui a conseillé de présenter une demande d'asile fondée sur un motif de persécution du fait de son orientation sexuelle, parce qu'elle est lesbienne. La demandeure d'asile a par la suite démenti cette allégation en affirmant qu'elle était fausse, et elle a présenté une autre version sur son Formulaire de renseignements personnels (FRP), où elle a déclaré en partie ce qui suit :

[traduction]

Mon conseil précédent, Julius Ehikwe (Int'l Investigations) m'a invitée à raconter à l'Immigration que j'étais une « lesbienne » fuyant la persécution. Cependant, mon nouveau conseil... m'a avisée qu'il était illégal et malhonnête de tromper l'Immigration. Par conséquent, je souhaite dire la vérité.

Lorsque j'ai tenté d'immigrer avec l'aide de Julius Ehikwe, ce dernier m'a convaincue que je devais présenter une demande d'asile parce que j'étais persécutée en raison de mon homosexualité. Par ailleurs, il m'a conseillé de me joindre à un groupe de lesbiennes et de me faire photographier avec des femmes pour que mon histoire semble légitime.

J'étais très mal à l'aise avec le conseil de Ehikwe et j'ai cherché de l'aide... m'a référée... pour des conseils additionnels... m'a avisée qu'il était illégal et malhonnête de tromper les autorités d'immigration. Il m'a également avisée qu'on allait me demander de témoigner sous serment devant la Commission pour confirmer les renseignements qui figurent sur le FRP.

Dès que... avisée, j'ai décidé de dire la vérité et d'expliquer les faits de la façon dont ils s'étaient produits. Voici donc ma version des faits ...

[52]  Voici un extrait du procès-verbal de l'audience tenue le 18 juillet 2006 devant la commissaire Ghosh (soulignement ajouté) :

[traduction]

La commissaire : Madame, souhaitez-vous prêter serment sur le livre saint de votre choix, que vous devriez avoir apporté avec vous, sinon je vous demanderai de faire une affirmation solennelle.

La demandeure d'asile : Je vais faire une affirmation solennelle, Madame.

La commissaire : Veuillez vous lever et lever la main droite.

Affirmez-vous solennellement que le témoignage que vous allez rendre sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité?

La demandeure d'asile : J'affirme solennellement que le témoignage que je vais rendre sera la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.

PAR L'AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS À LA DEMANDEURE :

Q : Comment êtes-vous d'abord entrée en contact avec M. Ahiquay (sic)?

R : Par un ami que j'ai rencontré à l'église.

Q : Et lorsque vous êtes allée le rencontrer, que lui avez-vous demandé; que vouliez-vous qu'il fasse pour vous?

R : Je lui ai dit que je souhaitais lui demander... que je souhaitais régulariser ma... je voulais obtenir ma... mon séjour ici, et je lui ai parlé de la maladie de ma mère, et ainsi de suite.

Q : D'accord, alors vous lui avez dit que vous vouliez être en situation régulière au Canada?

R : Ouais.

Q : D'accord, et que vous a-t-il suggéré?

R : Il m'a dit que, vous savez, si vous écrivez cette histoire, ils ne vont pas, ils ne vont pas vous croire. Ils vont dire comme vous voulez demeurer ici, alors vous devez présenter une demande... une demande d'asile.

Q : Qui a eu l'idée de dire que vous étiez lesbienne?

R : Il m'a dit... il m'a dit de dire que j'étais lesbienne parce que c'était pour m'aider à passer au travers (inaudible).

Q : D'accord. Alors il... je veux être certain de comprendre ce que vous dites. M. Ahiquay vous a dit : « Si vous leur dites que vous êtes lesbienne, vous allez être admise au Canada ». Est-ce bien ce qu'il vous a dit?

R : Bien oui, parce qu'il a dit à ce moment : « Je veux vous faire - passer à travers le processus que je souhaitais - il a dit que je devais passer par l'option de réfugiée.

Q : D'accord, et il - quel montant a-t-il exigé?

R : Il a dit : « Je veux 5 000 dollars ».

La commissaire : Combien, 5 000 $?

La demandeure d'asile : Cinq mille dollars, il a dit que c'était le montant exigé, mais je lui ai payé... mais je lui ai donné 2 400 $.

Q : D'accord, et vous a-t-il remis des reçus?

R : Ouais, j'ai des reçus.

Q : Les avez-vous avez vous?

R : Oui.

Q : Pouvons-nous voir les reçus?

PAR L'AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS À LA DEMANDEURE suite :

Q : D'accord, alors vous m'avez remis trois reçus; pouvez-vous me dire qui a rédigé ces reçus?

R : Je crois que c'était sa secrétaire à son bureau.

Q : Maintenant il - il vous a demandé de signer - vous a-t-il demandé de signer un document où vous affirmiez ne pas lui verser de rémunération?

R : Oui.

Q : Et que vous a-t-il dit au sujet de ce document?

R : Il m'a dit que - il m'a dit que, vous savez - oui, il a dit... il a dit, « Vous savez, ces gens ne... ils (inaudible) ne me paient pas », alors je dois signer.

Q : D'accord, vous a-t-il dit... vous lui versiez de l'argent, mais vous avez signé un document qui disait que vous ne lui versiez pas d'argent; lui avez-vous posé des questions à ce sujet?

R : Non, j'avais peur, je n'ai rien dit. J'étais si effrayée, je n'ai rien dit.

Q : D'accord, et lorsque vous avez décidé que vous ne vouliez plus travailler avec lui?

R : Je n'ai jamais été à l'aise... dès le début quand j'ai commencé, je n'étais pas à l'aise avec lui, au tout début, je n'étais pas à l'aise, mais j'avais peur de (inaudible).

Q : D'accord, alors lorsque vous avez décidé de cesser de travailler avec lui; à quel moment avez-vous décidé de travailler avec lui?

R : J'ai décidé d'arrêter de travailler avec lui vers le mois d'octobre.

Q : D'accord, et que s'est-il passé en octobre pour que vous changiez d'idée et ne vouliez plus travailler avec lui?

R : J'étais toujours inquiète et je ne savais pas vers qui me tourner et j'ai rencontré... une dame de l'église de... Église (phonétique).

Q : D'accord.

R : Et j'ai commencé à lui raconter mon histoire.

Q : D'accord.

R : Et elle m'a présentée à...

[53]  Les pièces suivantes ont été versées au dossier de la Commission : un formulaire « Avis - représentant non rémunéré » signé par M. Ehikwe, des copies de trois reçus délivrés à la demandeure par International Investigation Agency, l'exposé des faits sur le FRP original présenté par M. Ehikwe, une portion de l'exposé des faits révisés sur le FRP en date du 29 novembre 2005, et un extrait du procès-verbal de l'audience comprenant l'échange pertinent.

[54]   M. Ehikwe a fait la réponse suivante à cette allégation dans sa lettre du 4 janvier 2007 (reproduite en partie) :

[traduction]

Dossier de la SPR no TA5-11822 est venue à notre bureau pour obtenir de l'aide avec une amie que nous connaissions. Il est vrai que l'ancienne cliente a signé le formulaire « Avis - représentant non rémunéré » en gardant en tête que le travail était gratuit. Cette cliente en particulier était une représentante du gouvernement jamaïcain et elle a lu clairement ce qu'elle signait. Cette cliente invente de toutes pièces des faits pour les adapter à sa situation. Personne ne l'a aidée à élaborer une histoire. Cette demandeure d'asile s'est rendue au bureau de CIC à Etobicoke où elle a passé une entrevue privée avec un agent d'Immigration Canada et elle a choisi de raconter une histoire au sujet de son orientation sexuelle et de son problème. Elle a eu amplement l'occasion de dire toute la vérité à l'agent d'immigration, mais elle a décidé de mentir. Le document confirmant l'entrevue avec l'agent d'immigration au bureau de CIC à Etobicoke CIC est joint à la présente à titre de pièce A5.

Dans chaque situation, cette demandeure d'asile a inventé une nouvelle histoire. Elle a présenté une demande de visa de visiteur, elle a raconté une histoire différente, elle m'a rencontré à titre de conseil non rémunéré, elle a raconté une histoire différente, elle s'est rendue au bureau de CIC à Etobicoke, elle avait sa propre histoire à raconter et elle a rencontré un nouveau conseil d'immigration, elle a fabriqué une nouvelle histoire. L'exposé des faits joint au document de la Commission a été inventé de toutes pièces par cette demandeure d'asile et personne ne lui a conseillé de choisir ce qu'elle a écrit ou ce qu'elle a raconté au bureau d'immigration d'Etobicoke. Personne n'a reçu d'argent officiellement de cette demandeure d'asile. Les reçus qu'elle a produits n'ont aucun lien avec notre entreprise et ils n'ont aucune base légale. La demandeure a été incapable d'identifier la personne à qui elle avait versé l'argent ni celle qui avait rédigé les reçus en question. J'étais à l'étranger lorsque lesdits reçus ont été délivrés et j'ai joint les billets utilisés comme preuve documentaire inscrite comme pièce A6. À ce moment, la demandeure d'asile a dit qu'elle avait payé un homme et notre comptable est une femme et elle ne délivre pas ce type de reçus. La preuve de cette demandeure TA5-11822 est truffée d'erreurs. ...

[55]  Je conclus que les reçus présentés par cette demandeure d'asile ont le même format et que l'écriture de deux de ces reçus présente une ressemblance frappante avec celle du reçu présenté par un autre demandeur d'asile dans le dossier TA5-01547. L'authenticité de ce reçu n'a pas été contestée par M. Ehikwe lors de l'instruction de cette demande; en fait, il a confirmé qu'un reçu avait été délivré à cette demandeure d'asile.

[56]  La seule question en jeu est celle de savoir si l'argent payé constituait une rémunération ou un « don » à l'entreprise. Je conclus qu'il s'agissait d'une rémunération pour les services de M. Ehikwe. Je conclus que la demandeure a payé des montants d'argent à M. Ehikwe ou à son entreprise pour des services fournis relativement à la présentation d'une demande devant la Commission.

[57]  En ce qui concerne l'allégation selon laquelle il aurait conseillé à la demandeure d'asile de présenter une histoire fausse au soutien de sa demande d'asile, je relève l'argument de M. Ehiwke suivant lequel la demandeure d'asile n'est pas, en fait, digne de foi, parce qu'elle a présenté des versions différentes de son histoire et qu'elle seule, avant qu'il ne soit impliqué avec elle, a choisi de présenter une histoire fausse à CIC. La preuve démontre, cependant, qu'au moment de l'entrevue de la demandeure d'asile (Réfugiés à admettre en personne) au bureau de CIC à Etobicoke, comme l'indique le rapport d'examen, la demandeure avait déjà obtenu les services de M. Ehiwke à titre de conseil (voir pièce E, p. 18). Je note par ailleurs que la même histoire a été présentée dans le Formulaire de renseignements personnels préparé et présenté à la CISR par le bureau de M. Ehiwke.

[58]  Vu l'ensemble de la preuve dont je dispose, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que M. Ehiwke a, dans le cas qui nous occupe, suggéré à la demandeure d'asile de présenter une histoire fausse pour appuyer une demande d'asile. Je préfère l'explication de la demandeure au sujet des circonstances au cours desquelles la fausse déclaration s'est produite, que je trouve plus plausible que le déni pur et simple de M. Ehikwe. Je note que M. Ehikwe a nié catégoriquement d'autres faits et que sa crédibilité est entachée : il a déclaré que les reçus que la demandeure d'asile avait présentés à la CISR n'avaient pas été délivrés par son entreprise alors que, selon toute vraisemblance, ils l'avaient été, ce qui nuit à la crédibilité de sa déclaration, selon laquelle il n'exigeait pas de rémunération.

TA5-01676

[59]  Dans le dossier no TA5-01676 de la SPR, le demandeur d'asile a porté plainte auprès de la police de Toronto au motif que M. Ehikwe lui réclamait 5 000 $ pour le représenter devant la Commission. Il a allégué avoir versé à M. Ehikwe le montant de 1 700 $ en plusieurs versements, comme le prouvent six reçus numérotés. Il a également allégué que M. Ehikwe s'était arrangé pour obtenir une attestation médicale frauduleuse pour le demandeur d'asile afin de faire reporter son audience. Voici un extrait de la section « historique et synopsis » du constat de police du Bureau des enquêtes criminelles du service de police de Toronto :

[traduction]

Le plaignant... est venu au Canada à titre de touriste en 2003. En janvier 2005, le plaignant a présenté une demande d'asile. Il a obtenu une carte d'un ami qui présentait également une demande d'asile. Le plaignant a communiqué avec M. Julius EHIKWE pour obtenir ses services à titre de conseiller juridique. La carte professionnelle du Dr Julius est ainsi libellée :

International Investigation agency.
BA, MA, PhD, ADR Law (University of Windsor),
Commissioner for oaths, LLM Scholar (Fairfax).
Investigativeagency@rogers.com

...

Le 15 janvier 2005 [le plaignant] s'est rendu au bureau de M. Julius pour obtenir ses services comme représentant juridique dans sa demande d'asile et de résident permanent. M. Julius a dit [au plaignant] qu'il exigeait 5 000 $ pour les services susmentionnés. Le paiement se ferait par tranches de 500 $, mais une entente a été conclue pour que [le plaignant] fasse des versements de 200 $ -300 $ lorsqu'il aurait l'argent.

L'audience [du plaignant] était prévue pour le 9 juin 2005. Au bureau de M. Julius, il a raconté [au plaignant] que le juge qui présidait ce jour-là « n'était pas un de ses amis » et qu'il allait reporter l'audience. M. Julius a alors amené [le plaignant] au Pape Medical Centre, situé au 1081 Pape Ave. À cet endroit, il a rencontré M. qui a remis [au plaignant] une attestation indiquant qu'il souffrait de fièvre et qu'il avait besoin de quatre jours de repos. L'audience a alors été reportée au 25 octobre 2005. [Le plaignant] a déclaré qu'il n'était pas malade et qu'il était prêt à assister à cette audience.

... Une déclaration signée a été recueillie par l'auteur aux pages 70-75. [Le plaignant] indique qu'il n'est pas certain d'être prêt à se présenter devant les tribunaux car il craint pour sa vie. [Le plaignant] a versé 1 700 $ jusqu'à présent, selon les tranches suivantes, avec reçus, comme suit :

  • 18 janv. 2005 - 200 $ reçu no 1140
  • 8 févr. 2005 - 200 $ reçu no 1202
  • 19 avril 2005 - 200 $ reçu no 13330
  • 27 mai 2005 - 600 $ reçu no 1399
  • 9 juin 2005 - 200 $ reçu no 1431
  • 25 juin 2005 - 300 $ reçu no 1164

[60]  Les pièces suivantes ont été versées au dossier de la Commission : un constat de police (no nbsp;761521) du Bureau des enquêtes criminelles du service de police de Toronto, un formulaire « Avis - représentant non rémunéré » signé par M. Ehikwe et une attestation du Pape Medical Centre en date du 9 juin 2005.

[61]   M. Ehikwe a fait la réponse suivante à cette allégation dans sa lettre du 13 mars 2007 (reproduite en partie) :

[traduction]

Je nie l'allégation frivole faite par ce touriste/cet ancien demandeur d'asile, selon laquelle on lui aurait demandé de payer la somme de cinq mille dollars pour s'occuper de sa demande de réfugié. Le demandeur est un Philippin instruit qui sait lire et écrire. Il a signé le formulaire « Avis - représentant non rémunéré », contredisant ainsi ce qu'il avait signé comme étant « sans rémunération ». Le demandeur n'a montré à la Commission ou à la police aucune facture attestant l'existence d'une offre et une acceptation du montant déclaré ou de tout autre montant. Le même demandeur d'asile n'a pas prouvé que le montant qu'il affirme avoir payé concernait sa demande d'asile, tenant compte du fait qu'il a indiqué « sans rémunération ».

Je ne l'ai pas aidé à se procurer une attestation médicale frauduleuse pour sa demande d'asile et je ne lui en ai pas fourni. Le demandeur nous a expliqué qu'il était malade et qu'il ne pouvait se présenter à l'audience. Nous lui avons alors conseillé de consulter un médecin, puisque sa seule parole ne pouvait être une excuse suffisante pour justifier son absence à une audience. Il l'a fait volontairement et librement. Je crois qu'un médecin compétent l'a examiné sans que personne de notre bureau ne le représente. Tout ce qui a été dit entre le demandeur et son médecin demeure privé, confidentiel et connu seulement d'eux.

[62]  Dans ses observations du 27 août 2007, M. Ehikwe déclare que la CISR l'a « accusé » de fraude et soutient qu'il doit être présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit reconnu coupable, et il souligne que l'affaire fait toujours l'objet d'une enquête par la police.

[63]  Je conclus que le demandeur a porté plainte auprès de la police de Toronto et qu'il leur a fourni les détails des paiements versés à l'entreprise de M. Ehikwe et les détails des reçus délivrés pour ces paiements. L'allégation du demandeur à cet égard va dans le sens d'autres allégations indépendantes formulées à la Commission par plusieurs autres personnes, et qui ont été établies à mon entière satisfaction.

[64]  En conclusion, j'estime que ce demandeur d'asile a versé des montants d'argent à M. Ehikwe ou à son entreprise et que ces paiements étaient une rémunération pour les services de M. Ehikwe en lien avec une affaire devant la Commission.

[65]  En ce qui concerne l'allégation voulant que M. Ehikwe aurait pris des arrangements pour que le demandeur d'asile se procure une fausse attestation médicale, j'estime que cette allégation faite par le demandeur d'asile à la police n'est pas corroborée par d'autres preuves. La copie de l'attestation médicale semble authentique et il n'existe aucune autre preuve indiquant que le médecin aurait agi de manière contraire à l'éthique ou que M. Ehiwke aurait participé de manière importante à l'obtention d'une attestation médicale frauduleuse. Comme l'attestation médicale précise que le demandeur souffrait de fièvre - et non pas qu'il se plaignait seulement de ne pas se sentir bien - il aurait fallu que le médecin soit directement (plutôt qu'à son insu) impliqué dans la fraude. Rien ne prouve ce fait, sauf les déclarations non vérifiées faites par le demandeur d'asile à la police. Le demandeur d'asile n'a pas assisté à l'audience de la CISR sous prétexte qu'il était malade, et il n'a jamais déposé de plainte directe à la CISR au sujet de M. Ehikwe ou du médecin en question. Dans ces circonstances, je conclus que cette allégation n'a pas été établie de manière satisfaisante.

Autres conclusions et analyse

[66]  Outre les conclusions que j'ai tirées relativement aux six cas précités, j'ai également tenu compte des facteurs suivants pour trancher les questions soumises à la Commission :

[67]  L'impact cumulatif des déclarations faites par au moins cinq clients de manière indépendante, selon lesquelles ils auraient payé M. Ehikwe pour ses services, et qu'ils comprenaient que ces paiements constituaient une rémunération pour les représenter ou les aider dans leurs affaires devant la Commission.

[68]  Je note que le Canadian Law Dictionary de John A. Yogis définit une « rémunération » comme une « récompense ou rétribution pour services rendus ». Voici par ailleurs une des acceptions de ce terme que donne le Black's Law Dictionary (6e édition) :

[traduction]

Prestation fournie en contrepartie d'un service officiel ou professionnel; prestation en argent fournie en contrepartie d'une activité ou d'un service déterminé.

[69]  L'interprétation que fait M. Ehikwe de ces opérations, en l'occurrence qu'elles constitueraient des « dons », plutôt qu'une rémunération, n'est pas convaincante, en l'absence de tout livre comptable sérieux permettant de contredire la compréhension de ses clients que ces paiements étaient une rémunération pour ses services.

[70]  Le volume élevé d'affaires - une centaine depuis avril 2004 - où M. Ehikwe a comparu devant la Commission, soi-disant sans rémunération, permet de penser qu'on a affaire à une entreprise exploitée activement. M. Ehikwe a comparu devant la Commission, soi-disant sans rémunération, permet de penser qu'on a affaire à une entreprise exploitée activement.

[71]  En plus de donner des réponses au sujet des cas précis susmentionnés, M. Ehiwke a par ailleurs soutenu dans ses observations du 27 août 2007 qu'il n'avait commis aucune infraction et que :

[traduction]

Les allégations portées contre moi par des demandeurs d'asile déboutés sont frivoles et motivées par des intérêts politiques. Je respecte la loi. La Commission du statut de réfugié était parfaitement consciente du fait que mon changement de parti politique, du parti libéral au parti conservateur, en 2005, était à l'origine de cette victimisation.

En outre, il court des rumeurs voulant que la Commission du statut de réfugié à Toronto tente de m'inculper pour infractions criminelles et de m'expulser du pays, même si je suis un citoyen canadien.

[72]  J'estime que l'assertion de M. Ehikwe selon laquelle la CISR avance ces allégations à cause de son appartenance à un grand parti politique au Canada et que la CISR tente de l'inculper d'infractions criminelles et de l'expulser est dénuée de tout fondement dans les faits. M. Ehikwe n'a fourni aucune preuve pour appuyer son allégation voulant que ces instances seraient motivées par des intérêts politiques ou que des personnes de la Commission ou du gouvernement comploteraient contre lui.

[73]   M. Ehikwe a joint à ses observations plusieurs annexes (voir pièce G) et notamment les suivantes :

  • une carte de membre du Parti libéral du Canada (Ontario)
  • plusieurs pièces concernant Chris Jon Shwaba (la décision de la CISR dans son cas, une décision de la Cour fédérale, une lettre de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) et copie d'écran du statut de demandes de clients de CIC)
  • un télex du Centre des Nations Unies pour les établissements humains en date du 18 mai 1995
  • une copie d'un chèque de remise de TPS fait à l'ordre de International Investigation Agency Corp
  • 3 copies d'une immatriculation de véhicule de l'Ontario
  • une convention d'achat pour un véhicule
  • une copie d'un certificat d'immatriculation d'utilisateur de véhicule utilitaire
  • une lettre de Son Altesse Royale OBI GODWIN NZEMEKE, Obi du royaume Ejeme

[74]  J'estime que ces pièces jointes ne sont pas pertinentes et n'ont aucun lien direct avec les présentes allégations.

Décision

[75]  Compte tenu de la preuve, je conclus que M. Julius Ehikwe a représenté et aidé contre rémunération les demandeurs d'asile et appelants susmentionnés dans ses six affaires en question, ce qui va à l'encontre du Règlement. De plus, ce faisant, il a représenté faussement son statut devant la Commission à titre de conseil bénévole. Je conclus par ailleurs, d'après la preuve, que M. Julius Ehikwe a conseillé à une demandeure d'asile de présenter une histoire fausse aux fins de sa demande d'asile. Ces actes ont eu pour effet de compromettre l'intégrité de la procédure de la CISR et risquaient également de mettre en danger les personnes qu'il a trompées concernant sa qualité pour comparaître afin de les aider dans leurs affaires devant la Commission.

Sanctions

[76]  Bien que les barreaux provinciaux et la SCCI soient chargés de traiter les plaintes et les allégations d'inconduite visant les conseillers juridiques et les consultants membres qu'ils régissent, une personne comme M. Ehikwe, qui n'est membre d'aucune organisation professionnelle, doit être jugée par le tribunal lui-même, lorsque sa conduite est telle que l'intégrité de la procédure de la CISR et l'administration de la justice sont compromises.

[77]  Pour déterminer la sanction appropriée, compte tenu de la gravité de l'inconduite M. Ehikwe, j'ai passé en revue les décisions rendues par la SAI dans les affaires RezaeiNote 10 et VaranoNote 11. J'ai pris en compte certains facteurs, notamment celui de savoir si la conduite du conseil était délibérée, par opposition à involontaire, mais négligente; la nature et la gravité du préjudice causé à la procédure de la Commission; la nature et la gravité du préjudice causé à toute autre personne; les antécédents du conseil en ce qui concerne des préjudices causés à la procédure de la Commission; la question de savoir si le conseil était susceptible de respecter les normes de conduites attendues d'un conseil par la Commission, et celle de savoir si le conseil éprouvait des remords.

[78]  Bien qu'invité à le faire, M. Ehikwe n'a présenté aucune observation sur la question des sanctions possibles, ce qui n'est pas surprenant, compte tenu du fait qu'il a catégoriquement nié s'être rendu coupable de quelque acte répréhensible que ce soit.

[79]  J'estime que la conduite de M. Ehikwe, compte tenu de sa nature et de sa portée, soulève très graves questions. En plus de comparaître devant la Commission à au moins six reprises en contravention du Règlement, il a, de manière répétée, représenté faussement son statut de conseil bénévole en signant des déclarations indiquant qu'il n'acceptait pas de rémunération pour ses services. Il a également conseillé à une demandeure d'asile de présenter une histoire fausse pour faciliter sa demande d'asile.

[80]  Comme il n'existe aucune preuve selon laquelle M. Ehikwe aurait mal interprété le Règlement ou commis une erreur par inadvertance dans ces dossiers, ses actes étaient donc délibérés et, compte tenu de leur nature répétée, démontraient un mépris grave à l'égard de la procédure de la Commission. Ils démontrent un manque général de respect et de compréhension à l'égard du fonctionnement d'un tribunal d'arbitrage indépendant. En plus de nuire à l'intégrité de la procédure de la Commission, sa conduite était susceptible de causer des préjudices aux personnes qu'il représentait. Le fait qu'il ait nié catégoriquement avoir posé des gestes répréhensibles et qu'il ait étiqueté ses clients comme étant des menteurs n'est pas une indication de remords de sa part. Ses gestes ne portent pas à croire qu'il agira avec intégrité, honnêteté et droiture dans ses relations avec la Commission à l'avenir.

[81]  Ayant pris en compte tous ces facteurs, j'estime que la réparation appropriée consiste à interdire M. Ehikwe, pour une période de trois ans, de comparaître à titre de conseil devant une section de la CISR et de représenter toute personne, ou de faire office de conseil, dans le cadre de toute instance concernant cette personne devant la CISR, interdiction qui s'applique dès maintenant.

[82]  De surcroît, avant de pouvoir de nouveau représenter toute personne devant la CISR, qu'il choisisse de se présenter comme représentant autorisé à exiger une rémunération pour ses services, ou qu'il accepte de représenter des personnes sur une base bénévole, M. Ehikwe devra fournir à la CISR la preuve qu'il a suivi avec succès un cours d'éthique professionnelle. Cette mesure devrait être bénéfique à la fois pour M. Ehikwe et pour la CISR, de même que pour les citoyens qui envisageraient de demander l'aide de M. Ehikwe pour les représenter dans des affaires portées devant la Commission.

[83]  De plus, je crois qu'il serait avantageux pour M. Ehikwe de s'inscrire à une formation complète à l'intention des consultants en immigration avant de représenter toute personne, que ce soit contre rémunération ou de manière bénévole, dans les affaires d'immigration et de réfugiés. Une grande partie de la formation offerte dans ce domaine comprend une formation en éthique.

[84]  Pour déterminer la réparation appropriée, j'ai tenu compte du fait que M. Ehikwe allègue ne pas avoir besoin d'exiger une rémunération des personnes qu'il aide. Par conséquent, ces sanctions ne poseront aucune difficulté économique pour lui. Quoi qu'il en soit, comme il n'est pas membre d'une association professionnelle d'avocats provinciale ou de la SCCI, M. Ehikwe n'a pas le droit d'exiger une rémunération pour tout service fourni à des personnes dont l'affaire est présentée devant la Commission, et par conséquent, cette décision ne nuit pas à sa capacité de gagner sa vie.

[85]   M. Ehikwe allègue par ailleurs qu'il aide les personnes dans le cadre de leurs demandes d'immigration et d'asile parce qu'il éprouve un désir altruiste personnel important d'aider la communauté de réfugiés/nouveaux immigrants avec laquelle il a des affinités spéciales. En évaluant le préjudice causé à M. Ehikwe, j'ai pris en compte le fait qu'il va tout de même être en mesure d'exprimer son altruisme et son humanité, et de partager son expertise, en consacrant son temps et son énergie à une ou plusieurs des nombreuses organisations caritatives ou ONG qui oeuvrent au service des réfugiés ou des nouveaux immigrants au Canada.

Ordonnance

[86]  J'enjoins aux greffiers régionaux de la CISR d'aviser toute personne représentée par M. Ehikwe dans des affaires devant la Commission qu'il est interdit à ce dernier de comparaître à titre de conseil devant toute section de la CISR et de représenter toute personne, ou de faire office de conseil, relativement à toute instance concernant cette personne devant la Commission, pour une période de trois ans à compter de la date de la présente décision. Par ailleurs, j'enjoins aux greffiers régionaux de la CISR de prendre note qu'avant de représenter toute personne devant la CISR à l'avenir, à n'importe quel titre, M. Ehikwe devra fournir à la CISR la preuve qu'il a suivi avec succès un cours d'éthique professionnelle.

 

(signé) « Lois D. Figg »
17 décembre 2007

Notes

Note 1

Voir pièce A.

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Note 2

Rezaei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] 3 C.F. 421 (1re inst.).

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Note 3

58.(4) Le président peut déléguer ses pouvoirs, à l'exception du pouvoir conféré par le paragraphe 65(1), des pouvoirs en matière d'arbitrage et du pouvoir de délégation visé au présent paragraphe, aux vice-président et vice-présidents adjoints de la section du statut et de la section d'appel et aux membres coordonnateurs de la section du statut.

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Note 4

Voir pièce B.

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Note 3

Voir pièce C.

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Note 6

Voir pièce D.

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Note 7

Voir pièce E.

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Note 8

Voir pièce F.

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Note 9

Voir pièce G.

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Note 10

Dans l'affaire de Rezaei, Iraj, Wiebe, 27 juin 2002.

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Note 11

Varano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] DSAI no 697 et no 1954.

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