Décision Hinzman TA4-01429, TA4-01430, TA4-01431

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COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ DU CANADA
(Section de la protection des réfugiés)

TA4-01429
TA4-01430
TA4-01431

Demandeur(s) : JEREMY HINZMAN (alias Jeremy Dean Hinzman), NGA THI NGUYEN, LIAM LIEM NGUYEN HINZMAN (alias Liam Liem Nguye Hinzman)

Date(s) de l'audience : 8 décembre 2004, 7 décembre 2004, 6 décembre 2004

Date de la décision : 16 mars 2005

Coram : Brian Goodman

Pour le(s) demandeur(s) : Jeffry A. House, Avocat

Agent de la protection des réfugiés : K Dragaitis

Représentant désigné : Jeremy Hinzman

Conseil du ministre : Janet Chisholm


TABLE DES MATIÈRES

  1. CONTEXTE
  2. QUESTIONS PRÉJUDICIELLES
  3. QUESTIONS À TRANCHER
  4. DÉCISION
  5. FAITS
  6. ANALYSE
  7. DEMANDES D'ASILE DE NGA NGUYEN ET DE LIAM HINZMAN
  8. CONCLUSION

  1. Voici les motifs des décisions rendues relativement aux demandes d'asile de Jeremy Hinzman (le demandeur principal), Nga Thi Nguyen (la demandeure d'asile) et Liam Liem Nguyen Hinzman (le demandeur d'asile mineur), présentées aux termes du paragraphe 99(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la Loi)Note 1.

    CONTEXTE

  2. Le 22 janvier 2004, Jeremy Hinzman, alors âgé de 25 ans, et sa femme, Nga Nguyen, alors âgée de 31 ans, ont présenté, au Canada, des demandes d'asile en qualité de réfugié au sens de la Convention, en leurs noms et au nom de leur enfant alors âgé de un an, Liam Liem Nguyen Hinzman, contre les États-Unis, leur pays de citoyenneté.
  3. Dans l'exposé circonstancié contenu dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP)Note 2, en date du 16 février 2004, M. Hinzman prétend être un objecteur de conscience opposé à la guerre en Iraq, qu'il croit contraire au droit international et menée sous de faux prétextes. Il fait valoir que l'usage de la force est immoral et improductif, et qu'il ne veut pas tuer ou être tué en défendant une idéologie et pour des gains économiques. Participer à la guerre en Iraq constituerait une violation de sa conscience, de ses principes religieux et du droit international.
  4. Il déclare qu'à la mi-janvier 2004, il a reçu avis que son bataillon serait déployé en Iraq. Il prétend, dans son exposé circonstancié, qu'étant donné que l'occupation militaire de l'Iraq n'a pas de fondements juridiques, sa participation à cette guerre ferait de lui un criminel. Il croit que s'il devait refuser d'obéir à un ordre direct en Iraq, et bien que tout soldat ait le devoir de refuser de suivre un ordre manifestement illégal, il est fort probable qu'il subirait une peine extrajudiciaire, en plus d'une incarcération en prison.
  5. Il craint, s'il est renvoyé aux États-Unis, d'être poursuivi pour désertion. En outre, il prétend qu'être puni pour avoir obéi à sa conscience est une forme de persécution.

    QUESTIONS PRÉJUDICIELLES

  6. Le 29 juin 2004, en réponse à une demande présentée par la Société Radio-Canada (SRC), j'ai décidé que l'audience de ces demandes d'asile devait être publique, dans la mesure où uniquement du matériel audio non perturbateur serait autorisé pendant l'audience, et que les caméras ne seraient autorisées dans la salle d'audience que lorsque l'audience ne serait pas en cours.
  7. La demande de vive voix du conseil des demandeurs d'asile n'ayant pas reçu d'opposition, j'ai décidé, le 12 novembre 2004, que la conférence préparatoire, convoquée à la demande des parties, devait être publique afin que les représentants des médias et le public puissent y assister.
  8. À la conférence préparatoire, j'ai souligné que l'une des questions à régler était la pertinence de l'argument, dans la demande d'asile de M. Hinzman, selon lequel la guerre en Iraq est illégale. J'ai informé les parties qu'à la suite de la conférence préparatoire à l'audience, j'examinerais si je devais prendre une décision préliminaire sur cette question après avoir demandé des observations écrites des parties et les avoir examinées.
  9. Le conseil de M. Hinzman, en particulier, a déclaré qu'il préférerait que je prenne une décision sur cette question, étant donné qu'une telle décision l'aiderait à choisir ses témoins et les éléments de preuve à apporter à l'audience. Le conseil du ministre ainsi que l'agent de protection des réfugiés (APR) ont semblé préférer que je prenne une décision.
  10. Par la suite, j'ai écrit aux parties et je leur ai demandé des observations. Après les avoir soigneusement examinés, j'ai décidé, le 12 novembre 2004, pour les raisons énoncées dans les motifs de la décision interlocutoire rendue à cette date, que l'allégation de M. Hinzman, selon laquelle l'action militaire des États-Unis en Iraq est illégale parce qu'elle n'est pas autorisée par la Charte des Nations UniesNote 3 ou par une résolution des Nations Unies, n'est pas pertinente à la question de savoir s'il s'agit d'un « type d'action militaire » qui « est condamné par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires », au sens du paragraphe 171 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugiéNote 4 (le Guide) du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR). Par conséquent, j'ai décidé que la preuve concernant la légalité de la décision des États-Unis de se lancer dans une action militaire en Iraq ne serait pas admise comme élément de preuve à l'audience de ces demandes d'asile.
  11. Lors de la première séance de l'audience de ces demandes d'asile, le 6 décembre 2004, M. Hinzman et Mme Nguyen ont convenu que M. Hinzman serait désigné pour représenter les intérêts de l'enfant mineur, Liam Liem Nguyen Hinzman. Par conséquent, j'ai désigné M. Hinzman pour représenter les intérêts de l'enfant mineur, Liam Liem Nguyen Hinzman.
     

    QUESTIONS À TRANCHER

  12. J'ai tenu compte des questions suivantes en ce qui concerne le demandeur d'asile principal, M. Hinzman : identité, crédibilité, protection de l'État, objecteur de conscience, objection à l'accomplissement du service militaire en Iraq et peine prévue pour la désertion : poursuites ou persécution?
  13. Les questions de fond en ce qui concerne le demandeur d'asile principal sont les suivantes :
     
    1. Jeremy Hinzman a-t-il réfuté la présomption légale selon laquelle le gouvernement des États-Unis voudra ou pourra assurer sa protection?
    2. Jeremy Hinzman est-il un réfugié au sens de la Convention parce qu'il craint avec raison d'être persécuté par le gouvernement des États-Unis et son armée du fait de ses opinions politiques, de sa religion ou de son appartenance à un groupe social, à savoir les objecteurs de conscience à l'accomplissement du service militaire dans l'armée américaine?
    3. Est-ce que le type d'action militaire auquel M. Hinzman ne veut pas être associé en Iraq est condamné par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires?
    4. Jeremy Hinzman est-il une personne à protéger, en ce sens qu'il serait personnellement, par son renvoi aux États-Unis, exposé à un risque de traitements ou peines cruels et inusités de la part du gouvernement américain et de son armée? Le risque de peines que court M. Hinzman pour avoir déserté l'armée américaine résulte-t-il de sanctions légitimes ou est-il inhérent à celles-ci, et ces sanctions seraient-elles infligées conformément aux normes internationales reconnues?
  14. En ce qui concerne les autres demandeurs d'asile :

    1. Y a-t-il une sérieuse possibilité que les autres demandeurs d'asile soient persécutés en raison de leur appartenance à un groupe social, à savoir la famille de Jeremy Hinzman, ou sont-ils des personnes à protéger parce qu'ils sont exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités?

  15. Je pense qu'avant d'aborder ces questions, il serait utile que je dise quelques mots sur les pouvoirs qui me sont conférés aux termes de la LoiNote 5.
  16. Premièrement, les pouvoirs qui me sont conférés à titre de commissaire de la SPR ne me permettent pas de déterminer si les demandeurs d'asile devraient être autorisés à séjourner au Canada. D'autres représentants officiels, à l'extérieur de la SPR, prennent ces décisions en vertu de la Loi, dans le cadre de différents processus.
  17. Deuxièmement, les pouvoirs qui me sont conférés ne me permettent pas de rendre des jugements sur la politique étrangère des États-Unis, y compris sur la légalité ou le bien-fondé de la décision du gouvernement américain d'autoriser son armée à entrer en Iraq.
  18. De nouveau, selon les pouvoirs qui me sont conférés, je peux déterminer si les demandeurs d'asile sont des réfugiés au sens de la Convention aux termes de l'article 96 de la Loi ou des personnes à protéger aux termes de l'article 97 de la Loi.

    DÉCISION

  19. Je déclare que les demandeurs d'asile ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention, car ils n'ont pas établi qu'ils craignent avec raison d'être persécutés aux États-Unis pour un motif de la Convention. Je déclare également qu'ils ne sont pas des personnes à protéger, en ce sens que leur renvoi aux États-Unis ne les exposerait pas personnellement à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités, et qu'il n'y a pas de motifs sérieux de croire que leur renvoi aux États-Unis les exposerait à un risque de torture.
  20. Pour en arriver à ces décisions, j'ai examiné tous les éléments de preuve et les observations consécutives à l'audience du conseil des demandeurs d'asile, reçues le 18 janvier 2005, les observations du conseil du ministre, reçues le 7 février 2005, et la réponse du conseil des demandeurs, reçue le 28 février 2005. Lorsque c'était opportun, j'ai énoncé les principes juridiques pertinents qui ont guidé mes décisions.

    FAITS

  21. Voici les faits sur lesquels je me suis appuyé pour statuer sur la demande d'asile de M. Hinzman.

    Enrôlement de M. Hinzman

  22. Après être déménagé de Rapid City, dans le South Dakota, à Boston, au Massachusetts, en août 2000 et avoir travaillé jusqu'en décembre 2000 dans un supermarché, M. Hinzman a éprouvé le besoin de mieux orienter sa vie. Il voulait étudier à l'université, mais n'en avait pas les moyens. L'armée américaine fournit de l'aide financière aux recrues qui désirent fréquenter l'université à la fin de leur service militaire. Autre facteur de motivation pour M. Hinzman : il croyait que l'armée visait un but plus noble, comme étendre la démocratie; il souhaitait se dépasser et « transcender » le monde du travail de tous les jours.
  23. À la mi-novembre 2000, M. Hinzman a rencontré un officier de recrutement à Boston, qui lui a fourni des documents. Deux semaines plus tard, M. Hinzman s'est enrôlé dans l'armée américaine. Il a affirmé dans son témoignage : « ils ne sont pas venus me chercher; c'est moi qui suis allé les trouver ».
  24. Il a choisi de s'enrôler pour une période de quatre ans, parce que c'était à mi-chemin entre la durée minimale de deux ans et la durée maximale de six ans. Étant donné les notes élevées qu'il a obtenues lors de la batterie de tests d'aptitude professionnelle des forces armées, il a pu choisir son emploi. « J'aurais pu être cuisinier, travailler dans les opérations psychologiques ou être linguiste. J'ai choisi d'être fantassin. » Il a déclaré dans son témoignage avoir fait ce choix parce que, s'il devait faire partie de l'armée, sans toutefois y faire carrière, il voulait faire l'expérience de l'essence même de l'armée.
    « Ce que je veux dire, c'est que lorsqu'on regarde un film de guerre et qu'on voit des personnes tirer un peu partout, c'est cette sensation que je recherchais. »
  25. Le conseil du demandeur d'asile a déposé une copie du document d'enrôlement dûment rempli, signé par M. Hinzman le 27 novembre 2000, ainsi que l'annexe datée du 24 janvier 2001, portant sur l'aide financière pour des études postsecondairesNote 6.

    Entraînement de M. Hinzman

  26. M. Hinzman a indiqué dans son témoignage que le 17 janvier 2001, il s'est rendu à Fort Benning, en Géorgie, pour commencer son entraînement de base. Il croit que l'entraînement de base s'est terminé vers la fin de mai ou de juin 2001. Il s'agit de neuf semaines initiales pour tous les soldats, suivies d'un bloc de 13 semaines de techniques militaires de base et de tâches de fantassin.
  27. M. Hinzman a affirmé dans son témoignage que les premières semaines d'entraînement de base étaient consacrées à convertir le civil en soldat. Il a indiqué que ce processus « déshumanisait » et « désensibilisait » les soldats face à l'ennemi en tant qu'être humain. Il a déclaré que, pour commencer l'entraînement de base, les recrues se rendaient à la salle à manger au pas militaire, en chantant leur désir de tuer, de violer et de piller. Leurs officiers les encourageaient à chanter plus fort. Il a déclaré dans son témoignage qu'au début, il pensait que c'était pour plaisanter, mais il a ensuite commencé à s'interroger. Ce fut le début d'un processus de questionnement personnel qui a mené à sa demande de statut de non-combattant.
  28. M. Hinzman a suivi un entraînement pour les tâches et les activités qu'on s'attendait à ce qu'il exécute. Cet entraînement portait sur l'adresse au tir et l'utilisation d'un large éventail d'armes d'infanterie, dont des mitrailleuses, de l'artillerie et des grenades antichars ainsi que des lance-roquettes. Il est demeuré à Fort Benning pendant environ un mois après la fin de son entraînement de base et a ensuite commencé trois semaines d'entraînement à la Airborne School, aussi située à Fort Benning, après une pause de quelques semaines. Il a indiqué dans son témoignage qu'il voulait être dans la division aéroportée lorsqu'il s'est enrôlé, parce que cela semblait excitant et agréable. Il a reçu son insigne de parachutiste le 15 juin 2001Note 7.

    Affectation

  29. Il a attendu environ un mois avant de recevoir son affectation à Fort Bragg. Il faisait partie de la compagnie Alpha, au sein du 2e bataillon du 504e régiment d'infanterie de parachutisme de la 82e Division aéroportée de l'armée américaine. Il s'est qualifié à la Division aéroportée et devait faire un saut en parachute, du haut d'un avion, au moins une fois tous les trois mois pour conserver son statut de parachutiste. Ce dernier lui donnait droit à une rémunération supplémentaire. M. Hinzman a affirmé dans son témoignage que son entraînement de parachutiste à la Division aéroportée avait pour but de lui enseigner à s'emparer des terrains d'aviation de l'ennemi, à éliminer l'ennemi et, au besoin, à établir une zone d'atterrissage sécuritaire pour les avions alliés. Voilà qui nécessitait un parachutage derrière les lignes ennemies.
  30. Entre août 2001 et le début de l'été de 2002, période pendant laquelle il est devenu opérateur radio de peloton, M. Hinzman était grenadier dans un peloton de fusiliers. Il a reçu un entraînement, a passé des examens et a obtenu son insigne de fantassin spécialiséNote 8, le 21 septembre 2001. Il est devenu membre du comité des fantassins spécialisés. À partir de juillet 2002, il a entraîné à la mitrailleuse M-240 Bravo des soldats qui tentaient de décrocher cet insigne, et les a jugés. Il a été promu soldat Première classe trois ou quatre mois plus tôt que le délai habituel d'un an, en raison de sa performance positive et proactive. Il figurait parmi les soldats (15 % des 135 soldats de sa compagnie) sélectionnés pour participer au cours du programme Ranger, pour lequel il avait exprimé un intérêt. Il a indiqué dans son témoignage que le programme Ranger, auquel il s'inscrirait s'il réussissait le cours, est un programme exceptionnel de leadership qui permet d'acquérir une connaissance supérieure des techniques militaires à ce que l'on apprend normalement et d'exceller dans les situations de combat en prenant les bonnes décisions au moyen de ressources limitées. Selon M. Hinzman, les soldats qui terminent le programme Ranger sont des « hommes fabriqués », « à la manière Flint ».
  31. M. Hinzman a affirmé dans son témoignage qu'il vivait une « sorte de double vie ». D'une part, il donnait toujours l'impression à ses pairs et à ses supérieurs qu'il était le « soldat des soldats ». En son for intérieur, cependant, il était préoccupé par le fait de tuer. Il s'est demandé s'il devrait s'inscrire au cours du programme Ranger, qu'il a décrit comme un point de non-retour. Par la suite, il ne pourrait plus faire demi-tour et vivrait sa vie comme un mensonge.
  32. C'est alors qu'il a appris que l'armée permettait à son personnel de déposer une demande de statut d'objecteur de conscience dans le but d'être complètement libéré de l'armée ou d'y demeurer à titre de non-combattant. Il n'a partagé son dilemme avec aucun membre de l'armée, car le climat de travail favorisait le machismeNote 9. Il en a parlé à sa femme, avec laquelle il s'était marié le 12 janvier 2001, et à sa grand-mère, la première figure maternelle de sa vie.

    Demande de statut d'objecteur de conscience non combattant, audience, rapport et recommandation

  33. M. Hinzman a déclaré dans son témoignage que sa décision de déposer une demande de statut d'objecteur de conscience non combattant n'était pas le résultat d'une révélation, mais plutôt d'un processus graduel qui a commencé pendant l'entraînement de base. Ayant à déshumaniser d'autres personnes, y compris ses compagnons de travail, et conscient de ce qui se passait dans le monde à ce moment-là, il en est venu à la conclusion qu'il ne pouvait pas tuer et que la violence ne fait qu'engendrer encore plus de violence. La seule solution était de se soustraire à cette équation qui consiste à tuer.
  34. Le 2 août 2002, le soldat Première classe Hinzman a officiellement déposé une demandeNote 10 de statut d'objecteur de conscience non combattant, conformément au US Army Regulation 600-43Note 11. Dans sa demande, M. Hinzman a affirmé qu'il croyait que la guerre, quel qu'en soit le motif, est condamnable et qu'il ne pouvait plus faire partie d'une unité qui entraîne à tuer. Il déclare qu'au cours des dernières années, il a découvert une vision du monde reposant sur la doctrine du bouddhisme. Il précise comment une partie de la doctrine et des concepts fondamentaux du bouddhisme lui ont fait prendre conscience du fait qu'il était incapable de tuer.
  35. Dans sa demande, il a expliqué comment ses croyances avaient changé depuis son enrôlement, et a indiqué à quel moment et pourquoi elles sont devenues incompatibles avec son service militaire comme combattant. Il a fait référence à ses expériences et à ce qu'il ressentait pendant l'entraînement, y compris la déshumanisation qui, au besoin, « les rendaient semblables à des animaux ». Il a fait référence au fait que, depuis le début de 2002, sa pratique de la méditation s'est intensifiée, ce qui l'a mené à se considérer et à considérer toute chose en ce monde comme étant en interrelation. Il en est venu à prendre conscience que tuer ne ferait que perpétuer la violence, et qu'un acte de violence envers un être humain est un acte de violence envers toute l'humanité. Il sentait qu'il ne pouvait plus demeurer combattant dans l'armée, dont le but est de porter préjudice à autrui.
  36. Il a déclaré dans sa demande qu'au début de janvier 2002, sa femme et lui ont commencé à assister à des réunions de la Société religieuse des Amis (Quakers), qu'il a décrit comme une église de la paix, embrassant le pacifisme. Cependant, M. Hinzman a indiqué la mention « sans objet » dans une déclaration lui demandant s'il est membre d'une secte ou d'une organisation religieuse.
  37. M. Hinzman a déclaré dans son témoignage qu'il a présenté sa demande à son commandant, que cette demande « s'est envolée quelque part » et qu'elle n'a pas été traitée. Lorsque M. Hinzman a appris que l'on n'avait pas donné suite à sa demande, il a déposé une nouvelle demande le 31 octobre ou le 1er novembre 2002, après quoi il a rencontré l'aumônier militaire et le technicien psychiatriqueNote 12, comme l'exigeait le règlement.
  38. M. Hinzman n'a pas produit devant la SPR une copie de sa nouvelle demande. Il a déclaré qu'après le retour de son bataillon aux États-Unis, son chef d'escadrille a extrait sa demande du mois d'août d'un classeur et a demandé à M. Hinzman s'il la voulait. M. Hinzman l'a rapportée à son domicile aux États-Unis. Il n'a ouvert le dossier qu'une fois à Toronto et a alors trouvé la demande du mois d'août.
  39. Le commandant de M. Hinzman a fait parvenir sa demande, le rapport de l'entrevue avec l'aumônier et le rapport d'examen de l'état mental à son supérieur, commandant exerçant une compétence spéciale de cour martiale. Le commandant a nommé le Premier lieutenant Dennis Fitzgerald à titre d'enquêteurNote 13.
  40. M. Hinzman a déclaré que, pendant la durée de son déploiement aux États-Unis, et plus tard en Afghanistan, il a d'abord été affecté à la surveillance des portes d'accès à Fort Bragg et, par la suite en Afghanistan, à des tâches subalternes en cuisine.
  41. Entre le moment où il a déposé sa première demande au mois d'août et le moment où il a présenté en octobre sa nouvelle demande pratiquement identique à la première, il est devenu évident pour le demandeur que son bataillon serait déployé au mois de décembre en Afghanistan. M. Hinzman prétend que la date à laquelle il a déposé sa seconde demande laissait supposer que la nouvelle du déploiement prévu en Afghanistan avait précipité sa demande de statut de non-combattant, alors que ce n'était pas le cas, la chaîne de commandement ayant égaré sa demande du mois d'août.
  42. Le Premier lieutenant Fitzgerald a mené une audience relativement à la demande présentée le 2 avril 2003Note 14, à la base aérienne de Kandahar, en Afghanistan. Trois personnes ont témoigné, outre M. Hinzman, qui n'a convoqué aucun témoin et n'a présenté aucun autre élément de preuve. Les témoins ont déclaré que la demande de statut d'objecteur de conscience de M. Hinzman les avait consternés, car ce dernier se préparait en vue du programme Ranger, était tout à fait conscient de sa mission et de ses tâches en tant que membre d'un peloton de fusiliers et avait expérimenté un grand nombre d'exercices de combat. Ils étaient aussi au courant de ses croyances bouddhistes.
  43. Dans son témoignage devant le Premier lieutenant Fitzgerald, M. Hinzman a déclaré ce qui suit :
    « Cela ne veut pas dire que je ne pouvais agir en défensive; j'ai une arme et j'aurais le devoir de défendre ce terrain d'aviation, s'il était attaqué. Je ne pourrais participer à des actes de violence prémédités, comme une embuscade. le simple fait de porter l'uniforme est un appui à la guerre. Je ne ferais pas partie des patrouilles qui cherchent les ennuis. Je ne jouerais pas de rôle offensif, attendant avant de tirer sur quelqu'unNote 15 ».
  44. Il a déclaré qu'il avait simplement l'impression qu'il perdait son identité et que le processus qu'il avait entrepris le privait de tout sens moral, ce qui entrait en conflit avec sa compréhension et sa pratique du bouddhisme. Il a affirmé qu'il avait une femme et un enfant et qu'il devait penser à leur avenir et au sien. Il a terminé en précisant qu'il ne demandait pas le statut de non-combattant dans le but d'échapper au déploiement en Afghanistan, puisqu'il s'y trouvait déjà. Son objectif à long terme était de terminer son service militaire et de fréquenter le collège.
  45. Le 29 avril 2003, le Premier lieutenant Fitzgerald a présenté à son commandant une note de serviceNote 16 contenant un résumé détaillé de ses constats, de ses conclusions et une recommandation. Ses conclusions en ce qui concerne la sincérité des croyances de M. Hinzman ont été, entre autres, les suivantes :
    1. Le postulant s'oppose sincèrement à la guerre d'un point de vue philosophique, sociétal et intellectuel.
    2. Le postulant a vraiment le sentiment qu'il ne pourrait exécuter une opération offensive, mais qu'il pourrait exécuter une opération défensive.
    3. La femme du postulant a récemment donné naissance au fils du postulant, pendant la période où cette unité a appris qu'elle serait envoyée en Afghanistan pour soutenir l' OEF. Par la suite, le postulant a déposé la demande de reclassement.
  46. Le Premier lieutenant Fitzgerald a conclu que les croyances du soldat Première classe Hinzman n'étaient pas compatibles avec la définition d'objecteur de conscience énoncée dans le US Army Regulation 600-43Note 17.
  47. Je reproduis intégralement la recommandation du Premier lieutenant Fitzgerald.
    « Recommandation : après avoir procédé à un examen complet de la demande et à une enquête personnelle, je crois fermement que le soldat Première classe Hinzman a recours à ce règlement pour quitter l'infanterie. Il ne veut pas effectuer d'opération offensive en tant que combattant, mais est disposé à mener une opération défensive à titre de combattant. Il est prêt à effectuer d'autres opérations, comme le maintien de la paix, ainsi que des opérations dans un environnement sécuritaire qui sont effectuées par des fantassins. Il a clairement affirmé qu'il serait de son devoir de défendre son terrain d'aviation s'il était attaqué. Il est disposé à défendre une installation militaire dans le cadre de ses fonctions. S'il est prêt à combattre et à se défendre contre l'ennemi, il ne peut choisir à quel moment ou à quel endroit.
  48. La décision de déserter et de demander la protection au Canada

  49. M. Hinzman a continué de travailler à la cuisine ou à la salle à manger du terrain d'aviation en Afghanistan jusqu'au retour de son unité à Fort Bragg, où il a repris ses tâches normales de fantassin, d'abord en administration, puis comme armurier de l'unité. Il a continué ses opérations d'entraînement, mais avait la responsabilité supplémentaire de l'administration, du protocole de sécurité et de la maintenance des systèmes d'armes de sa compagnie.
  50. La conseil du ministre a demandé à M. Hinzman pourquoi il n'a pas déserté à son retour de l'Afghanistan. Il a répondu qu'il venait de retrouver sa famille et que cette idée ne lui était pas venue à l'esprit. Quoiqu'il ait affirmé que son envoi en Iraq était inévitable, cela n'est devenu évident qu'au moment où son bataillon a été informé, en décembre 2003, que ses membres seraient déployés en Iraq le ou vers le 16 janvier 2004.
  51. M. Hinzman a affirmé dans son témoignage qu'il a commencé à penser au fait qu'il était inévitable qu'il soit déployé en Iraq alors qu'il se trouvait en Afghanistan. Il a décidé qu'il n'irait pas en Iraq. Il n'a discuté de sa décision qu'avec sa femme. Lorsqu'il a appris le déploiement prévu en Iraq, il a discuté de deux options avec elle, pour conclure qu'il n'irait pas en Iraq. Les options qui s'offraient à lui étaient les suivantes : refuser les ordres de son commandant et en subir les conséquences en vertu de l'Universal Code of Military Justice (UCMJ), ou s'absenter sans permission pour aller au Canada. Il a décidé de venir au Canada, parce qu'à son avis, l'expédition en Iraq était de nature illégale, et qu'en s'y conformant, il serait complice d'un acte criminel.
  52. M. Hinzman a déclaré dans son témoignage qu'avant de quitter les États-Unis, lui et sa femme ont réglé quelques affaires, ont rempli la voiture et sont partis avec Liam, le 2 janvier 2004. Ils sont arrivés à Niagara Falls, en Ontario, le jour suivant, soit le 3 janvier 2004. Après avoir consulté un conseiller juridique, les demandeurs d'asile ont présenté des demandes d'asile à partir du Canada, le 22 janvier 2004. Dans les documents qu'ils ont remplis lorsqu'ils ont présenté leurs demandes d'asileNote 18, M. Hinzman a expliqué pourquoi il demandait le statut de réfugié et pourquoi il ne pouvait pas retourner aux États-Unis. Il a déclaré qu'il était dans l'armée et qu'il serait envoyé en Iraq pour y mener une guerre qu'il croit être illégale. Il craint de retourner aux États-Unis, parce qu'il croit qu'il sera puni et, pour cette raison, persécuté parce qu'il suit sa conscience. Il a indiqué qu'il avait présenté une demande de statut d'objecteur de conscience avant d'être envoyé en Afghanistan, laquelle a été rejetée.
  53. Après son arrivée au Canada, M. Hinzman a pris des arrangements avec sa mère et sa grand-mère afin que son courrier lui soit envoyé. En janvier ou en février 2004, sa grand-mère a reçu une lettre en provenance de l'armée, laquelle demandait où il se trouvait et déclarait qu'il devait retourner à Fort Bragg. M. Hinzman n'a pas cette lettre. Il ignore si un mandat d'arrêt a été émis contre lui, mais il croit qu'après 30 jours d'absence sans permission, un mandat est émis. Depuis leur arrivée au Canada, M. Hinzman et Mme Nguyen « assistent » à la rencontre mensuelle de la Société religieuse des Amis (Quakers) à TorontoNote 19.

    ANALYSE

    Identité

  54. L'identité des demandeurs d'asile en tant que ressortissants des États-Unis est confirmée par les documents d'identité qu'ils ont déposés, en particulier les passeports américains des demandeurs adultes et la carte de sécurité sociale du demandeur mineurNote 20.

    Crédibilité

  55. M. Hinzman a témoigné de façon directe et sérieuse. Il n'existe aucune incohérence majeure dans son témoignage, ni entre son témoignage et la preuve documentaire, pour laquelle il n'a fourni aucune explication satisfaisante.

    Protection de l'État

  56. M. Hinzman craint la persécution s'il est renvoyé aux États-Unis, en raison de sa désertion de l'armée américaine. Dans toute demande d'asile, le pays de nationalité du demandeur d'asile doit être évalué relativement à la protection qu'il offre à ce dernier.
  57. La responsabilité d'assurer une protection internationale ne s'applique qu'en l'absence d'une protection nationale ou de l'ÉtatNote 21.
  58. Il existe une présomption selon laquelle, à l'exception des situations où l'État connaît un effondrement complet, l'État est capable de protéger ses citoyens. Cette présomption peut être réfutée au moyen d'une preuve « claire et convaincante » de l'incapacité d'un État d'assurer la protectionNote 22. Le demandeur d'asile doit s'adresser à son État d'origine pour obtenir une protection dans le cas où la protection de l'État aurait pu raisonnablement être assuréeNote 23.
  59. Lorsque l'État en cause est un état démocratique, le fardeau de la preuve qui incombe au demandeur d'asile est en quelque sorte directement proportionnel au degré de démocratie atteint par l'État en cause : plus les institutions de l'État sont démocratiques, plus le demandeur d'asile doit avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à luiNote 24.
  60. Les États-Unis sont un pays démocratique possédant un système de contrôle : trois paliers de gouvernement, y compris un système judiciaire indépendant et des garanties constitutionnelles de procédure équitable. Selon la Cour d'appel fédérale, une personne qui demande l'asile contre les États-Unis doit établir qu'il y a des « circonstances exceptionnelles » permettant de conclure qu'un processus judiciaire juste et impartial ne peut s'appliquerNote 25. En l'espèce, le processus judiciaire en question serait la cour martiale pour le demandeur d'asile en application de la directive 1325.2 du ministère de la Défense des États-Unis, du Manual for Courts-Martial of the United StatesNote 26 et des articles 85 et 86 (articles punitifs pertinents) du Universal Code of Military Justice (UCMJ)Note 27.
  61. Par conséquent, M. Hinzman doit établir qu'il n'aurait pas droit à un processus judiciaire juste et impartial s'il était renvoyé aux États-Unis pour comparaître devant une cour martiale en raison de sa désertion du service militaire. Pour ce faire, il devra établir qu'il n'aurait pas accès à une procédure équitable ou que la loi serait appliquée contre lui de façon discriminatoire.
  62. Le processus qui s'appliquerait à M. Hinzman, s'il devait comparaître en cour martiale, est énoncé dans le UCMJ et le Manual for Courts-Martial of the United States. On y fait état d'un système judiciaire militaire élaboré qui respecte les droits de la personne, garantit un recours en appel et prévoit un accès limité à la Cour suprême des États-Unis.
  63. Le UCMJ est une loi d'application générale. La Cour d'appel fédérale dans l'affaire Zolfagharkhani a formulé quelques propositions générales relatives au statut d'une loi ordinaire d'application générale lorsqu'il s'agit de trancher la question de la persécution :
    1. La définition légale de réfugié au sens de la Convention rend l'objet (ou tout effet principal) d'une loi ordinaire d'application générale, plutôt que la motivation du demandeur, applicable à l'existence d'une persécution.
    2. Mais la neutralité d'une loi ordinaire d'application générale, à l'égard des cinq motifs d'obtention du statut de réfugié, doit être jugée objectivement par les cours et les tribunaux canadiens lorsque cela est nécessaire.
    3. Dans cet examen, une loi ordinaire d'application générale, même dans des sociétés non démocratiques, devrait, je crois, être présumée valide et neutre, et le demandeur devrait être tenu, comme c'est généralement le cas dans les affaires de réfugiés, de montrer que les lois revêtent, ou bien en soi ou pour une autre raison, un caractère de persécution.
    4. Il ne suffira pas au demandeur de montrer qu'un régime donné est généralement tyrannique. Il devra plutôt prouver que la loi en question a un caractère de persécution par rapport à un motif énoncé dans la ConventionNote 28.
  64. Lorsqu'il s'agit d'appliquer ces propositions générales à la présente demande d'asile, les articles punitifs du UCMJ sont présumés être valides et neutres. De plus, il incombe à M. Hinzman de démontrer que ces lois revêtent, ou bien en soi ou pour une autre raison, un caractère de persécution relativement à un motif de la Convention. J'estime que M. Hinzman ne s'est pas acquitté de ce fardeau.
  65. Comme l'a récemment affirmé la Cour fédérale dans sa décision dans l'affaire TuckNote 29 sur la question de savoir si un citoyen américain ferait l'objet de persécution en vertu des lois sur la marijuana de l'État de Californie :

    [Traduction]

    Les États-Unis d'Amérique sont une démocratie. La CUA est une loi d'application générale de l'État de Californie. La Federal Drug Enforcement Agency est une agence fédérale responsable de l'application de la législation fédérale sur l'utilisation des médicaments. Il n'est pas du ressort de la présente cour de commenter les choix des organismes législatifs élus en ce qui concerne la promulgation de la législation touchant les résidents de l'État de Californie ou les États-Unis d'Amérique, respectivementNote 30.
  66. M. Hinzman n'a présenté aucun élément de preuve à l'appui de son allégation selon laquelle il n'aurait pas droit à la protection complète de la loi dans le cadre d'une cour martiale.
  67. Lorsque j'ai examiné la question de la protection de l'État offerte par les États-Unis, dans le cas de M. Hinzman, j'ai tenu compte du fait que les États-Unis ont mis en place des dispositions réglementaires selon lesquelles les personnes qui peuvent invoquer d'authentiques raisons de conscience sont exemptées du service militaire et peuvent accomplir un service de remplacement à titre de non-combattant.
  68. Le US Army Regulation 600-43 énonce la politique, les critères, les responsabilités et les procédures en matière de classification et de réforme du personnel militaire qui a des objections de conscience à participer à une guerre, quelle qu'en soit la forme, ou à servir dans l'arméeNote 31. La politique s'applique sans égard au fait qu'un soldat se soit enrôlé volontairement ou qu'il en ait reçu l'ordre. Elle reconnaît que la demande d'une personne peut être fondée sur une objection de conscience découlant d'expériences vécues avant ou après le début du service militaire, objection qui ne se serait précisée qu'après l'entrée de cette personne dans l'arméeNote 32
  69. La politique prévoit que la demande présentée par une personne en vue de se qualifier comme objecteur de conscience après son entrée dans l'armée ne sera pas favorablement considérée si, entre autres choses, elle repose uniquement sur la politique, le pragmatisme ou l'opportunisme (quoique les demandeurs qui seraient autrement admissibles ne puissent pas être refusés uniquement à cause de leurs opinions sur les politiques nationales ou étrangères du pays), sur l'objection à une certaine guerre ou sur le mensonge.
  70. La Cour suprême des États-Unis a statué, en 1971Note 33, que l'alinéa 6j) de la Military Selective Service Act of 1967Note 34, qui prévoit que l'exemption de service militaire dans l'armée américaine en raison d'une éducation et de croyances religieuses, dans le cas d'une personne qui refuse sciemment de « participer à la guerre quelle qu'en soit la forme », s'applique aux personnes qui refusent de participer à toutes les guerres, et non à celles qui s'opposent à la participation à une guerre en particulier, même si cette objection est fondée sur des croyances religieuses.
  71. M. Hinzman s'est prévalu de la possibilité de demander le statut d'objecteur de conscience non combattant, d'abord en août, puis en octobre 2002. À la suite d'une audition de sa demande, le 2 avril 2003, le Premier lieutenant Fitzgerald a conclu que les croyances de M. Hinzman n'étaient pas compatibles avec la définition d'objecteur de conscience qui figure dans le US Army Regulation 600-43Note 35.
  72. M. Hinzman n'a pas présenté suffisamment de preuve établissant qu'il a été privé, ou qu'il serait privé, de l'application de procédure équitable relativement à sa demande de statut d'objecteur de conscience non combattant, ou qu'il serait privé de l'application de procédure équitable ou traité différemment s'il était renvoyé aux États-Unis et était traduit en cour martiale.
  73. J'estime que M. Hinzman n'a pas réfuté la présomption selon laquelle le système de justice militaire américain, y compris la cour martiale, est juste et impartial et il n'a pas établi non plus une intention de persécution envers lui de la part des agents d'exécution, des procureurs ou des juges au sein du système de justice militaire américain.
  74. Le défaut de la part de M. Hinzman de réfuter la présomption de protection de l'État par les États-Unis entraîne le rejet de ses demandes d'asile aux termes des articles 96 et 97 de la Loi. Dans l'intérêt public, j'ai néanmoins examiné d'autres questions associées à la demande d'asile de M. Hinzman.

    Objection de conscience

  75. Selon M. Hinzman, l'accomplissement du service militaire à titre de combattant en Iraq aurait exigé sa participation à une guerre injuste et à une action militaire contraire à ses véritables convictions politiques, religieuses ou morales ou à des raisons de conscience valables et, par conséquent, toute peine imposée en raison de son refus de servir à titre de combattant en Iraq constitue de la persécution.
  76. M. Hinzman fait valoir que si on l'obligeait à servir en Iraq comme combattant, on lui ordonnerait de participer à des opérations offensives, ce qui est contraire à sa conviction profonde selon laquelle on ne peut tuer autrui que pour se défendre. De plus, il prétend que cette obligation constitue de la persécution.
  77. Lorsqu'il s'agit de statuer sur une demande d'asile, les représentants visés du gouvernement, y compris les juges, s'inspirent du Guide du HCR. Le chapitre V, « Cas particuliers », partie B., traite des « Déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience »Note 36.
  78. Le Guide prévoit que dans certains cas, une personne peut démontrer que l'accomplissement du service militaire requiert sa participation à une action militaire contraire à ses convictions politiques, religieuses ou morales ou à des raisons de conscience valablesNote 37.
  79. Le Guide prévoit également que si un demandeur d'asile est à même de démontrer que ses convictions religieuses sont sincères et qu'elles ne sont pas prises en considération par les autorités de son pays lorsqu'elles exigent de lui qu'il accomplisse son service militaire, il peut faire admettre son droit au statut de réfugié. Toutes indications supplémentaires selon lesquelles le demandeur ou sa famille auraient rencontré des difficultés du fait de leurs convictions religieuses peuvent évidemment donner plus de poids à cette demandeNote 38.
  80. Selon le Guide, il va de soi qu'une personne n'est pas un réfugié si la seule raison pour laquelle elle a déserté est son aversion du service militaire ou sa peur du combat. Elle peut, cependant, être un réfugié si sa désertion s'accompagne de motifs valables de quitter son pays ou si elle a de quelque autre manière, selon la définition de réfugié au sens de la Convention, des raisons de craindre d'être persécutéeNote 39.
  81. Selon le Guide, l'authenticité des convictions politiques, religieuses ou morales d'une personne ou la validité des raisons de conscience qu'elle oppose à l'accomplissement du service militaire doit, bien entendu, être établie par un examen approfondi de sa personnalité et de son passé. Le fait que cette personne a exprimé ses opinions avant l'appel sous les drapeaux ou qu'elle a déjà eu des difficultés avec les autorités en raison de ses convictions est un élément d'appréciation pertinent. De même, selon qu'elle a reçu l'ordre d'accomplir un service militaire obligatoire ou qu'au contraire elle s'est enrôlée dans l'armée comme volontaire, la sincérité de ses convictions pourra être appréciée différemmentNote 40.
  82. En ce qui concerne ses croyances religieuses, M. Hinzman a reconnu à l'audience qu'il n'était pas bouddhiste au sens strict du terme. Il a aussi déclaré qu'il n'était pas « membre » des Quakers ou de la Société religieuse des Amis, mais plutôt « participant ». Il n'a pas écarté la possibilité d'en devenir membre dans l'avenir, mais n'a pas clairement indiqué sa ferme intention à cet égard. Il a affirmé dans son témoignage que des Amis avaient accepté de jouer un rôle de non-combattant au cours de la Seconde Guerre mondiale, tandis que d'autres avaient refusé d'y participer et avaient été emprisonnés. Cependant, selon le témoignage en faveur de la paix, la violence est inadmissible. La plupart des Quakers prendraient toutes les mesures possibles pour éviter d'agir avec violence. M. Hinzman a déclaré dans son témoignage que, même si le monde se porterait mieux sans armée, ce n'était pas réaliste. Lorsqu'on lui a demandé pourquoi il avait demandé d'exercer un rôle de non-combattant, plutôt que de demander d'être réformé définitivement, M. Hinzman a déclaré qu'il ressentait la nécessité de terminer son service militaire même s'il était conscient qu'il serait ainsi complice d'une guerre illégale, même dans un rôle de non-combattant, comme cuisinier ou infirmier. Toutefois, il ne participerait pas activement à la violence.
  83. En réponse aux questions du conseil du ministre, M. Hinzman a indiqué dans son témoignage qu'il en était venu à la conclusion que cette guerre était une erreur. Si nécessaire, personnellement, il aurait recours à la légitime défense dans la mesure où c'était nécessaire pour assurer sa protection et celle de sa famille. Il a fait l'analogie suivante : si sa maison était cambriolée ou si son camp était attaqué, il ne pourrait s'empêcher de prendre des mesures pour mettre fin à l'agression et agirait. Il a réitéré dans son témoignage l'essentiel de son exposé circonstancié contenu dans son FRP, soit qu'il croyait toujours que chasser un agresseur dans le feu de l'action est justifié en raison du fait que souvent, il n'y a pas suffisamment de temps pour interagir de façon significativeNote 41 ».
  84. Il a déclaré à son conseil qu'au moment où il a décidé qu'il ne sera pas déployé en Iraq, il croyait que la guerre en Iraq était illégale et injuste et que toute action militaire violente injustifiée est criminelle, erronée et atroce. Il a affirmé que la décision d'aller à la guerre et la conduite de la guerre sont deux éléments de même nature, et que toute action visant à poursuivre une guerre injuste est elle-même injuste. Il n'est pas impossible que s'il était allé en Iraq, il aurait pu commettre des actes injustifiés et contraires à une bonne conduite. Il a indiqué que s'il participait à une mission de maintien de la paix, il serait disposé à jouer un rôle de non-combattant, comme celui d'infirmier, mais ne participerait pas à des missions offensives. Il ne veut tout simplement pas tuer des gens.
  85. Il ressort clairement de l'exposé circonstancié contenu dans le FRP de M. Hinzman, du résumé de son témoignage à l'audience du 2 avril 2003 en Afghanistan et de son témoignage devant moi qu'il croit qu'il y a des circonstances où la guerre et le port des armes à des fins défensives peuvent être nécessaires. Bien que M. Hinzman ait déclaré dans sa demande de statut d'objecteur de conscience qu'il s'opposait à la guerre qu'elle qu'en soit la forme, il a affirmé dans son témoignage à l'audience devant moi qu'il ne s'opposait pas à la présence de l'armée américaine en Afghanistan, parce que l'Amérique avait établi que les Talibans étaient liés aux attaques du 11 septembre 2001, auxquelles les États-Unis ripostaient.
  86. D'après ses antécédents et mes observations, j'estime que M. Hinzman est un jeune homme intelligent et réfléchi, à l'esprit curieux, qui désire essayer diverses expériences de la vie afin de déterminer s'il peut relever les défis qu'elles présentent, si elles sont satisfaisantes sur le plan personnel et si elles sont en accord avec son code moral. Bien que ce code moral ait été influencé par ses lectures et ses expériences, y compris la méditation reliée au bouddhisme et à la Société des Amis, M. Hinzman ne se considère pas bouddhiste ou Quaker. Son code moral évolue. Il s'est développé après son entrée dans l'armée, pendant ses périodes d'entraînement et ses affectations, et a été influencé par la naissance de son fils, Liam, le 12 mai 2002.
  87. Lorsque j'ai demandé à M. Hinzman, à l'audition de sa demande d'asile, si la naissance de Liam avait eu une influence quelconque sur sa décision de demander le statut de non-combattant, il a répondu par l'affirmative et a ajouté qu'il ne voudrait pas tuer des bébés. Bien que je n'aie aucun doute à cet égard, j'estime que la naissance de Liam a incité M. Hinzman à repenser son statut de combattant dans l'armée en fonction de son rôle et de ses responsabilités en tant que mari et père.
  88. J'estime qu'en avril ou mai 2002, avant de préparer sa demande de statut d'objecteur de conscience non combattant, M. Hinzman a pris conscience du fait que, même s'il aimait être dans l'infanterie aéroportée, où il excellait, il ne pouvait continuer de servir comme combattant dans l'armée. Il a constaté que la violence est futile, ne fait qu'engendrer plus de violence et détruit tout. Il a décidé qu'il ne pouvait tuer une autre personne, à moins que toutes autres mesures prises pour maîtriser cette personne en lui causant le moins de préjudice possible aient échoué. Son credo est exposé en détail dans les neuf pages jointes au formulaire qu'il a rempli le 2 août 2002 pour demander le statut d'objecteur de conscience non combattantNote 42.
  89. J'estime que les éléments de preuve démontrent que, même s'il ne fait aucun doute que M. Hinzman a été guidé par ce code moral au moment où il a pris sa décision, le 2 janvier 2004, de venir au Canada et d'y demander asile, plutôt que de se rapporter à son unité pour être déployé en Iraq, il a décidé de déserter parce qu'il s'opposait à l'incursion militaire américaine en Iraq, et non parce qu'il était opposé à la guerre en généralNote 43.
  90. Ma conclusion est appuyée par le fait que M. Hinzman déclare, dans l'exposé circonstancié contenu dans son FRPNote 44 et dans les notes préparées par l'agent d'immigration, lorsque lui et sa famille sont venus au CanadaNote 45, que la guerre en Iraq était la raison immédiate de sa décision de refuser de faire son service militaire totalement.
  91. Premièrement, il avait l'impression que cette guerre était contraire au droit international, car elle n'avait aucun fondement juridique et avait été menée sous de faux prétextesNote 46. Dans son témoignage, il a indiqué que ces faux prétextes étaient la présence d'armes de destruction massive en Iraq, l'affirmation selon laquelle l'Iraq était lié à des organisations terroristes internationales et représentait une menace pour les États-Unis.
  92. Deuxièmement, il a affirmé dans l'exposé circonstancié contenu dans son FRP qu'il ne voulait pas tuer ou être tué pour servir une idéologie et un gain économique.
  93. Troisièmement, parce qu'on lui avait refusé le statut de non-combattant, il aurait été contraint de participer à toute opération offensive que son commandant aurait jugée justifiée, même si ces ordres auraient violé sa conscience, ses principes religieux et, probablement, le droit international, en plus de constituer un crime.
  94. À ce sujet, il importe de souligner que M. Hinzman s'est opposé à la participation à toute opération offensive en Iraq parce qu'il croyait que la guerre en Iraq était manifestement illégale et injuste. Cependant, il était disposé à servir dans un rôle de non-combattant en Iraq, par exemple, comme infirmier.
  95. J'estime que la position de M. Hinzman est de nature contradictoire. Nul doute qu'un jeune homme intelligent comme M. Hinzman, qui estime que la guerre en Iraq est illégale, injuste et menée à des fins économiques, refuserait d'y participer, que ce soit à titre de combattant ou de non-combattant.
  96. Dans sa décision dans l'affaire CiricNote 74, la Cour fédérale énonce clairement qu'on ne peut être un objecteur de conscience sélectif :

    « [.], les requérants peuvent difficilement être décrits comme des « objecteurs de conscience », parce qu'ils étaient prêts à servir dans les forces armées yougoslaves et que, de fait, ils en avaient fait partie, mais pour protéger la souveraineté nationale si elle était menacée et non pour porter les armes contre leurs amisNote 48. »

  97. La preuve démontre que la décision de M. Hinzman de déserter n'a pas été influencée par des atrocités ou des crimes présumés contre l'humanité dont il aurait eu connaissance. Comme l'indique l'exposé circonstancié contenu dans son FRP et le dossier d'examen rempli lorsqu'il est venu au Canada, parce qu'il croyait que l'occupation militaire de l'Iraq était sans fondement juridique, il aurait été criminel d'y prendre part; il aurait été emprisonné et aurait subi une peine extrajudiciaire s'il avait refusé d'obéir à un ordre d'opération offensive.
  98. En outre, j'estime que le défaut de la part de M. Hinzman de ne pas poursuivre davantage sa demande de statut d'objecteur de conscience après le refus de celle-ci et le fait qu'il ait repris ses activités régulières de fantassin par la suite témoignent d'une conduite qui n'est pas compatible avec son affirmation selon laquelle il est un véritable objecteur de conscience.
  99. M. Hinzman a déclaré dans son témoignage devant moi qu'étant donné qu'il était plutôt certain que sa demande serait acceptée, il ne s'est pas informé sur les recours en appel en cas d'une décision défavorable. Il a affirmé avoir traité sa demande de façon privée et ne pas avoir consulté, à son retour aux États-Unis, le groupe Quaker ou un avocat au sujet de la possibilité d'interjeter appel.
  100. M. Hinzman a reconnu dans son témoignage qu'il avait le droit d'interjeter appel de la recommandation du Premier lieutenant Fitzgerald, rejetant sa demande de statut de non-combattant. Ces droits étaient prévus dans la chaîne de commandement militaire ainsi que dans l'appareil judiciaire. Il a indiqué être maintenant conscient, grâce à ses lectures, qu'il aurait très bien pu interjeté appel de la décision devant la Cour suprême des États-Unis. Il a indiqué dans son témoignage, en réponse aux questions du conseil du ministre, qu'il savait qu'il pouvait interjeter appel des conclusions du Premier lieutenant Fitzgerald et de la recommandation de ce dernier à son commandant, mais il a présumé qu'étant donné que le Premier lieutenant Fitzgerald travaillait dans la même unité que le commandant, et que le commandant agirait dans le meilleur intérêt de l'unité, il suivrait la recommandation du Premier lieutenant Fitzgerald. Il a reconnu avoir présumé qu'il s'agirait d'un recours inefficace, mais a affirmé dans son témoignage qu'il n'avait aucune raison de croire qu'un appel par l'entremise de sa chaîne de commandement (qui, selon son témoignage, n'avait pas donné suite à sa demande du mois d'août 2002) donnerait lieu à un traitement équitable.
  101. Il a déclaré que l'idée de déposer une autre demande de statut d'objecteur de conscience lui avait traversé l'esprit, mais qu'il était épuisé et a cru qu'il lui faudrait un nouvel élément de preuve marquant avant de présenter une autre demande.
  102. J'estime qu'il n'est pas déraisonnable de s'attendre à ce que M. Hinzman prenne des recours en ce qui concerne sa demande de statut de non-combattant une fois que le Premier lieutenant Fitzgerald a remis son rapport à son commandant. Le chapitre 2.5 du US Army Regulation 600-43Note 49 prévoit qu'une personne a le droit de déposer une déclaration de réfutation au dossier dans un délai de 10 jours civils et, après réception du dossier, doit remplir un formulaire réglementaire confirmant les droits de réfutation. Le chapitre 2.6Note 50 énonce les responsabilités d'examen qui incombent au commandant d'unité, à la General Court-Martial Convening Authority (GCMCA) et au Staff Judge Advocate (SJA). J'estime non satisfaisante l'explication partielle de M. Hinzman selon laquelle il croyait que la chaîne de commandement appuierait la recommandation.
  103. J'estime également non satisfaisante l'explication de M. Hinzman pour justifier son défaut de présenter une nouvelle demande de statut d'objecteur de conscience non combattantNote 51 relativement au déploiement proposé en Iraq. M. Hinzman a affirmé dans son témoignage ne pas l'avoir fait parce qu'il croyait que la définition d'« objection de conscience » du US Army Regulation 600-43Note 52 ne comprenait pas l'opposition à une guerre en particulier, mais plutôt l'objection à la guerre qu'elle qu'en soit la forme ou au port des armes. Bien que cette interprétation soit sans doute exacte, il lui appartenait de formuler sa demande à sa guide.
  104. M. Hinzman a déclaré dans son témoignage que le délai de traitement de sa demande de statut d'objecteur de conscience non combattant lui a porté préjudice parce son audience a eu lieu en Afghanistan, plutôt qu'aux États-Unis, où il aurait pu faire comparaître des témoins, comme son épouse et des membres de la Société des Amis. Il n'est ni possible, ni approprié que je détermine les circonstances ayant occasionné ce délai de traitement de la demande de statut de non-combattant présentée en août 2002. Ce que je peux affirmer, c'est que le US Army Regulation 600-43 exige que la chaîne de commandement s'assure du traitement rapide d'une demande de statut d'objecteur de conscience et que toutes les personnes qui interviennent dans ce processus connaissent leurs responsabilités respectivesNote 53.
  105. Lors de l'audience devant le présent tribunal, le conseil du ministre a demandé à M. Hinzman pourquoi il n'avait pas tenté de retarder l'audience jusqu'à son retour aux États-Unis, afin qu'il puisse faire comparaître des témoins. M. Hinzman a répondu que, bien qu'il aurait préféré que l'audience ait lieu aux États-Unis, ou au début de son déploiement en Afghanistan, afin que cette question soit réglée, il n'avait aucun contrôle sur le moment de la tenue de l'audience. Or, je souligne que le US Army Regulation 600-43 permet qu'une audience soit retardée, sur demande, pour une bonne raison. Il n'existe aucune preuve que M. Hinzman a présenté une telle demande.
  106. J'estime que Jeremy Hinzman n'est pas un objecteur de conscience parce qu'il n'est pas opposé à la guerre qu'elle qu'en soit la formeNote 54, ou au port des armes en toutes circonstances en raison de ses véritables convictions politiques, religieuses ou morales ou pour des raisons de conscience valable.
  107. Par conséquent, la peine qu'il risque en vertu du UCMJ pour avoir déserter ne revêt pas un caractère de persécution.

    Paragraphe 171 du Guide et objection à l'accomplissement du service militaire en Iraq

  108. M. Hinzman est également d'avis que le type d'action militaire auquel il ne veut pas être associé en Iraq est condamné par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires et que, par conséquent, la peine prévue pour la désertion devrait être considérée en soi comme une persécutionNote 55.
  109. Il a affirmé dans son témoignage qu'il était au courant, grâce à ses lectures et aux médias, des conditions de la prison de Guantanamo et de la position de l'administration américaine en ce qui concerne la Convention de GenèveNote 56. Il a ajouté que, puisque la chaîne de commandement considérait les Iraquiens comme des terroristes, on pouvait s'attendre à ce qu'ils subissent le même sort que les prisonniers à Guantanamo. À son retour d'Afghanistan, il a compris que les personnes détenues à la prison de Guantanamo n'étaient pas traitées conformément à la Convention de Genève.
  110. Selon le Guide, ce n'est pas n'importe quelle conviction, aussi sincère soit-elle, qui peut justifier une demande d'asile après désertion. Il ne suffit pas qu'une personne soit en désaccord avec son gouvernement quant à la justification politique d'une action militaire particulière.
    Toutefois, lorsque le type d'action militaire auquel l'individu en question ne veut pas s'associer est condamné par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires, la peine prévue pour la désertion peut, compte tenu de toutes les autres exigences de la définition, être considérée en soi comme une persécutionNote 57. (C'est nous qui soulignons)
  111. M. Hinzman prétend que le type d'action militaire (offensive et pouvant impliquer le meurtre de civils innocents) auquel il ne veut pas être associé en Iraq relève de cette catégorie et que, par conséquent, toute peine prévue pour la désertion en raison de ses opinions politiques sur l'incursion militaire américaine en Iraq devrait être considérée comme de la persécution.
  112. Dans l'affaire ZolfagharkhaniNote 58, la question que la Cour d'appel fédérale du Canada devait trancher consistait à déterminer si le refus du demandeur de participer à une action militaire pouvant se traduire par une guerre chimique relevait de l'objection de conscience et si la peine prévue pour le refus d'y participer équivalait à de la persécution.
  113. Après avoir cité le paragraphe 171 du Guide, la Cour a statué qu'il s'appliquait à la situation dans l'affaire Zolfagharkhani. Elle a tenu compte de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication et du stockage des armes bactériologiques (biologiques) ou à toxines et sur leur destructionNote 59, en faveur de laquelle le Canada et l'Iran ont voté en 1971, d'autres engagements internationaux et du fait que l'emploi d'armes chimiques dans la guerre Iran-Iraq constituait peut-être un précédent dans une guerre internationale depuis les 75 dernières années. Elle a conclu que l'emploi probable d'armes chimiques était contraire aux règles de conduite les plus élémentaires. Par conséquent, la peine prévue pour le refus de servir dans ce conflit par objection de conscience équivalait à de la persécution.
  114. La Cour a déclaré, obiter dictumNote 60, que la participation de M. Zolfagharkhani à cette guerre, même à titre d'infirmier - si des armes chimiques avaient été bel et bien utilisées - l'aurait sans doute rendu exclu du statut de réfugié au sens de la Convention parce qu'il aurait commis « un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité »Note 61 Note 62.
  115. M. Hinzman prétend que, s'il avait été déployé en Iraq, il aurait sans doute été contraint de participer à des atrocités équivalant au type de crimes mentionnés à l'alinéa 1Fa) de la Convention sur les réfugiésNote 63, et aurait donc fait l'objet d'une exclusion parce qu'on ne lui aurait pas reconnu la qualité de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger aux termes de l'article 98 de la LoiNote 64.
  116. Au Royaume-Uni, la Cour d'appel (Chambre civile) de la Cour suprême de justice a eu l'occasion, en 2004, d'examiner le sens du paragraphe 171 du Guide dans son jugement dans l'affaire KrotovNote 65, un appel d'une décision rendue par le tribunal d'appel de l'immigration. Dans son jugement, la Cour d'appel a fait référence à une décision antérieure, Sepet & BulbulNote 66. Le Juge Potter de la Chambre des Lords a souligné que les juges dans cette cause était tous deux d'avis qu'il s'agissait d'une conduite condamnée par la communauté internationale, en tant que crimes reconnus par le droit international ou, à tout le moins, en tant que violations graves et généralisées des droits de la personne. Il a indiqué que le tribunal, dans l'affaire B v. SSHDNote 67, a proposé le critère élargi suivant, en s'appuyant sur le paragraphe 171 du Guide : [Traduction]
    Lorsque le service militaire obligatoire implique l'accomplissement d'actes auxquels la personne doit être associée et qui sont contraires aux règles de conduite les plus élémentaires au sens du droit international.
  117. Il a déclaré qu'à cet égard, il existe un ensemble de normes humanitaires généralement reconnues entre les nations comme étant nécessaires et applicables pour protéger les personnes en temps de guerre ou de conflit armé, et plus particulièrement les civils, les blessés et les prisonniers de guerre. Elles interdisent le viol, la torture, l'exécution et le mauvais traitement des prisonniers ainsi que la prise d'otages. Ces normes sont clairement énoncées dans un certain nombre d'instruments internationaux (tels que la Convention de GenèveNote 68 (la Convention)) et d'autres documentsNote 69.
  118. Le Juge Potter de la Chambre des Lords était d'avis que les crimes énumérés, s'ils avaient été commis de façon systématique dans le cadre d'une politique délibérée ou en conséquence de l'indifférence officielle à l'égard des actions généralisées d'une armée brutale, se qualifieraient comme des actions contraires aux règles de conduite les plus élémentaires, et que la peine prévue pour le refus d'y participer constituerait de la persécution au sens de la Convention de 1951Note 70.
  119. Sa seconde observation en ce qui a trait au critère proposé dans l'affaire B v. SSHD est la suivante : il remplacerait les mots [Traduction] « auquel cette personne pourrait être contrainte de participer » par les mots [Traduction] « auquel cette personne pourrait être associée ». Voilà qui permettrait d'insister sur le fait que les motifs devraient être limités à la crainte raisonnable de la part de l'objecteur de participer personnellement à de tels actes, par opposition à une affirmation plus généralisée de crainte ou d'opinion fondée sur des exemples signalés d'abus individuels qui se produisent presque inévitablement au cours d'un conflit armé, mais qui n'équivalent pas à la perpétration multiple d'actes inhumains découlant d'une politique étatique autorisant ces actions ou faisant preuve d'indifférence à leur égardNote 71.
  120. Il déclare que si une cour ou un tribunal est convaincu :
    1. que le niveau et la nature du conflit, ainsi que l'attitude des autorités gouvernementales pertinentes envers ce conflit, sont tels que les combattants sont ou pourraient être contraints, de façon suffisamment généralisée, d'enfreindre les règles de conduite les plus élémentaires qui sont généralement reconnues par la communauté internationale;
    2. qu'ils seraient punis s'ils refusaient de le faire;
    3. que la désapprobation de telles méthodes et la crainte d'une telle peine constitue la véritable raison motivant le refus d'un demandeur d'asile de participer au conflit en question, on doit alors estimer qu'un motif de la Convention a été établiNote 72.
  121. Comme je l'ai indiqué dans mes motifs de décision interlocutoire datés du 12 novembre 2004, bien qu'elle ne soit pas contraignante pour les tribunaux canadiens ou la Section de la protection des réfugiés, la décision de la Cour d'appel du Royaume-Uni est utile et significative : la définition de réfugié au sens de la Convention à l'article 1A(2) de la Convention européenne des droits de la personneNote 73 est en effet identique au paragraphe 96a) de la LoiNote 74 et le Canada et le Royaume-Uni, signataires de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967, ont tous deux recours au Guide pour reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention.
  122. J'estime que M. Hinzman n'a pas établi que, s'il avait été déployé en Iraq, il aurait participé et été associé à une action militaire, et en aurait été complice, action militaire condamnée par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires. Il n'a pas démontré que les États-Unis, que ce soit par une politique délibérée ou par l'indifférence des autorités, ont exigé de leurs combattants qu'ils commettent des actions généralisées de violation du droit humanitaire ou les y ont autorisés.
  123. Cela ne veut pas dire que des cas de violation grave du droit international humanitaire, par exemple le mauvais traitement des prisonniers de guerre par le personnel militaire à la tristement célèbre prison d'Abu GhraibNote 75, ne se sont pas produits.
  124. Dans l'affaire PopovNote 76, le requérant a soutenu qu'il s'est opposé au service militaire dans l'armée israélienne en raison des activités contre les Palestiniens qui, à son avis, sont contraires aux normes internationales acceptables. La Cour fédérale a statué ce qui suit :

    Je ne crois pas que la preuve appuie la conclusion selon laquelle les activités militaires d'Israël s'inscrivent dans cette catégorie.

    Il est vrai que la preuve fait état de violations commises à l'occasion ou du moins d'allégations de violations à l'occasion. De plus, il ne serait pas surprenant que les allégations soient fondées. Toutefois, un ou des incidents isolés ne constitueraient pas le genre d'activités que mentionnait la Cour d'appel fédérale dans la jurisprudence qui a été citée. (Zolfagharkhani) Il s'agit d'activités militaires qui sont tolérées d'une manière générale par l'État. Il faut penser à des endroits comme le El SalvadorNote 77.

  125. Le conseil des demandeurs d'asile a déposé un rapport présenté par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) aux forces de la Coalition en février 2004Note 78. Les principales violations décrites dans le rapport comprennent des cas de brutalité contre des personnes protégées, au moment de leur capture et de leur détention initiale, causant parfois la mort ou des blessures graves, des cas de contrainte physique ou psychologique pendant un interrogatoire dans le but d'obtenir de l'information et des cas de recours excessif et disproportionné à la force contre des personnes privées de liberté, entraînant la mort ou des blessures pendant leur internement. Le CICR observe que, malgré certaines améliorations des conditions matérielles d'internement en 2003, des allégations de mauvais traitements recueillies par le CICR, commis par des membres des forces de la Coalition contre des personnes privées de liberté, permettent de supposer que le recours aux mauvais traitements contre des personnes privées de liberté n'est pas exceptionnel et pourrait être considéré comme une pratique tolérée par les forces de la Coalition. Le CICR a formulé des recommandations à l'intention des forces de la Coalition en Iraq afin qu'elles corrigent cette situation.
  126. Parmi les documents également présentés par le conseil des demandeurs d'asile figure un rapport de Human Rights Watch (HRW)Note 79, qui décrit et analyse les pertes civiles iraquiennes causées par les forces armées américaines à Bagdad depuis la déclaration de la fin des hostilités en Iraq par le président George W. Bush, le 1er mai 2003Note 80. D'après les entrevues menées avec des témoins et des membres des familles, HRW a confirmé la mort de 20 civils iraquiens à Bagdad, dans des circonstances légalement discutables, entre le 1er mai et le 30 septembre 2003. Dix-huit de ces morts sont détaillées dans le rapport. De plus, HRW a recueilli des données sur les pertes civiles causées par les forces américaines en consultant la police iraquienne, des organisations de défense des droits humains, des médias occidentaux et les déclarations de l'armée américaine sur le sujet. Au total, HRW a estimé que l'armée américaine a tué 94 civils dans des circonstances discutables. HRW n'a pas procédé à la vérification de chacun de ces cas individuels, mais pris dans leur ensemble, ils mettent en évidence un ensemble de décès présumés illégaux qui méritent une investigation.
  127. Le 1er octobre 2003, l'armée américaine a reconnu avoir mené à leur terme cinq enquêtes seulement dépassant le niveau de la division et portant sur des meurtres de civils présumés illégaux. Dans quatre de ces incidents, il a été conclu que les soldats avaient opéré dans le cadre des règles d'engagement confidentielles de l'armée américaine. Dans le cinquième cas, un pilote d'hélicoptère et son commandant risquent une action disciplinaire à l'issue d'une enquête. Une sixième enquête est en cours relativement au meurtre de huit policiers iraquiens et d'un garde jordanien par des soldats de la 82e Division aéroportée (l'ancienne division de M. Hinzman) à al-Falluja, le 12 septembre 2003.
  128. L'auteur du rapport a déterminé que même si l'armée américaine, qui a la responsabilité d'assurer la sécurité à Bagdad, ne prenait pas délibérément pour cibles des civils, elle ne faisait pas non plus suffisamment pour minimiser les torts causés aux civils comme l'exige le droit international. Les cas individuels de pertes civiles détaillés dans le rapport mettent en évidence un schéma qui repose, pour les forces américaines, sur une tactique trop agressive, des tirs non sélectifs dans des zones résidentielles et un recours rapide à une force meurtrière.
  129. Au nombre des pertes civiles qui ont fait l'objet d'une enquête sont celles causées par des soldats américains qui ont répondu de façon disproportionnée et non sélective après avoir été victimes d'une attaque à des postes de contrôle, y compris les meurtres commis lorsque des civils iraquiens ne se sont pas arrêtés.
  130. HRW s'empresse de souligner, entre autres, que l'armée américaine qui a la responsabilité d'assurer la sécurité à Bagdad ne prenait pas délibérément pour cibles des civils et qu'un grand nombre de militaires américains s'adressent avec respect aux Iraquiens et travaillaient dur pour former la police iraquienne, pour assurer la garde de certaines installations et pour poursuivre les criminels.
  131. L'auteur souligne qu'en général, la police militaire américaine à Bagdad semble mieux adaptée aux tâches qu'exige une occupation militaire et qui consistent à faire respecter les lois après un conflit. La situation est plus problématique avec les unités de combat comme la 82e Division aéroportée et la 1re Division blindée, qui, selon le HRW, sont appelées pour fournir des services pour lesquels elles ne sont pas correctement formées et ne savent pas quelle attitude adopter. HRW a recueilli des informations sur huit incidents survenus à Bagdad impliquant ces deux divisions au cours desquels 16 civils ont trouvé la mort. Des responsables de l'armée ont affirmé à HRW qu'ils étaient conscients du problème et fournissaient une formation supplémentaire, dans le but avoué de transmettre les fonctions de police aux forces iraquiennes de sécurité une fois ces institutions établiesNote 81.
  132. HRW a fait valoir en temps opportun et à l'issue d'enquêtes sur des incidents discutables que cela avait créé un climat d'impunité où de nombreux soldats pensaient qu'ils pouvaient appuyer sur la gâchette sans en subir de conséquences. HRW reconnaît toutefois qu'en même temps, de mesures ont été prises pour réduire les pertes civiles. Par exemple, les postes de contrôle sont plus clairement signalés et certaines troupes de combat ont reçu une formation supplémentaire sur les tâches de police. Cependant, davantage d'initiatives sont nécessaires et les Iraquiens ont le droit de connaître les directives concernant un comportement sans risque même si les règles d'engagement ne sont pas rendues publiques pour des raisons de sécurité.
  133. Les auteurs ont conclu qu'il était d'une importance capitale que des enquêtes rapides soient conduites sur tous les recours inappropriés ou illégaux à la force et que de tels actes soient punis, comme l'exige le droit international. Tenir les soldats pour responsables de leurs actes serait une façon efficace de limiter les recours excessifs, non sélectifs ou impétueux à une force meurtrièreNote 82.
  134. Le tribunal dispose d'une preuve démontrant que l'armée américaine a fait enquête sur des cas présumés de recours impétueux ou non sélectif à la force en Iraq et qu'elle a pris des mesures disciplinaires. Le tribunal ne dispose d'aucune preuve démontrant que les États-Unis, sur le plan de leurs politiques ou de leurs pratiques, sont indifférents aux atteintes aux droits humains internationaux en Iraq. HRW a reconnu que l'armée américaine a pris des mesures pour réduire les pertes civiles. Le fait que le gouvernement américain et son armée ont permis à des représentants des médiasNote 83 de faire librement état de l'action militaire américaine en Iraq, y compris des abus présumés, constitue également un volet important d'un gouvernement démocratique. Une couverture médiatique libre et indépendante permet de tenir le public, non seulement aux États-Unis, mais également dans le reste du monde, informé de manière constante et vigilante. Le fait d'exiger de l'armée qu'elle soit tenue responsable de ses actes est une importante marque de démocratie.
  135. Étant donné que M. Hinzman n'a maintenu aucun contact avec les membres de la 82e Division aéroportée, il n'était pas au courant des activités de son ancienne unité en Iraq. M. Hinzman a indiqué dans son témoignage qu'il était, d'abord et avant tout, un fantassin, et que le fait qu'il se soit qualifié dans la division aéroportée était accessoire, puisque c'était le moyen d'arriver sur les lieux du combat. Il est d'avis qu'à titre de fantassin, il participerait probablement à un grand nombre de patrouilles, serait affecté à des postes de contrôle, procéderait à la fouille de véhicules ou de personnes se déplaçant d'une région à l'autre, participerait au maintien de l'ordre dans une région, au contrôle d'une foule ou à une attaque aérienne, ou même s'acquitterait de tâches culinaires.
  136. Il est certes possible que M. Hinzman, s'il devait combattre en Iraq, ait à participer comme combattant à des activités comme celles décrites par son témoin à l'audience, l'ancien sergent d'état-major des Marines Jimmy Massey. Ces activités comprennent, par exemple : placer des hommes aux postes de contrôle de véhicules et faire sortir les occupants, les interroger, s'assurer que les véhicules ne contiennent pas d'explosifs et, au besoin, informer le groupe des renseignements humains. Au cours de ces activités, il aurait pu être obligé de tuer des citoyens iraquiens qui omettraient de s'arrêter à un poste de contrôle et qui, par la suite, se serait révélés être des civils innocents, plutôt que des combattants ennemis.
  137. M. Massey a inscrit dans son témoignage que son bataillon des Marines, qui a été parmi les premiers à entrer en Iraq, avait reçu des rapports de la part des renseignements américains les avertissant de la possibilité d'attentats suicides, tant de la part de la garde républicaine que de terroristes arabes non iraquiens déguisés en civil et conduisant des ambulances et des voitures de police volées et chargées d'explosifs, frappant les postes de contrôle de l'armée américaine. Bien que M. Massey ait affirmé dans son témoignage qu'il s'agissait d'une propagande militaire pour stimuler les troupes, il a admis qu'il était au courant que des incidents de ce genre s'étaient produits.
  138. Bien que les pertes de vie, en particulier celles de civils innocents, devraient toujours être réduites au minimum, il est malheureusement quasi impossible d'éliminer les pertes civiles au cours d'un conflit armé. Les bouleversements provoqués par la guerre entraîneront toujours des dommages collatérauxNote 84. M. Massey a déclaré dans son témoignage qu'il est difficile pour les forces américaines de savoir comment faire la distinction entre des combattants ennemis et des civils non combattants. Il a ajouté que, pour protéger la vie et la sécurité du personnel militaire américain, leurs commandants leur avaient donné instructions de soupçonner tous les arabes d'être des combattants ennemis potentiels.
  139. Certes, je sympathise avec la situation de l'ancien sergent d'état-major Massey qui, tout naturellement, ne pouvait s'accommoder du fait que son peloton avait tué, en 48 heures, plus de 30 Iraquiens qui, selon son témoignage, étaient des civils innocents. Cependant, la plupart de ces personnes se trouvaient dans des véhicules qui ne s'étaient pas arrêtés à un poste de contrôle militaire, malgré les dispositifs de défense et les multiples avertissements prévus dans les instructions permanentes d'opération alors applicables. Il est manifeste que ces événements ont eu des répercussions psychologiques dévastatrices sur M. Massey.
  140. M. Massey a fait référence à un incident au cours duquel un véhicule contenant un jeune homme iraquien est entré dans la zone de sécurité rouge. Les membres de son peloton ont alors fait feu sur le véhicule. Malgré le fait que ce jeune homme soit sorti du véhicule les mains en l'air, les membres du peloton de M. Massey ont continué de tirer sur lui, entraînant sa mort. M. Massey est d'avis que, selon les instructions permanentes d'opération applicables et la Convention de GenèveNote 85, étant donné que le jeune homme s'était rendu, il aurait fallu qu'un membre du peloton mette ce jeune homme en détention et le traite comme prisonnier de guerre.
  141. J'ai demandé à consulter les instructions permanentes d'opération applicables. Le conseil du demandeur d'asile a indiqué qu'il tenterait de les obtenir, mais qu'il se pouvait qu'elles soient classifiées. Il n'a pas produit ces instructions avant le prononcé des présents motifs.
  142. M. Massey a indiqué que l'armée américaine avait adopté de nouvelles instructions permanentes d'opération à l'intention du personnel en Iraq, parce que les anciennes instructions ne fonctionnaient pas. Selon M. Massey, les nouvelles instructions permanentes d'opération confèrent aux militaires américains « tous les droits » de faire feu sur les véhicules et les personnes qui ne s'arrêtent pas aux points de contrôle, même s'il est établi par la suite qu'il s'agissait de civils.
  143. J'estime que les instructions permanentes d'opération existent, ce que M. Massey a confirmé dans son témoignage, selon lesquelles le personnel de l'armée américaine se trouvant à un point de contrôle affiche des avertissements en arabe, fasse signe aux conducteurs des véhicules de s'arrêter, d'abord en gesticulant des mains et des bras, puis verbalement et en lançant ensuite un coup de semonce en l'air avant d'ouvrir le feu sur les véhicules et leurs occupants.
  144. Comme M. Massey l'a indiqué dans son témoignage, les incidents qui ont donné lieu à des pertes civiles ont fait l'objet d'une enquête, et il a été établi qu'aucune accusation ne serait portée, par le biais d'une cour martiale, contre lui ou un autre membre de son peloton.
  145. M. Hinzman n'a pas produit suffisamment d'éléments de preuve pour établir que l'action militaire à laquelle il pourrait prendre part en Iraq serait condamnée par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires. Par conséquent, toute peine imposée à M. Hinzman en conséquence de sa désertion n'équivaut pas à de la persécution.

    Peine prévue pour la désertion : poursuites ou persécution

  146. M. Hinzman affirme qu'il craint d'être traduit en cour martiale pour désertion, d'être reconnu coupable et condamné à une peine d'emprisonnement, avant de faire l'objet d'une exclusion pour cause d'indignité. Il craint également d'être le stigmate social et craint les conséquences économiques découlant du fait qu'il soit reconnu coupable de désertion et qu'il fasse l'objet d'une exclusion pour cause d'indignité.
  147. Ayant estimé que M. Hinzman n'est pas un objecteur de conscience, que ce soit en raison de ses véritables convictions religieuses, politiques ou morales ou du fait de sa participation à une action militaire condamnée par la communauté internationale comme étant contraire aux règles de conduite les plus élémentaires, toute peine à laquelle il ferait face en raison de sa désertion ne constitue pas, en soi, de la persécution. M. Hinzman doit donc établir que la peine qu'il craint découlerait d'une application discriminatoire du droit en vertu du UCMJ ou qu'elle équivaudrait à un traitement ou peine cruel et inusité.
  148. Lorsqu'on lui a demandé son opinion sur ce qu'il lui arriverait s'il retournait aux États-Unis, M. Hinzman a répondu qu'il ferait l'objet de poursuites ou serait traduit en cour martiale et qu'il serait sûrement emprisonné pendant un à cinq ans, voire davantage. Il craint ce qui pourrait lui arriver en prison. M. Hinzman croit qu'il a « probablement heurté suffisamment les sensibilités militaires », ce qui donnerait lieu à un traitement différent que celui imposé aux autres déserteurs, s'il était renvoyé aux États-Unis.
  149. Le Guide reconnaît que la désertion est invariablement une infraction criminelle et que les peines, qui varient selon les pays, ne sont pas considérées comme une forme de persécution. La crainte des poursuites et du châtiment pour désertion ne constitue pas pour autant une crainte justifiée d'être victime de persécution au sens de la définition de réfugié au sens de la Convention.
  150. Le Guide prévoit qu'un déserteur peut être considéré comme un réfugié s'il peut démontrer qu'il se verrait infliger pour l'infraction militaire commise une peine d'une sévérité disproportionnée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques. Il en irait de même si l'intéressé peut démontrer qu'il craint avec raison d'être persécuté pour ces motifs, indépendamment de la peine encourue pour désertionNote 86.
  151. Tout pays a le droit de posséder et d'adopter des lois contribuant à un fonctionnement plus sécuritaire et plus fiable de la communauté nationale et de son gouvernement. En outre, tout État a le droit d'imposer des peines aux personnes qui enfreignent ses lois. L'esprit et l'application de ces lois doivent être neutresNote 87.
  152. Après examen de tous les éléments de preuve, j'estime que le traitement ou la peine que craint M. Hinzman consisterait à lui infliger une peine pour une infraction à une loi neutre qui ne viole pas les droits de la personne et n'établit pas une distinction défavorable pour un motif énuméré dans la Convention, que ce soit à première vue ou dans son application. Toute peine qui pourrait être imposée à M. Hinzman pour s'être absenté sans permission ou pour désertion relèverait des articles punitifs du UCMJ (articles 85 et 86), une loi d'application générale qui ne viole pas les droits de la personne, ni n'établit une distinction défavorable pour un motif énuméré dans la Convention, que ce soit à première vue ou dans son application.
  153. Le conseil du demandeur fait valoir que M. Hinzman risque d'être incarcéré pour une longue période s'il est reconnu coupable de l'une ou l'autre de ces infractions. Il souligne que les cas présentés dans la documentation permettent de supposer que la peine la plus probable serait plusieurs années d'emprisonnement. Il ajoute que chaque cas est unique et qu'il n'est pas impossible qu'une peine plus longue ou plus courte soit imposée. Il fait valoir qu'à moins que la Commission ne conclut que la durée de la peine imposée sera probablement minimale, le risque d'une telle incarcération justifie la crainte objective que M. Hinzman doit établir. Je ne suis pas d'accord. M. Hinzman n'a pas produit suffisamment de preuve pour établir qu'il serait traité différemment ou serait puni plus sévèrement, du fait de ses croyances religieuses ou de ses opinions politiques. De plus, il n'a pas établi que les articles punitifs du UCMJ équivalent à un traitement ou peine cruel et inusité. Ces articles constituent une sanction légitime qui ne contrevient pas aux normes internationales acceptables parce qu'elle ne représente pas une peine disproportionnée par rapport à l'infraction pour désertion et que la peine n'est pas excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine et de dépasser toutes les limites logiques du châtiment. Cette peine n'est pas exagérément disproportionnée par rapport à la gravité de l'infraction pour désertionNote 88.
  154. Je partage l'avis du conseil du demandeur d'asile, selon lequel chaque décision rendue par une cour martiale est unique, de même que la peine imposée. Toutefois, l'article 85 du Manual for Court-MartialNote 89 énonce, entre autres, la peine maximale applicable à différents aspects de cette infraction.

    [Traduction]

    Article 85e) - peine maximale :

    1. Désertion ou tentative de désertion dans l'intention d'éviter une tâche dangereuse ou de se dérober à un service important. Exclusion pour cause d'indignité, confiscation de la paie et des allocations et détention pendant cinq ans. (C'est moi qui souligne)
    2. Autres cas de désertion ou de tentative de désertion.

      1. Désertion ayant pris fin à la suite d'une arrestation. Exclusion pour cause d'indignité, confiscation de la paie et des allocations et détention pendant trois ans. (C'est moi qui souligne)
      2. Désertion ayant pris fin autrement. Exclusion pour cause d'indignité, confiscation de la paie et des allocations et détention pendant deux ans. (C'est moi qui souligne)
    3. En temps de guerre.Peine de mort ou autre peine infligée par une cour martiale. (C'est moi qui souligne)Note 90
  155. Le conseil du ministre a produit deux articlesNote 91 ainsi que huit décisions rendues par la Cour d'appel de l'armée américaine et la Court of Military ReviewNote 92, lesquelles portent sur des peines imposées à des militaires qui ont été traduits en cour martiale pour désertion.
  156. L'un des articlesNote 93, qui a été publié dans le journal Washington Post le 22 mai 2004, fait le récit de la peine imposée par la cour martiale à l'ancien sergent d'état-major, Camilio Mejia, vétéran qui a passé neuf ans dans l'armée et qui s'est caché à son retour d'Iraq de son unité de la Garde nationale de la Floride, pendant une permission de deux semaines en Floride, en octobre 2003.
  157. La demande de l'ancien sergent d'état-major Mejia en vue d'obtenir le statut d'objecteur de conscience n'avait pas été encore entendue. Il a soutenu que son séjour en Iraq lui avait fait prendre conscience qu'il s'opposait à toutes les guerres et a qualifié le conflit en Iraq de conflit « centré sur des enjeux pétroliers ». M. Mejia s'est rendu aux autorités à la suite d'une conférence de presse au cours de laquelle, selon l'article, il a pris la position inhabituelle de critiquer publiquement ses commandants, affirmant qu'ils mettaient inutilement les soldats en danger.
  158. M. Mejia a été reconnu coupable de désertion par une cour martiale à Fort Stewart, en Géorgie, le 21 mai 2004, et a été condamné à un an d'emprisonnement, à une démobilisation pour mauvaise conduite et à une rétrogradation. Dans cet article, son avocat est cité comme ayant affirmé son intention d'en appeler devant la Cour d'appel de l'armée américaine.
  159. L'article indique que, selon l'armée, 1 076 soldats ont déserté leurs unités entre octobre 2003 et mars 2004, ce qui représente un nombre moins élevé qu'à la même période de l'année précédente.
  160. Aucune autre décision rendue par une cour martiale n'a été portée à mon attention en ce qui concerne les membres des forces armées américaines qui ont désertés pendant le conflit en Iraq.
  161. Dans une décision de la Cour des appels criminels de la US Air Force, rendue le 31 octobre 2001Note 94, la Cour a confirmé une sentence d'exclusion pour cause d'indignité, de détention de 12 mois et de réprimande à l'endroit de l'appelant. Il avait déserté aux Philippines, où il est né, après être comparu devant une cour martiale générale pour avoir volé des biens de l'armée. Au cours des 18 années pendant lesquelles cet aviateur a été déserteur, il a obtenu un diplôme de niveau collégial, s'est marié, a eu des enfants et a réussi en tant que fonctionnaire dans sa province natale.
  162. Dans une décision de cette même Cour, rendue le 12 septembre 2000Note 95, une sentence d'exclusion pour cause d'indignité et de détention de deux ans a été confirmée dans une cause où l'appelant avait déserté seulement un mois après avoir été reconnu coupable de deux infractions graves.
  163. Dans l'affaire KrotovNote 96, une décision de la Cour d'appel civile du Royaume-Uni, dont il est fait mention plus tôt dans les présents motifs, la Cour a fait référence à cette partie de la décision du tribunal d'appel de l'immigration qui portait sur la question de savoir si la peine imposée à l'appelant, citoyen de la Fédération Russe, pour avoir refusé de faire le service militaire actif à Chechnya, pouvait être considérée comme étant disproportionnellement sévère et équivalant à de la persécution. La Cour a partagé le point de vue exprimé par le tribunal, à savoir qu'une période d'emprisonnement importante (dans un cas, entre deux et dix ans et dans l'autre, entre trois et sept ans) ne pouvait pas être considérée, en soi, comme étant disproportionnée pour avoir refusé le service militaire actif.
  164. J'estime qu'il existe moins qu'une simple possibilité que M. Hinzman, s'il devait être traduit en cour martiale, soit condamné à la peine de mort. Même si l'opération militaire américaine en Iraq est considérée par l'armée comme étant une guerre, la dernière fois qu'un soldat américain a été condamné à la peine de mort pour désertion remonte à la Seconde Guerre mondiale, c'est-à-dire à l'exécution du soldat Eddie Slovik en janvier 1945 par un peloton de sa propre unité.
  165. Le conseil des demandeurs d'asile reconnaît, dans sa réponse aux observations du ministre, que ces derniers ne se sont pas acquittés du fardeau d'établir que le risque d'une peine de mort pour désertion, dans le cas de M. Hinzman, est plus probable qu'improbableNote 97.
  166. J'estime que, selon la prépondérance des probabilités, si M. Hinzman devait retourner aux États-Unis, il serait traduit en cour martiale, qu'il serait reconnu coupable d'avoir enfreint l'article portant sur la désertion, qu'il recevrait une peine d'emprisonnement de un à cinq ans, qu'on lui confisquerait sa paie et qu'il serait exclus pour cause d'indignité.
  167. J'estime que M. Hinzman n'a pas établi qu'une peine d'emprisonnement de un à cinq ans pour désertion équivaudrait à de la persécution. Dans l'affaire UstaNote 98, la Cour a estimé que, lorsqu'un demandeur est puni parce qu'il a refusé de servir dans l'armée et non en raison de ses croyances, cette peine n'équivaut pas à de la persécution, dans la mesure où la loi n'est pas discriminatoire et constitue une loi d'application générale selon les quatre principes énoncés dans l'affaire Zolfagharkhani. M. Hinzman n'a pas non plus établi que sa peine pour désertion serait disproportionnellement sévère et équivaudrait à un traitement ou peine cruel et inusité.
  168. Outre mes conclusions antérieures en ce qui a trait à la protection de l'État, il importe aussi de souligner que, si M. Hinzman devait être traduit en cour martiale, il aurait le droit de faire contrôler la décision et la peine de la cour martiale par la Court of Military Review de l'armée américaine, dont la décision pourrait aussi faire l'objet d'un appel devant la Cour des appels criminels de l'armée américaine. Un appel de cette décision pourrait en outre être interjeté devant la Cour d'appel des Forces armées américaines, et sur ordonnance de certiorariNote 99, devant la Cour suprême des États-Unis.
  169. M. Hinzman allègue également qu'il sera victime de discrimination et de persécution s'il est reconnu coupable de désertion par une cour martiale, qu'il subira une peine d'emprisonnement et qu'il sera exclus pour cause d'indignité. Les conséquences d'une exclusion pour cause d'indignité sont en général les suivantes : confiscation des prestations fédérales pour études et des prêts à l'habitation fédéraux et impossibilité d'obtenir un emploi au gouvernement fédéral. Il peut être plus difficile de décrocher un emploi auprès de certains employeurs et d'être socialement accepté par les Américains qui sont en faveur de l'action militaire en Iraq et qui estiment qu'il est obligatoire de faire son service militaireNote 100. Même si M. Hinzman risque d'être victime de discrimination dans la société ou sur le marché du travail, celle-ci n'équivaut pas à de la persécution, en ce sens que la discrimination n'entraîne pas de conséquences gravement préjudiciablesNote 101. J'estime qu'il ne s'agit pas d'une discrimination cumulative équivalant à de la persécution ou à un traitement ou peine cruel et inusité. Ce traitement n'équivaut pas à une violation d'un droit humain fondamental et il ne s'agit pas d'un préjudice grave.

    DEMANDES D'ASILE DE NGA NGUYEN ET DE LIAM HINZMAN

  170. Les demandes d'asile de la femme et du fils de M. Hinzman sont fondées sur leur appartenance à un groupe social, soit la famille immédiate de M. Hinzman. Les demandeurs adultes n'ont produit aucune preuve démontrant que Nga Thi Nguyen ou Liam Liem Nguyen Hinzman feraient face à une possibilité sérieuse de persécution ou à un autre préjudice grave, du fait qu'ils appartiennent à la famille de M. Hinzman, même si ce dernier devait recevoir une peine d'emprisonnement pour désertion. Leurs demandes d'asile reposent sur la preuve de M. Hinzman et ont été présentées conjointement. Étant donné que M. Hinzman n'a pas réussi à établir le bien-fondé de sa demande d'asile, il en va de même de leurs demandes d'asile.

    CONCLUSION

  171. Compte tenu de l'analyse précitée, ces demandes d'asile sont rejetées.

Signé par : Brian Goodman

Fait à Toronto le 16 mars 2005

Notes

Note 1

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

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Note 2

Pièce C-1, Formulaire de renseignements personnels (FRP), numéro d'identification 5359-5558.

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Note 3

La Charte des Nations Unies a été signée le 26 juin 1945, à San Francisco, à la conclusion de la Conférence des Nations Unies sur l'organisation internationale, et est entrée en vigueur le 24 octobre 1945. Le Statut de la Cour internationale de Justice fait partie intégrante de la Charte.

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Note 4

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Bureau du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, chap. V B, par. 171.

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Note 5

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

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Note 6

Pièce C-7, document d'enrôlement/de réenrôlement.

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Note 7

Pièce C-7, document d'enrôlement/de réenrôlement.

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Note 8

Pièce C-7, document d'enrôlement/de réenrôlement.

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Note 9

Machisme : comportement de macho; source : WordNet ® 2.0, © 2003 Princeton University.

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Note 10

Pièce C-4, article 15, p. 116 à 125.

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Note 11

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43.

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Note 12

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, chap. 2-2(e), p. 6.

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Note 13

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, chap. 2-2(e), p. 6.

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Note 14

Pièce C-4, résumé d'audience, onglet 16, p. 126 à 128.

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Note 15

Pièce C-4, résumé d'audience, onglet 16, p. 127.

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Note 16

Pièce C-4, résumé d'audience, onglet 17.

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Note 17

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, annexe D, p. 18.

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Note 18

Pièce R/A-1, formulaire CIC Etobicoke In-Person Refugee Intake Record of Examination, E. renseignements sur la demande d'asile, p. 9.

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Note 19

Pièce C-8, article 2, lettre de Anne Mitchell, cogreffière de la rencontre mensuelle de la Société religieuse des Amis (Quakers) à Toronto, datée du 6 décembre 2004.

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Note 20

Pièces jointes aux pièces C-1, C-2 et C-3, Formulaires de renseignements personnels (FRP) des demandeurs d'asile.

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Note 21

Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 103 D.L.R. (4th) , 1, 20 Imm. L.R. (2d) 85, p. 709.

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Note 22

Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 103 D.L.R. (4th) , 1, 20 Imm. L.R. (2d) 85, p. 725-726.

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Note 23

Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 103 D.L.R. (4th) , 1, 20 Imm. L.R. (2d) 85, p. 724.

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Note 24

Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Kadenko (1996), 143 D.L.R. (4th) 532 (C.A.F.).

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Note 25

Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Satiacum (1989), 99 N.R. 171 (C.A.F.).

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Note 26

Extraits inclus à la pièce M-5, onglets 1 à 4.

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Note 27

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, p. 1 à 22.

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Note 28

Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993], 3 C.F. 540; (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.), p. 552.

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Note 29

Tuck, Steven William c.M.C.I. (C.F., IMM-2196-04), Heneghan, 27 janvier 2005, 2005 CF 138.

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Note 30

Tuck, Steven William c.M.C.I. (C.F., IMM-2196-04), Heneghan, 27 janvier 2005, 2005 CF 138, p. 140.

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Note 31

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, p. 5.

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Note 32

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, p. 5.

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Note 33

Gillette v. United States , 401 US 437 (1971).

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Note 34

The Military Selective Service Act, appelé à l'origine le Selective Service Act of 1948, renommé le Universal Military Training and Service Act, par loi le 19 juin 1951.

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Note 35

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, annexe D : Informal Guide for the Investigating Officer, D4, p. 18.

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Note 36

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, chapitre V, Cas particuliers, partie B « Déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience », p. 44, par. 170, et par. 167 à 174.

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Note 37

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, chapitre V, Cas particuliers, partie B « Déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience », p. 44, par. 170.

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Note 38

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, chapitre V, Cas particuliers, partie B « Déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience », p. 44, par. 172.

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Note 39

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, chapitre V, Cas particuliers, partie B « Déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience », p. 44, par. 168.

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Note 40

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, chapitre V, Cas particuliers, partie B « Déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience », p. 45, par. 174.

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Note 41

Pièce C-1, Exposé circonstancié contenu dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP), p. 2.

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Note 42

Pièce C-1, Exposé circonstancié contenu dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP), p. 2.

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Note 43

Il a affirmé dans son témoignage qu'il n'était pas contre la guerre américaine en Afghanistan.

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Note 44

Pièce C-1, Exposé circonstancié contenu dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP), p. 2.

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Note 45

Pièce R/A-1.1, dossier d'examen - demandeur d'asile principal, p. 9.

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Note 46

Par exemple, voir la pièce R/A-2, p. 3 à 23, US Army Regulation 600-43; p. 78 et 79, article du Toronto Star, daté du 19 février 2004, p. 79 - [Traduction] « Il a déclaré qu'il avait l'impression que cette guerre était injuste et fondée sur des enjeux pétroliers. »; p. 101 à 105, http://www.JeremyHinzman.net, par. 101, p. 102, pour la réponse de M. Hinzman à la question : [Traduction] « Quel est le fondement de votre opposition à cette guerre ? ».

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Note 47

Ciric c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 65 (1re inst.); (1993), 23 Imm. L.R. (2d) 210 (C.F. 1re inst.).

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Note 48

Ciric c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] 2 C.F. 65 (1re inst.); (1993), 23 Imm. L.R. (2d) 210 (C.F. 1re inst.), par. 17.

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Note 49

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, p. 7 et 8.

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Note 50

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, p. 8.

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Note 51

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, p. 9, chap. 2.9, « Second and Later Applications ».

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Note 52

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, glossaire, article II, « Terms », p. 20.

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Note 53

Pièce R/A-2, US Army Regulation 600-43, p. 6, chap. 2.1, « Application ».

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Note 54

Pièce R/A-2, p. 80 et 81, Fayetteville en ligne, 19 février 2004, p. 81, [Traduction] « Si nous avions, disons, déclaré la guerre à la Corée du Nord ou à un autre pays représentant une menace imminente, j'aurais suivi. Je me suis enrôlé pour défendre mon pays, et non pas une quelconque idéologie politique. ».

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Note 55

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, par. 171.

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Note 56

Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, adoptée le 12 août 1949 par la conférence diplomatique pour l'établissement de conventions internationales sur le protection des victimes de guerre, tenue à Genève du 21 avril au 12 août 1949, entrée en vigueur le 21 octobre 1950.

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Note 57

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, par. 171.

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Note 58

Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993], 3 C.F. 540; (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.); j'ai traité cette cause aux pages 20 à 23 de mes motifs de décision interlocutoire datés du 12 novembre 2004.

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Note 59

Signée à Washington, à Londres et à Moscou le 10 avril 1972; ratification recommandée par le Sénat américain le 16 décembre 1974; ratification par le président des États-Unis le 22 janvier 1975; ratification des États-Unis déposée à Washington, à Londres et à Moscou le 26 mars 1975; promulgation par le président des États-Unis le 26 mars 1975; entrée en vigueur le 26 mars 1975 (source : U.S. State Department).

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Note 60

Obiter dictum (prononciation : 'O-bi-ter-'dik-tum), nom. Étymologie : ancien latin qui signifie incidemment, c'est-à-dire une remarque accessoire et collatérale qui est formulée par un juge, mais qui n'a pas de valeur légale contraignante.

Traduction d'une définition tirée de l'ouvrage suivant : The American Heritage® Dictionary of the English Language, Fourth Edition Copyright © 2000 by Houghton Mifflin Company.Published by Houghton Mifflin Company. All rights reserved.

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Note 61

Ramirez c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] 2 C.F. 306 (C.A.).

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Note 62

Par conséquent, on peut être guidé, en partie, par la signification des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, lorsqu'il s'agit d'évaluer si l'action militaire est contraire aux règles de conduite les plus élémentaires.

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Note 63

Selon le paragraphe F de l'article 1, les dispositions de cette Convention ne seront pas applicables aux personnes dont on aura des raisons sérieuses de penser : a) qu'elles ont commis un crime contre la paix, un crime de guerre ou un crime contre l'humanité, au sens des instruments internationaux élaborés pour prévoir des dispositions relatives à ces crimes.

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Note 64

Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

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Note 65

Krotov v. Secretary of State for the Home Department [2004] EWCACiv. 69. J'ai aussi traité de cette décision aux pages 27 à 31 de mes motifs de décision interlocutoire datés du 12 novembre 2004.

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Note 66

Yasin Sepet & Erdem Bulbul v. Secretary of State for the Home Department [2001] EWCACiv. 681.

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Note 67

B v. Secretary of State for the Home Department [2003] UKIAT 20.

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Note 68

Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, adoptée le 12 août 1949 par la conférence diplomatique pour l'établissement de conventions internationales sur le protection des victimes de guerre, tenue à Genève, du 21 avril au 12 août 1949, entrée en vigueur le 21 octobre 1950.

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Note 69

Krotov v. Secretary of State for the Home Department [2004] EWCACiv. 69, p. 11

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Note 70

Krotov v. Secretary of State for the Home Department [2004] EWCACiv. 69, p. 13.

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Note 71

Krotov v. Secretary of State for the Home Department [2004] EWCACiv. 69, p. 13 et 14.

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Note 72

Krotov v. Secretary of State for the Home Department [2004] EWCACiv. 69, p. 16.

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Note 73

Convention européenne des droits de l'homme, Rome, 4 novembre 1950, et ses cinq protocoles : Paris, 20 mars 1952; Strasbourg, 6 mai 1963; Strasbourg, 6 mai 1963; Strasbourg, 16 septembre 1963; Strasbourg, 20 janvier 1966.

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Note 74

em>Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

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Note 75

Pièce C-4, partie 1, onglet 2, « US Army Report on Iraqi Prisoner Abuse » (the "Taguba Report")./p>

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Note 76

Popov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 24 Imm. L.R. (2d) 242 (C.F. 1re inst.).

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Note 77

Popov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 24 Imm. L.R. (2d) 242 (C.F. 1re inst.), p. 493.

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Note 78

Pièce C-4, Rapport du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) sur le traitement réservé par les forces de la Coalition aux prisonniers de guerre et autres personnes protégées par les Conventions de Genève en Iraq durant l'arrestation, l'internement et l'interrogatoire.

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Note 79

Pièce C-10, Hearts and Minds: Post-War Civilian Deaths in Baghdad Caused by US Forces ; Human Rights Watch, vol. 15, no 9(E).

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Note 80

Pièce C-11, Human Rights Watch Report, vol. 15, no 7(E) Violent Response: the US Army in Al-Falluja.

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Note 81

Pièce C-11, Human Rights Watch Report, vol. 15, no 7(E), Violent Response : the US Army in al-Falluja; Résumé, p. 3 à 6.

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Note 82

Pièce C-11, rapport de Human Rights Watch, vol. 15, no 7(E), juin 2003, Violent Response : the US Army in al-Falluja. Ce rapport fait état de deux incidents violents, survenus le 28 et le 30 avril 2003 et impliquant des soldats de la 82e division Airborne.

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Note 83

L'ancien sergent d'état-major Massey a fait référence, dans son témoignage, au récit d'un journaliste avec lequel il est totalement en désaccord.

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Note 84

Dommages collatéraux : n : (euphémisme) pertes et destruction infligées par erreur à des civils au cours d'opérations militaires.

Source : WordNet ® 2.0, © 2003 Princeton University.

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Note 85

Convention de Genève relative au traitement des prisonniers de guerre, adoptée le 12 août 1949 par la conférence diplomatique pour l'établissement de conventions internationales sur le protection des victimes de guerre, tenue à Genève du 21 avril au 12 août 1949, entrée en vigueurle 21 octobre 1950.

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Note 86

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Genève, 1992, chapitre V, Cas particuliers, partie B « Déserteurs, insoumis, objecteurs de conscience », p. 44, par. 169.

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Note 87

Zolfagharkhani c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) [1993], 3 C.F. 540; (1993), 20 Imm. L.R. (2d) 1 (C.A.).

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Note 88

R c. Smith [1987] 1 R.C.S. 1045.

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Note 89

Pièce M-5, onglet 2, Part IV.

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Note 90

Pièce M-5, onglet 2, p. 26.

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Note 91

Pièce M-5, onglets 11 et 12.

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Note 92

Pièce M-5, onglets 13 à 20.

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Note 93

Pièce M-5, onglet 12.

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Note 94

Pièce M-5, onglet 13.

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Note 95

Pièce M-5, onglet 14.

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Note 96

Krotov v. Secretary of State for the Home Department [2004] EWCACiv. 69. J'ai traité de cette cause aux pages 27 à 31 de mes motifs de décision interlocutoire datés du 12 novembre 2004.

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Note 97

Réponse du demandeur d'asile, datée du 28 février 2005, par. 18.

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Note 98

Usta, Arif c.M.C.I. (C.F., IMM-50-04), Phelan, 28 octobre 2004, 2004 CF 1525.

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Note 99

Certiorari : ordonnance d'une cour supérieure enjoignant un tribunal inférieur de lui communiquer une transcription des procédures aux fins d'examen.

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Note 100

Pièce M-5, onglet 6, US Army Research Institute Special Report 51, août 2002, What We Know About AWOL and Desertion, p. 74 et 80.

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Note 101

Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, réimprimé, Genève, 1992, par. 54.

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