Directives numéro 3 du président : Procédures concernant les mineurs qui comparaissent devant la CISR

​​​​​​​​​​​​​Date d’entrée en vigueur : 31​ octo​bre 2023

Directives données par le président en application de l’alinéa 159(1)h)
​de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés


Table des matières​​

1. Objet

1.1 Les présentes Directives visent à favoriser la cohérence et l'équité des procédures et du processus décisionnel lorsque des mineurs comparaissent devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR).

1.2 Dans le contexte des présentes Directives, le terme « mineur » s'applique à toute personne âgée de moins de 18 ans. Les termes « enfant » ou « enfants » que l'on retrouve dans les documents de références ont été conservés.

1.3 Les Directives fournissent des orientations quant aux considérations procédurales et de fondNote de bas de page 1 qui seront évaluées lors du traitement de cas impliquant des mineurs. En voici quelques exemples :

  • définition et application du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant;
  • représentants désignés (RD);
  • considérations procédurales;
  • questions relatives à la preuve;
  • directives propres à chaque section.

1.4 Les présentes Directives aident le personnel de soutien au processus décisionnel et les commissaires à s'acquitter de leurs obligations de tenir des audiences équitables et de rendre des décisions bien motivées. Elles ne modifient pas les exigences juridiques prévues par la loi ni les principes établis par la jurisprudence. La norme de preuve qui s'applique à toute procédure et les critères juridiques demeurent les mêmes.

1.5 Les présentes Directives reconnaissent le principe selon lequel les mineurs ont les mêmes droits de la personne que les adultes et ont des droits et des besoins en matière de procédures particuliers lorsqu'ils participent à des procédures devant la CISR. Les Directives décrivent également comment la situation particulière d'un mineur peut influer sur la prise de décision.

2. Champs d'application

2.1 Les présentes Directives remplacent les Directives numéro 3 du président intitulées Les enfants qui revendiquent le statut de réfugié (30 septembre 1996).

2.2 Les présentes Directives s'appliquent aux affaires dont sont saisies les quatre sections de la CISR :

  • la Section de la protection des réfugiés (SPR);
  • la Section d'appel des réfugiés (SAR);
  • la Section de l'immigration (SI);
  • la Section d'appel de l'immigration (SAI).

2.3 Les commissaires et les autres membres du personnel de soutien au processus décisionnel de la CISR devraient appliquer les présentes Directives au traitement et au règlement des cas concernant des mineurs.

2.4 La définition d'un terme figurant dans les présentes Directives est donnée après sa première occurrence dans le corps du texte, ou sinon dans sa note de bas de page.

3. Contexte

3.1 Les présentes Directives actualisent les Directives de 1996 en tenant compte de l'évolution de la jurisprudence, des modifications législatives ainsi que des dernières recherches sur les procédures judiciaires impliquant les mineurs.

3.2 La communauté internationale reconnaît que les mineurs ont des besoins différents de ceux des adultes dans le cadre de procédures judiciaires. La Convention relative aux droits de l'enfant des Nations Unies (CDE)Note de bas de page 2 ​reconnaît qu'il est important qu'un gouvernement prenne des mesures pour s'assurer que les autorités administratives ou les organes législatifs fassent de l'intérêt supérieur de l'enfant une considération primordiale dans le cadre de toute intervention concernant un mineur.

3.3 Il existe trois principales catégories de mineurs qui comparaissent devant la CISRNote de bas de page 3. Ces catégories sont mentionnées tout au long des présentes Directives afin de mettre en lumière des considérations uniques relatives à la procédure et à la preuve.

  • Mineur accompagné : mineur qui arrive au Canada en même temps qu'au moins un de ses parents ou tuteurs légaux, ou qui rejoint au moins l'un de ses parents ou tuteurs légaux au Canada.
  • Mineur séparéNote de bas de page 4 : mineur qui est séparé de ses parents ou de ses tuteurs légaux, mais pas nécessairement d'autres adultes de sa famille ayant pris en charge les soins du mineurNote de bas de page 5.
  • Mineur non accompagné : mineur au Canada qui n'est accompagné ni de ses parents ni de toute autre personne prétendant être soit un membre de sa famille ayant pris en charge les soins du mineur ou un tuteur légal.

3.4 Pour l'application des présentes Directives, les mineurs séparés et les mineurs non accompagnés ont droit aux mêmes considérations procédurales recommandées (voir la section 6.6).

3.5 Il est possible que certains mineurs se trouvent dans des situations qui ne font pas partie des catégories énumérées précédemment ou qui, en raison d'un changement de circonstances, passent d'une catégorie à une autre. Pour cette raison, ces catégories devraient être considérées avec flexibilité et devraient être appliquées en tenant compte de l'intérêt supérieur du mineur.

Partie 1 – Principes applicables à toutes les procédures

4. Intérêt supérieur de l'enfant

4.1 Introduction

4.1.1 Au moment de déterminer la procédure à suivre dans un cas concernant un mineur, l'intérêt supérieur de l'enfant devrait être une considération primordiale pour la CISR lors de chacune de ses interactions avec ce mineur.

4.2 Définition

4.2.1 Le terme « intérêt supérieur de l'enfant » est utilisé pour reconnaître que les mineurs ont besoin de garanties procédurales et de soins spéciaux et qu'une attention particulière doit être accordée à leurs intérêts, à leurs besoins et à leurs droits. L'intérêt supérieur de l'enfant est reconnu par la communauté internationale comme un droit fondamental des mineursNote de bas de page 6.

4.2.2 Comme le terme « intérêt supérieur de l'enfant » a un sens large, son interprétation dépend des circonstances de chaque cas. Le droit que possède un mineur à ce que son intérêt supérieur constitue une priorité doit donc être appliqué en tenant compte de son âge, de ses capacités, de ses besoins et de son degré de maturitéNote de bas de page 7. Il s'agit de décider de l'environnement qui, dans les circonstances, paraît le plus propice à l'obtention des soins et de l'attention dont chaque mineur a besoin dans ses rapports avec la CISRNote de bas de page 8.

4.2.3 Les commissaires doivent examiner chaque cas auquel un mineur prend part en utilisant une approche intersectionnelleNote de bas de page 9 qui prend en considération la manière dont de multiples facteurs identitaires peuvent interagir et avoir une incidence sur les intérêts du mineur. Ces facteurs identitaires peuvent comprendre, entre autres, l'âge, la race, la religion, le genre, la scolarité et le degré d'alphabétisation, le contexte culturel et familial, l'identité autochtone, les expériences traumatisantes, le niveau de maturité, l'origine ethnique, le handicap, l'orientation et les caractères sexuels, l'identité et l'expression de genreNote de bas de page 10 (OCSIEG), et tout autre facteur qui pourrait avoir une incidence sur l'application de l'intérêt supérieur de l'enfant.

4.3 Application procédurale de l'intérêt supérieur de l'enfant à toutes les affaires concernant des mineurs

4.3.1 L'intérêt supérieur de l'enfant s'applique à toutes les considérations procédurales lorsqu'un mineur participe à une affaire à la CISR, qu'il soit accompagné, séparé ou non accompagnéNote de bas de page 11.

4.3.2 Dans le cadre des procédures devant la SI et la SAI, l'intérêt supérieur de l'enfant est également une considération de fond dans la prise de décision. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez consulter la Partie 2 - Directives propres à chaque section.

5. Représentants désignés

5.1 Introduction

5.1.1 La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR) exige que les personnes âgées de moins de 18 ans ou qui ne sont pas en mesure de comprendre la nature des procédures aient un RDNote de bas de page 12. Un représentant doit être désigné le plus tôt possibleNote de bas de page 13. Un RD peut être un parent, un membre de la famille, un tuteur légal, un ami ou une personne nommée par la CISR dans le cadre d'un contrat (RD contractuel). Si le mineur est accompagné de son ou de ses parents ou de son ou de ses tuteurs légaux, l'un de ces individus sera nommé à titre de RD, sous réserve des exigences énoncées aux sections 5.2 et 5.3 des présentes Directives et des règles respectives de chaque Section. Dans le cas des mineurs séparés ou des mineurs non accompagnés, la section nomme un RD approprié en prenant en considération les circonstances particulières de l'affaire.

5.1.2 Cette désignation s'applique à tous les aspects des procédures, notamment à recueillir la preuve, à la préparation pour l'audience, à comparaitre à l'audience et à faire appel d'une décision, le cas échéant.

5.1.3 En plus du RD, le mineur a le droit d'être représenté par un avocat ou un autre conseilNote de bas de page 14. Le RD ne joue pas le même rôle que le conseil. Le RD est responsable de décider s'il y a lieu de retenir les services d'un conseil et, le cas échéant, lui donner des instructions, ou aider le mineur à donner des instructions au conseil. Le conseil fournit des conseils quant à la présentation de l'affaire et représente le mineur à l'audience. Dans l'intérêt supérieur du mineur, le RD et le conseil devraient collaborerNote de bas de page 15.

5.2 Exigences

5.2.1 Un RD​ doitNote de bas de page 16 :

  • être âgé de 18 ans ou plus;
  • comprendre la nature de la procédure;
  • être disposé et apte à agir dans l'intérêt supérieur du mineur;
  • ne pas avoir d'intérêts qui entrent en conflit avec ceux du mineur;

​De plus, le RD doit :

  • respecter le Guide du représentant désigné (Guide du RD);
  • pour les DR contractuels, respecter le Code de conduite pour les représentant désignés.

5.2.2 Avant de désigner une personne comme RD d'un mineur, cette personne doit confirmer qu'elle comprend les responsabilités d'un RD et qu'elle peut les assumer.

5.3 Rôle et responsabilités

5.3.1 Le rôle du RD est de s'assurer que les intérêts d'un mineur soient favorisés et protégés dans le cadre des procédures à la CISR. Le rôle et les responsabilités des RD se trouvent dans le Guide du représentant désignéNote de bas de page 17 et dans certaines des règles des SectionsNote de bas de page 18.

5.4 Mineur atteignant l'âge de 18 ans

5.4.1 Lorsqu'une personne en cause atteint l'âge de 18 ans, le commissaire ne peut poursuivre la désignation du représentant que s'il estime que la personne en cause n'est pas en mesure de comprendre la nature de la procédure. Autrement, la désignation prend finNote de bas de page 19.

5.4.2 Les commissaires devraient prévoir et planifier les cas où la désignation prendra fin parce que la personne en cause ne sera plus mineure avant la conclusion des procédures. Les commissaires devraient consulter le mineur, son conseil et le RD pour s'assurer que le mineur sera en mesure de poursuivre adéquatement les procédures lorsque la désignation du RD prendra fin. Par exemple, le RD pourrait expliquer au mineur le déroulement anticipé des procédures, préparer le cas le plus possible avant la fin de la désignation ou se présenter comme témoin à une audience ultérieure.

5.5 Mettre fin à la désignation du représentant

5.5.0.1 Il peut arriver que le RD cesse d'être un représentant approprié pour le mineur. Les situations les plus courantes sont lorsqu'il y a des problèmes de compétence en lien avec le RD ou lorsque le RD a un conflit d'intérêt avec le mineur. Dans ce genre de situations, un nouveau RD devrait être nommé.

5.5.1 Problèmes de compétence

5.5.1.1 Des problèmes de compétence peuvent survenir lorsque le RD ne fait pas valoir adéquatement les intérêts du mineur. Par exemple, lorsque le RD ne peut ou ne veut pas se rendre disponible pour rencontrer le mineur afin de se préparer pour une procédure. Des problèmes relatifs à la compétence peuvent également être soulevés par le mineur ou le conseil. Dans ces situations, les commissaires peuvent mettre fin à la désignation et désigner un autre représentant. Généralement, quand il y a des préoccupations liées à la compétence du RD, le commissaire devrait tenter de clarifier les problèmes auprès de celui-ci, du conseil et du mineur (s'il est en mesure de donner son avis) avant de mettre fin à la désignation.

5.5.2 Conflit d'intérêts ou incapacité d'agir dans l'intérêt supérieur du mineur

5.5.2.1 Le commissaire doit remplacer le RD en cas de conflit d'intérêts entre le RD et le mineur ou si le RD n'est pas en mesure d'agir dans l'intérêt supérieur du mineurNote de bas de page 20. À titre d'exemple, si des éléments de preuve démontrent que le mineur a été victime de violence de la part d'un parent qui agit à titre de RD ou si les croyances du parentNote de bas de page 21 causent un préjudice au mineur, celui-ci ne satisfait plus aux exigences du rôle de RD.

5.5.2.2 Dans le cas où un conflit d'intérêts survient entre un mineur et son RD qui est également une co-partie aux procédures, le commissaire devrait envisager de séparer les procédures en plus de désigner un nouveau RD. La séparation des procédures pourrait être appropriée lorsque, par exemple, des éléments de preuve démontrent que le mineur a subi de la violence physique ou émotionnelle de la part du RD; ou lorsque des aspects du cas du mineur devraient rester confidentiels, comme lorsque les OCSIEG doivent être pris en considération. Voir la section 6.4.1 pour plus d'information.

6. Traitement des cas concernant des mineurs qui comparaissent devant la CISR

6.1 Introduction

6.1.1 L'intérêt supérieur de l'enfant devrait être appliqué à chaque étape du processus lorsqu'un mineur est concerné par une procédure de la CISR. Au moment de déterminer la bonne marche à suivre dans un cas concernant un mineur, le personnel de soutien au processus décisionnel et les commissaires devraient se demander : Quelle procédure est dans l'intérêt supérieur de ce mineur?

6.1.2 L'application de l'intérêt supérieur de l'enfant au processus consiste également à adopter des comportements adaptés aux enfants. Par exemple, la communication avec un mineur devrait être empreinte de sensibilité et devrait lui permettre d'échanger et de poser des questions. Veuillez consulter la section 7 pour en savoir davantage.

6.1.3 Le personnel de soutien au processus décisionnel et les commissaires devraient également reconnaître que les intérêts d'un mineur peuvent changer ou évoluer durant les procédures; par conséquent, il peut être nécessaire d'adapter le processus afin de répondre à ces nouveaux besoins. Le conseil et le RD devraient être impliqués afin de s'assurer que les besoins du mineur sont connus et d'établir la meilleure façon de répondre à ces besoins.

6.2 Préoccupations relatives à la sécurité d'un mineur

6.2.1 Le personnel de soutien au processus décisionnel et les commissaires devraient être à l'affût d'indices qui pourraient signaler qu'un mineur est exposé à un risque comme ceux d'être victime d'enlèvement, de traite, de maltraitance ou de préjudice au Canada. De tels indices peuvent figurer dans le formulaire Fondement de la demande d'asile, les éléments de preuve déposés, les renseignements non sollicités, les renseignements fournis par le conseil ou le RD ou les déclarations faites à une audience.

6.2.2 Si le personnel de soutien au processus décisionnel ou les commissaires soupçonnent qu'un enfant puisse être exposé à un risque au Canada, ils devraient suivre les politiques internes établies pour cette situation. Lorsqu'il y a une possibilité qu'un mineur soit exposé à un risque, par exemple, lorsqu'il y a des raisons de croire que le mineur fait l'objet d'un enlèvement ou de trafic, les commissaires devraient également envisager de prendre des précautions accrues en matière de procédure et de sécurité.

Par exemple :

  • en ordonnant que l'audience soit tenue en personne afin de s'assurer que personne ne fasse pression sur le mineur pour que celui-ci témoigne d'une certaine manière et qu'aucune personne non autorisée ne soit présente à l'audience;
  • en rendant une ordonnance de confidentialité pour s'assurer que l'affaire se tienne à huis clos ou qu'elle le demeure;
  • en nommant comme RD une tierce partie n'ayant aucun lien familial avec le mineur;
  • en tenant des conférences avec le conseil pour que les parties discutent des préoccupations.

6.3 Présence pendant l'audience

6.3.1 Un mineur peut être dispensé de sa présence à l'audience lorsque les circonstances sont appropriées. L'intérêt du mineur doit être protégé lorsqu'il est dispensé de sa présence à l'audience, notamment en s'assurant qu'un RD remplit son rôle et s'acquitte de ses responsabilités.

6.3.2 Dans tous les cas, le commissaire a le pouvoir discrétionnaire d'exiger qu'un mineur soit présent à l'audience. Voici une liste non exhaustive de considérations qui devraient être examinées pour établir si un mineur devrait être tenu d'assister à l'audience :

  • la capacité du mineur à fournir des éléments de preuve;
  • le désir exprimé par le mineur d'être présent à l'audience;
  • des questions concernant l'identité du mineur qui pourraient nécessiter sa présence;
  • la question de savoir si le cas du mineur se distingue de celui de ses parents sur le plan factuel;
  • s'il y a des questions concernant la relation d'un parent avec le mineur;
  • les préoccupations quant à la possibilité que le mineur soit victime d'un enlèvement ou de la traite de personnes;
  • la question de savoir si le témoignage du mineur est nécessaire pour trancher les questions en litige;
  • toute autre question que le commissaire juge pertinente et qui nécessite la présence du mineur à l'audience.

6.3.3 Lorsque la présence d'un mineur est nécessaire, les commissaires doivent être attentifs aux besoins du mineur et envisager la mise en place de mesures d'adaptation d'ordre procédural. Veuillez consulter la section 6.6 pour connaître les directives concernant les mesures d'adaptation d'ordre procédural.

6.4 Affaires concernant des mineurs accompagnés

6.4.0.1 Les mineurs accompagnés ont un droit distinct à ce que leurs intérêts soient pris en considération. Ceux-ci doivent être pris en compte tout au long du processus.

6.4.1 Séparation des procédures

6.4.1.1 Dans certains cas, il est possible que les membres de la famille souhaitent témoigner en l'absence d'autres parties. Par exemple, un mineur peut ne pas être à l'aise de témoigner sur ses OCSIEG en présence d'autres membres de sa famille. De même, les parents ou les tuteurs légaux peuvent vouloir protéger le mineur en l'empêchant d'entendre parler d'événements traumatisants. Si une partie à une procédure conjointe souhaite témoigner en l'absence d'une co-partie, elle devrait en faire la demande à la CISR dès que possible. La question d'accueillir une telle demande devrait déterminée au cas par cas.

6.4.1.2 Dans certaines situations, il pourrait être nécessaire que le cas d'un mineur soit séparé de celui d'autres membres de sa famille. Par exemple, un commissaire devrait envisager de séparer un cas lorsque la présence d'une autre partie nuirait à la capacité du mineur de présenter son cas, ou lorsqu'il pourrait y avoir un possible conflit d'intérêts entre le mineur et une autre co-partie.

6.4.1.3 Dans les cas où une demande de séparation d'une procédure est motivée par la réticence d'un mineur à divulguer des renseignements personnels de nature délicate à un autre membre de sa famille, les commissaires devraient envisager d'exercer leur pouvoir discrétionnaire de dispenser le mineur de devoir transmettre une copie de cette demande à la co-partieNote de bas de page 22.

6.5 Affaires concernant des mineurs non accompagnés ou des mineurs séparés

6.5.1 Il peut être difficile pour un mineur d'être séparé de ses parents ou de ses tuteurs légaux. Les mineurs non accompagnés et les mineurs séparés peuvent éprouver des difficultés importantes à présenter leur cas en raison des effets négatifs possibles de cette séparation sur leur santé mentale. De même, le fait d'être séparé de ses parents ou de ses tuteurs légaux peut rendre très difficile la collecte de preuve corroborante.

6.5.2 Les commissaires doivent donc porter une attention particulière à l'intérêt supérieur des mineurs séparés et des mineurs non accompagnés et, lorsque cela est possible, mettre en place des mesures d'adaptation pour créer le meilleur climat dans lequel présenter leur cas. Bien que l'application précise de l'intérêt supérieur de l'enfant pour ces catégories de mineurs dépende des circonstances de chaque cas, les procédures suivantes devraient être suivies, lorsqu'approprié :

  • Le personnel du greffe devrait cerner le plus rapidement possible les cas concernant des mineurs non accompagnés ou des mineurs séparés.
  • Le cas devrait être confié immédiatement à un commissaire et, si possible, celui-ci devrait en être chargé jusqu'à ce qu'une décision finale soit rendue.
  • La priorité de mise au rôle et de traitement devrait être accordée au cas. Dans certains cas, il peut toutefois être dans l'intérêt supérieur du mineur de retarder le cas. Par exemple, si le mineur rencontre des problèmes de santé physique ou mentale, il pourrait avoir besoin de plus de temps avant la mise au rôle d'une procédure. Ces décisions devraient être prises au cas par cas.
  • Un RD doit être nommé le plus rapidement possible. Si possible, le même RD devrait représenter le mineur dans toutes les procédures devant la CISR.
  • Une conférence préparatoire à l'audience devrait avoir lieu dès que possible après la désignation d'un commissaire pour discuter des questions relatives à la procédure et à la preuve avec le RD et le conseil. Pour en savoir plus sur les conférences préparatoires, veuillez consulter la section 6.7.

6.6 Mesures d'adaptation d'ordre procédural

6.6.1 Un mineur pourrait bénéficier de mesures d'adaptation d'ordre procédural pour faciliter sa participation à la procédure. Les commissaires devraient tenir compte des besoins du mineur et de sa situation particulière pour décider s'il met en œuvre ces mesures d'adaptation.

6.6.2 Le RD ou le conseil d'un mineur est le mieux placé pour cerner ces besoins, et il devrait communiquer les demandes de mesures d'adaptation dès que possible. Les commissaires sont encouragés à être attentifs aux éléments de preuve au dossier qui pourraient laisser croire que le mineur pourrait avoir de la difficulté à participer à la procédure. À titre d'exemple, un traumatisme peut avoir une incidence sur la capacité du mineur à présenter des éléments de preuve pendant une audience. Dans un tel cas, les commissaires devraient impliquer le RD et le conseil pour déterminer les mesures d'adaptation appropriées pour le mineur afin de réduire au minimum l'incidence du processus d'audience. Voici des exemples de ces mesures d'adaptation :

  • créer un cadre plus informel, notamment en tenant l'audience dans une salle de conférence ou en tenant une audience virtuelle;
  • désigner un commissaire ou un interprète d'un genre particulier;
  • explorer d'autres façons d'obtenir un témoignage (voir la section 7.2);
  • permettre à une personne de soutien d'être présente à l'audience;
  • permettre au conseil du mineur d'être le premier à le questionner même si les règles de la section exigent que l'ordre de l'interrogatoire soit différent;
  • prévoir des pauses tout au long de la procédure.

6.6.3 Les besoins d'un mineur peuvent changer tout au long de la procédure. Les commissaires sont encouragés à demeurer attentifs à ces besoins et à modifier les mesures d'adaptation au besoin. Lorsqu'approprié, le commissaire devrait tenir des conférences préparatoires pour discuter régulièrement avec le RD et le conseil de la meilleure façon de répondre aux besoins du mineur.

6.6.4 Si un mineur atteint l'âge de 18 ans pendant la procédure, les commissaires devraient envisager de conserver, lorsqu'approprié, les mesures d'adaptation qui étaient en place lorsqu'il était mineur.

6.7 Conférences préparatoires

6.7.1 Il est recommandé de tenir des conférences préparatoires à l'audience lorsque le cas concerne des mineurs séparés ou non accompagnés afin de :

  • déterminer les mesures d'adaptation d'ordre procédural, incluant s'il est nécessaire d'entendre le témoignage du mineur et la façon dont sera offert ce témoignage, le cas échéant;
  • cerner et communiquer toute préoccupation soulevée lors de l'examen du cas, dont le fait de prévoir la transition du mineur vers l'âge adulte pendant la procédure;
  • déterminer quels éléments de preuve peuvent être produits;
  • déterminer les risques potentiels qui peuvent avoir une incidence sur la question de savoir si le cas devrait être séparé ou joint;
  • déterminer si des mesures devraient être prises pour s'assurer de la confidentialité des renseignements de nature délicate.

6.7.2 Les commissaires devraient tenir des conférences préparatoires tout au long des procédures afin de traiter les questions additionnelles au fur et à mesure qu'elles se présentent.

6.8 Protection des renseignements confidentiels

6.8.1 Les affaires devant la SPR et la SAR se tiennent à huis clos. Cependant, celles de la SI et de la SAI sont habituellement publiques et il est possible de discuter de renseignements de nature délicateNote de bas de page 23. De plus, si une affaire fait l'objet d'un contrôle judiciaire de la Cour fédérale, les renseignements au dossier concernant l'affaire deviennent accessibles au public, même pour les cas à la SPR et à la SAR, à moins que la Cour ne rende une ordonnance de confidentialité.

6.8.2 Par conséquent, à la demande des parties ou à l'initiative du commissaire, des mesures supplémentaires de protection des renseignements de nature délicate concernant le mineur peuvent être envisagées. Au titre de l'article 166 de la LIPR, les commissaires peuvent ordonner que les renseignements de nature particulièrement délicate soient traités de façon confidentielle, lorsque les facteurs énoncés à l'article 166 sont rencontrésNote de bas de page 24.

6.8.3 De plus, dans la mesure du possible, les commissaires devraient seulement inclure dans leurs motifs les renseignements personnels nécessaires pour expliquer leur raisonnementNote de bas de page 25.

7. Questions relatives à la preuve

7.1 Obtention d'éléments de preuve

7.1.1 Toutes les parties à une procédure, y compris un mineur, ont le droit d'être entendues.Note de bas de page 26

7.1.2 Dans certaines circonstances, il peut ne pas être approprié ou nécessaire de demander à un mineur de témoigner de vive voix. Par exemple, la preuve au dossier peut donner à penser que l'environnement de l'audience pourrait déclencher des réactions chez un mineur qui a subi un traumatisme. De même, il se peut qu'un mineur n'ait pas été témoin d'événements fondamentaux au cas, ou qu'il n'ait pas été au courant de certains renseignements concernant des adultes. Dans certains cas, il est possible que le mineur soit trop jeune ou qu'il n'ait pas le niveau de maturité nécessaire pour témoigner.

7.1.3 Pour ces raisons, il faut évaluer la situation et déterminer, le cas échéant, les éléments de preuve que le mineur est en mesure de fournir et la meilleure façon de les obtenir. Au moment de décider s'il faut questionner un mineur, les commissaires devraient tenir compte des éléments suivants :

  • l'âge et le degré de maturité du mineur;
  • les normes culturelles du mineur;
  • les expériences traumatisantes du mineur;
  • le désir de témoigner exprimé par le mineur;
  • le point de vue des parties concernant la nécessité d'entendre le témoignage du mineur.

7.1.4 Pour minimiser les répercussions que pourrait avoir le fait d'appeler un mineur à témoigner lors d'une audience, lorsque la situation le permet, les commissaires devraient envisager d'autres façons d'obtenir des éléments de preuve (voir la section 7.2).

7.2 Autres sources de preuve

7.2.1 Les commissaires peuvent envisager les alternatives suivantes au témoignage d'un mineur :

Auprès du mineur lui-même :

  • une preuve par affidavit ou un témoignage préenregistré

Auprès d'autres personnes qui ont un lien avec le mineur :

  • des éléments de preuve présentés par le RD
  • des éléments de preuve de membres de la famille
  • des éléments de preuve de membres de la communauté du mineur
  • des éléments de preuve d'enseignants, de travailleurs sociaux, de travailleurs communautaires et d'autres personnes qui ont interagi avec le mineur
  • des éléments de preuve du personnel des services de santé

Preuve documentaire :

  • des éléments de preuve documentaire concernant des personnes se trouvant dans une situation similaire à celle du mineur
  • des documents sur les conditions dans le pays

7.3 Mineurs qui témoignent pendant une audience

7.3.1 Capacité de témoigner et déclaration solennelle

7.3.1.1 La CISR n'est pas liée par les règles techniques de présentation de la preuve et peut fonder sa décision sur tout élément de preuve qu'elle juge crédible ou digne de foi compte tenu des circonstances de l'affaireNote de bas de page 27. Les commissaires devraient donc faire preuve d'une certaine souplesse lorsqu'un mineur témoigne et tenir compte des vulnérabilités et des difficultés particulières auxquelles il pourrait être confronté.

7.3.1.2 Cependant, la législation canadienne énonce des principes que les commissaires devraient suivre en ce qui concerne la capacité des mineurs à témoigner et la question de savoir s'ils devraient être assermentés ou faire une affirmation solennelleNote de bas de page 28.

7.3.1.3 Lorsqu'un mineur âgé de 14 ans ou plus témoigne, il devrait être tenu de le faire sous serment ou de faire une affirmation solennelle.

7.3.1.4 La législation canadienneNote de bas de page 29 énonce les exigences suivantes relativement au témoignage d'un mineur âgé de moins de 14 ans :

  • La personne est présumée habile à témoigner.
  • Elle ne peut être assermentée ni faire d'affirmation solennelle avant de témoigner.
  • Le commissaire lui fait promettre de dire la vérité lorsqu'elle témoignera.
  • Son témoignage ne peut toutefois être reçu que si la personne a la capacité de comprendre les questions et d'y répondre. Une partie qui met cette capacité en question doit convaincre le tribunal qu'il existe des motifs d'en douter.
  • Aucune question sur la compréhension de la nature de la promesse de dire la vérité ne peut lui être posée.
  • Le témoignage reçu a le même effet que si la personne avait prêté serment.

7.3.2 Méthode d'interrogatoire adaptée aux enfants

7.3.2.1 Une méthode d'interrogatoire adaptée aux enfants devrait être utilisée lorsqu'un mineur témoigne. L'interrogatoire d'un mineur devrait être effectué avec le plus grand degré de sensibilité, de délicatesse et d'attention afin de réduire au minimum les répercussions négatives que le processus d'audience pourrait avoir et d'obtenir le témoignage le plus fiable. Tous les participants aux procédures de la CISR devraient appliquer une méthode d'interrogatoire adaptée aux enfants lorsqu'ils interrogent un mineur.

7.3.2.2 Une méthode d'interrogatoire adaptée aux enfants consiste à prendre des mesures permettant une participation significative du mineur au processus. Cela implique de tenir compte des circonstances particulières du mineur et de son point de vue afin de créer un environnement qui lui soit le plus favorable pour répondre aux questions et présenter son cas. Les questions devraient être adaptées de façon à tenir compte des obstacles qui peuvent nuire au témoignage. Par exemple, au moment de questionner un mineur, il faudrait notamment :

  • utiliser un langage simple pour expliquer le rôle du commissaire et le processus d'audience tout au long de la procédure;
  • adopter une méthode d'interrogatoire informelle, comme une conversation, au lieu de suivre un format question-réponse;
  • discuter des préoccupations que le mineur peut avoir tout au long de l'audience;
  • être attentif aux limites du mineur qui pourraient avoir une incidence sur sa compréhension des questions.
  • formuler des questions adaptées à l'âge du mineur, à sa maturité, à son état de santé physique et mentale, à son niveau de scolarité, au contexte culturel, à son genre et aux autres facteurs qui pourraient avoir une incidence sur sa compréhension. Ces facteurs peuvent également avoir une incidence sur la quantité de renseignements qu'un mineur peut avoir sur un enjeu;
  • éviter de demander au mineur de formuler des hypothèses sur des questions à propos desquelles il ne connaît rien. Par exemple, dans le contexte de l'octroi de l'asile, il est possible que le mineur ne connaisse pas les motifs de l'agent du préjudice;
  • reconnaître que les mineurs sont susceptibles d'être influencés, et que des questions ouvertes devraient leur être posées, dans la mesure du possible;
  • prendre particulièrement soin de ne pas traumatiser à nouveau un mineur lorsqu'il existe des signes laissant croire à un traumatisme passé.

8. Évaluation de la preuve

8.1 Crédibilité

8.1.1 Rien dans la présente section ne devrait laisser entendre qu'il y a une norme de preuve différente ou des critères juridiques différents pour les procédures concernant des mineurs.

8.1.2 Les mineurs ont des capacités de raisonnement et de communication différentes de celles des adultes qui peuvent avoir une incidence sur leur témoignageNote de bas de page 30. Cependant, un témoignage n'est pas peu fiable du seul fait d'avoir été rendu par un mineur.

8.1.3 Au moment d'évaluer le poids à accorder au témoignage d'un mineur, les commissaires devraient tenir compte de son âge et de son niveau de maturité, ainsi que des obstacles qui pourraient l'empêcher de rendre un témoignage.

8.1.4 Les conclusions quant à la crédibilité doivent être tirées au cas par cas et doivent tenir compte des facteurs suivants :

  • Il est possible qu'un mineur ne soit pas en mesure de présenter des éléments de preuve avec le même degré de précision qu'un adulte en ce qui a trait au contexte, à la chronologie et aux détailsNote de bas de page 31. Par exemple, il est possible qu'un mineur affirme que des hommes en uniforme sont venus chez lui, sans toutefois savoir de quel type d'uniforme il s'agissait. De même, il est possible qu'un mineur ne connaisse pas les opinions politiques des membres adultes de sa famille.
  • Un manque de précision ne signifie pas nécessairement que le mineur n'est pas crédible ou qu'il n'est pas fiable. Par exemple, il est possible qu'un mineur non accompagné dont le voyage a été organisé par une autre personne ne connaisse pas les détails de son voyage. Si le témoignage d'un mineur manque de détails sur certains événements, les commissaires devraient se demander s'ils sont en mesure de déduire des détails à partir des éléments de preuve présentés ou de s'appuyer sur la preuve corroborante.
  • Les incohérences dans le témoignage d'un mineur ne signifient pas nécessairement que celui-ci est malhonnête. Par exemple, si un événement est survenu dans un passé lointain, il est possible que l'âge actuel du mineur et son âge au moment où les événements ont eu lieu, ainsi que les facteurs propres au mineur (p. ex. ses expériences traumatisantes) aient une incidence sur son témoignage.
  • Les notes prises par un agent des services frontaliers au point d'entrée devraient être mises en balance avec une évaluation minutieuse des conditions dans lesquelles l'entrevue a été menée. Cela peut comprendre :
    • les circonstances du voyage et de l'arrivée avant l'entrevue;
    • la question de savoir si le mineur était accompagné ou s'il a reçu de l'aide au point d'entrée;
    • les types de questions posées au mineur;
    • tout autre facteur qui peut avoir eu une incidence sur la capacité du mineur de répondre aux questions.
  • Les commissaires devraient être à l'affût des difficultés que les mineurs rencontrent, en particulier les mineurs séparés ou non accompagnés, lorsqu'ils examinent la question de savoir s'il serait raisonnable de s'attendre à ce que de la preuve corroborante soit accessible. Il est possible que les mineurs rencontrent des difficultés importantes au moment d'obtenir des documents visant à corroborer des aspects de leur cas, notamment au moment d'obtenir des pièces d'identité, par exemple.

8.2 Obtention d'une explication

8.2.1 Il faut faire preuve de sensibilité au moment de questionner un mineur au sujet des problèmes perçus en matière de crédibilité. L'adoption d'une méthode d'interrogatoire conflictuelle peut nuire à la capacité du mineur de répondre aux questions, ce qui pourrait faire en sorte que le mineur ne soit plus en mesure de répondre aux questions pour le reste de l'audience. De plus, une telle approche peut traumatiser à nouveau un mineur qui a déjà subi un traumatisme.

8.2.2 Lorsque des problèmes de crédibilité sont constatés, les commissaires devraient en faire part au mineur avec des mots simples et un ton non conflictuel et lui permettre de s'expliquer. Il est recommandé de formuler le problème au moyen d'énoncés comme celui-ci : « Peux-tu m'aider à comprendre la différence entre ce que tu as dit plus tôt et ce que tu dis sur l'événement maintenant? »

8.3 Approche intersectionnelle de l'évaluation de la crédibilité

8.3.1 Une approche intersectionnelle devrait être adoptée pour évaluer les facteurs qui peuvent influer sur la capacité d'un mineur d'observer et de fournir de l'information, y compris son âge et son niveau de maturité, son genre, son niveau de scolarité et son degré d'alphabétisation, le contexte culturel et ethnique, son expérience de vie, son état de santé et ses handicaps. D'autres facteurs devraient également être pris en considération, comme la crainte, les troubles de mémoire, les expériences de traumatisme ou un trouble de stress post-traumatique et la perception du mineur à l'égard du processus d'audienceNote de bas de page 32.

8.3.2 L'adoption d'une approche intersectionnelle n'empêche pas un commissaire de tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité en raison d'incohérences, d'omissions ou d'invraisemblances importantes dans la preuve qui ne peuvent être expliquées raisonnablementNote de bas de page 33.

8.3.3 Les commissaires devraient démontrer dans leurs motifs qu'ils ont appliqué les principes énoncés dans les présentes Directives dans le cadre de leur évaluation, au moment de tirer leurs conclusions en matière de crédibilité, et non après avoir tiré ces conclusionsNote de bas de page 34.

8.3.4 Lorsqu'un mineur a témoigné de vive voix, le commissaire doit évaluer le poids à accorder au témoignageNote de bas de page 35. Pour déterminer le poids à accorder, les commissaires devraient tenir compte de la possibilité qu'a eue le mineur d'observer les événements pertinents, sa capacité de les observer avec exactitude, de faire part de ce qu'il a vu et de s'en souvenirNote de bas de page 36.

8.4 Répercussions des traumatismes sur les témoignages

8.4.1 Un traumatisme peut avoir une incidence défavorable importante sur le développement cognitif d'un mineurNote de bas de page 37. Il est possible qu'un mineur demande l'asile au Canada parce qu'il a été exposé à un seul événement traumatisant ou à des traumatismes répétés au fil du temps.

8.4.2 L'exposition à un traumatisme peut avoir un effet extrêmement néfaste sur le développement du cerveau et du langage ainsi que sur la mémoire, et peut rendre la victime plus encline à la dissociation, ce qui peut se manifester par un état d'indifférence émotionnelle. Dans la salle d'audience, cela peut se manifester par l'absence d'émotion pendant le témoignageNote de bas de page 38.

8.4.3 Lorsqu'il existe des éléments de preuve démontrant qu'un mineur a subi des traumatismes par le passé, les commissaires devraient tenir compte des répercussions que les traumatismes pourraient avoir sur le mineur et consulter les Directives numéro 8 du président pour obtenir de plus amples renseignements sur l'adoption d'une approche tenant compte des traumatismes dans le cadre du processus décisionnel.

8.5 Comportement

8.5.1 Les commissaires ne devraient pas s'attendre à ce qu'un mineur se comporte d'une certaine manière lorsque celui-ci relate des expériences traumatisantes, et les conclusions quant à la crédibilité ne devraient pas être fondées sur l'absence ou la présence de ce genre de comportementNote de bas de page 39.

8.5.2 Les commissaires peuvent tenir compte du comportement ou de l'attitude d'une personne au moment d'évaluer la crédibilité d'un témoignage. Cependant, cela devrait être fait avec prudenceNote de bas de page 40. Par exemple, il est possible que le comportement de personnes de contextes culturels différents ou de personnes ayant subi des préjudices soit particulièrement difficile à évaluerNote de bas de page 41. Des motifs clairs et convaincants doivent être fournis pour expliquer les conclusions quant à la crédibilité qui se fondent sur le comportementNote de bas de page 42. Ce n'est que dans des cas exceptionnels que le comportement, à lui seul, serait suffisant pour miner la crédibilité du témoignage.

Partie 2 – Directives propres à chaque section

9. Procédures devant la Section de la protection des réfugiés et la Section d'appel des réfugiés

9.1 Persécution

9.1.1 La persécution est définie comme une violation soutenue ou systémique des droits fondamentaux de la personne démontrant l'absence de protection de l'ÉtatNote de bas de page 43. Les commissaires doivent garder à l'esprit que les mineurs ont des droits distinctifs qui reconnaissent leur vulnérabilité pour déterminer ce qui peut constituer de la persécutionNote de bas de page 44.

9.1.2 Il n'existe pas, pour les mineurs, de critère distinct à appliquer pour établir s'ils ont qualité de réfugié au titre de l'article 96 de la LIPR. En ce qui concerne le bien-fondé de la demande d'asile du mineur, tous les éléments de la définition prévue dans la Convention doivent être respectés. De plus, les mineurs ont le même fardeau de preuve que les adultes. Cependant, en raison de sa vulnérabilité, un mineur peut être persécuté de certaines façons qui n'équivaudraient pas à de la persécution à l'endroit d'un adulte. Pour déterminer si le préjudice qu'un mineur redoute atteint le seuil requis, les commissaires doivent tenir compte de l'impact de ce préjudice sur le développement physique et mental du mineurNote de bas de page 45.

9.1.3 Par exemple, lorsqu'il y a une possibilité sérieuse qu'un mineur soit privé de ce qui est nécessaire pour vivre, comme une personne qui en prend soin, du soutien émotionnel, l'accès à une éducation et à des soins de santé adéquats, cela peut équivaloir à de la persécutionNote de bas de page 46.

9.1.4 Les commissaires doivent effectuer une analyse indépendante des risques auxquels sont exposés les mineurs dans le cadre des demandes d'asile ou des appels qui sont joints à ceux d'autres membres de la familleNote de bas de page 47.

9.1.5 On ne peut pas s'attendre à ce que les demandeurs d'asile et les appelants mineurs éliminent les risques en réduisant ou en rompant leurs liens avec les membres de leur familleNote de bas de page 48.

9.2 Lien avec le groupe social particulier de la famille

9.2.1 Afin d'établir l'existence d'un lien avec l'appartenance au groupe social de la famille, les demandeurs d'asile ou les appelants doivent établir que le membre de leur famille serait persécuté pour l'un des motifs prévus dans la Convention, et qu'ils seront eux-mêmes pris pour cible par des agents de persécution en raison de leur lien familialNote de bas de page 49. Autrement dit, une personne, y compris un mineur, ne peut être considérée comme un réfugié simplement parce qu'un membre de sa famille est persécuté. Elle doit également démontrer une possibilité sérieuse de persécution en raison de ce lien familial.

9.3 Possibilité de refuge intérieur

9.3.1 L'âge du demandeur d'asile ou de l'appelant devrait être pris en considération dans chacun des deux volets du critère relatif à la possibilité de refuge intérieur (PRI). Au moment d'évaluer le premier volet du critère, les commissaires devraient évaluer s'il y a des formes de persécution propres aux enfants qui feraient en sorte que l'endroit proposé comme PRI ne serait pas sûr. En ce qui concerne le deuxième volet du critère, les commissaires doivent demeurer attentifs aux vulnérabilités d'un mineur au moment d'évaluer le caractère raisonnable d'un endroit proposé comme PRI.

9.3.2 L'évaluation du caractère raisonnable d'une PRI doit prendre en considération la situation particulière du mineur, comme son âge, son niveau de maturité, son genre et la question de savoir si cette situation rendrait déraisonnable l'endroit proposé comme PRINote de bas de page 50. Les commissaires doivent également évaluer si cette situation fait en sorte qu'il est déraisonnable pour le mineur de se rendre dans la région où se trouve l'endroit proposé comme PRINote de bas de page 51.

9.3.3 Les commissaires doivent garder à l'esprit que ce qui pourrait être un simple inconvénient pour un adulte pourrait constituer des épreuves indues pour un mineurNote de bas de page 52. Plus précisément, les commissaires devraient tenir compte des facteurs ci-dessous au moment d'établir si une PRI est raisonnable pour un mineur :

  • la question de savoir si les conditions dans l'endroit proposé comme PRI permettent le développement du mineur et lui permettraient d'un jour gagner sa vieNote de bas de page 53;
  • tout problème de santé ou handicap, y compris des besoins physiques et psychologiques, et l'accès au soutien ou au traitement nécessaire à l'endroit proposé comme PRINote de bas de page 54;
  • l'accès à l'éducation, aux soins de santé et à d'autres services sociauxNote de bas de page 55;
  • les facteurs culturels et familiaux, y compris la langue parlée à l'endroit proposé comme PRINote de bas de page 56​, l'éducation religieuse et morale;
  • la disponibilité et le caractère adéquat des individus en mesure de recevoir initialement le mineur à l'endroit proposé comme PRI et de l'aider à s'établirNote de bas de page 57;
  • La disponibilité de soins et de services de soutien continus adéquats pour le mineur, en fonction de son âge au moment du déménagementNote de bas de page 58;
  • la présence d'autres membres de la famille doit être évaluée dans les cas où un mineur s'installera ailleurs sans ses parents ni ses tuteurs légauxNote de bas de page 59;
  • s'il y a lieu, la question de savoir si le ou les parents ou le ou les tuteurs légaux de l'enfant subiraient une épreuve indue si l'enfant déménageait avec euxNote de bas de page 60.

9.3.4 Lorsqu'il y a de nombreux mineurs qui demandent l'asile ensemble, l'analyse nécessite une évaluation indépendante du caractère raisonnable de la PRI en fonction du contexte et des besoins de chaque mineur, car leurs intérêts peuvent être différents.

9.3.5 Les commissaires devraient examiner la question de savoir si les ententes relatives à la garde de l'enfant ont une incidence sur la viabilité d'une PRINote de bas de page 61. Par exemple, en fonction des conditions dans le pays, dans les cas où un mineur est accompagné par un parent ayant fui de la violence familiale ou de la violence entre partenaires intimes, il est possible que le nom et l'adresse du mineur et du parent doivent être communiqués à l'agent du préjudice dans le contexte du droit de la famille ou des procédures de garde d'enfants. De même, quand l'agent du préjudice partage la garde d'un enfant avec la personne qui demande l'asile ou qui interjette appel, il est possible qu'il soit en mesure d'utiliser ses droits d'accès parental pour obtenir les coordonnées et continuer la violence.

9.4 Protection de l'État

9.4.1 Les commissaires devraient analyser la protection de l'État par l'entremise de la situation personnelle du mineurNote de bas de page 62. Dans certains cas, il peut s'avérer impossible pour un mineur de demander la protection de l'État. Pour établir s'il était raisonnable pour un mineur de s'adresser à l'État pour obtenir une protection, les commissaires devraient déterminer si l'agent du préjudice est l'État. À cette fin, ils devraient également déterminer la forme de persécution que le mineur, ainsi que tout adulte ayant un lien avec le mineur, redoute.

9.4.2 Il est possible qu'un mineur soit plus réticent à demander la protection ou qu'il se voie empêché de demander la protection de l'État si cela va à l'encontre des instructions de ses parentsNote de bas de page 63.

9.4.3 La crainte de répercussions négatives peut expliquer raisonnablement le défaut d'un mineur de demander la protection de l'ÉtatNote de bas de page 64.

9.4.4 Lorsque l'agent du préjudice n'est pas un parent, les commissaires peuvent déterminer s'il était raisonnable pour les parents de demander la protection de l'État pour le mineurNote de bas de page 65.

9.5 Crainte subjective

9.5.1 Il se peut qu'un mineur ne soit pas en mesure d'exprimer sa crainte de la même manière qu'un adulte. Dans ce genre de cas, les commissaires devraient examiner la question de savoir si la crainte subjective du mineur peut être déduite à partir de la preuve présentée, y compris du témoignage d'autres personnes qui peuvent parler au nom du mineurNote de bas de page 66.

9.5.2 Les commissaires devraient tenir compte du point de vue du mineur ainsi que de son âge, de son niveau de maturité, de son genre, des instructions de ses parents et des traumatismes que le mineur a vécus, avant de tirer une conclusion défavorable quant à sa crainte subjectiveNote de bas de page 67. Le contexte culturel et toute stigmatisation associée à son expérience du préjudice devraient également être pris en compteNote de bas de page 68.

9.5.3 Lorsqu'un mineur n'a pas demandé l'asile dans un pays tiers ou dans un pays pendant son transit vers le Canada, les commissaires devraient d'abord tenir compte de la situation personnelle du mineur avant de conclure que son comportement mine sa crainte subjective de persécutionNote de bas de page 69.

9.6 Enlèvement potentiel d'un mineurNote de bas de page 70

9.6.1 Dans certains cas, le personnel de soutien au processus décisionnel ou les commissaires peuvent soupçonner qu'un mineur a fait l'objet d'un enlèvement. Cela se manifestera généralement lorsqu'un parent demande l'asile avec des enfants en l'absence de l'autre parent. Dans certains cas, l'obligation d'aviser le ministre peut survenir au titre de la règle 26 des Règles de la SPR en raison d'une possible exclusion, en application de l'alinéa Fb) de l'article premier de la Convention, pour enlèvement potentiel d'enfantsNote de bas de page 71.

9.6.2 La Section cherchera généralement à obtenir des éléments de preuve démontrant que le parent qui demande l'asile a la garde complète du demandeur d'asile mineur ou la permission de l'autre parent de se rendre au Canada avec le demandeur d'asile mineur.

9.6.3 Dans certaines situations, en particulier lorsque l'autre parent est l'agent du préjudice allégué, il peut être difficile d'obtenir le consentement de ce parent. Lorsqu'il n'y a aucun élément de preuve démontrant que le parent qui demande l'asile a la garde complète ou a reçu le consentement du parent qui n'accompagne pas le demandeur d'asile mineur, les commissaires devraient prendre en considération les circonstances de la demande d'asile avant d'aviser le ministre au titre de la règle 26 des Règles de la SPR, notamment :

  • le contexte des allégations et la question de savoir s'il est raisonnable de s'attendre à ce que le demandeur d'asile adulte obtienne la permission du parent qui n'accompagne pas le mineur;
  • toute question d'identité en ce qui concerne l'adulte ou le ou les demandeurs d'asile mineurs et la question de savoir si des éléments de preuve établissent une relation parent-enfant entre l'adulte et le ou les demandeurs d'asile mineurs;
  • la question de savoir si le système judiciaire dans le pays d'origine permet au demandeur d'asile adulte d'exercer son autorité parentale sur l'enfant;
  • la question de savoir si le parent n'accompagnant pas le mineur a entamé des procédures au titre de la Convention de La HayeNote de bas de page 72;
  • tout autre élément de preuve au dossier ou qui survient pendant l'audience qui donne à penser qu'il est possible que les demandeurs d'asile mineurs aient été illicitement déplacés hors du pays dont ils ont la nationalité.

9.6.4 Les commissaires devraient évaluer si la défense de danger imminent, prévue à l'article 285 du Code criminel du Canada, s'applique aux cas où l'exclusion repose sur des raisons sérieuses de penser que le demandeur d'asile ou l'appelant a commis un enlèvement d'enfantNote de bas de page 73.

9.6.5 Lorsque le ministre a été avisé d'une exclusion potentielle en application de l'alinéa Fb) de l'article premier de la Convention sur les réfugiés, en lien avec l'enlèvement d'un enfant, le parent qui accompagne le mineur n'est plus un RD approprié, et un nouveau RD devrait être nommé.

10. Procédures devant la Section de l'immigration

10.1 Contrôle des motifs de détention

10.1.1 Voir les Directives numéro 2 de la CISR concernant l'application du principe de l'intérêt supérieur de l'enfant lors des contrôles des motifs de détention concernant des mineursNote de bas de page 74.

10.2 Enquêtes

10.2.1 Les commissaires doivent déterminer si le mineur avait la connaissance ou la capacité mentale requise pour comprendre la nature et les conséquences de ses actesNote de bas de page 75. Cela s'applique particulièrement, mais sans s'y limiter, à la question de savoir si le mineur était membre d'une organisation au sens de l'article 34 ou 37 de la LIPR, s'il était complice en vertu de l'article 35 de la LIPR ou s'il avait la mens rea, ou l'intention, requise au sens de l'article 36 de la LIPR, si cela n'a pas déjà été pris en compte dans le pays étrangerNote de bas de page 76.

10.2.2 L'évaluation visant à établir si le mineur avait la connaissance ou la capacité mentale requise pour conclure à l'interdiction de territoire est axée sur l'âge du mineur durant toute la période au cours de laquelle l'adhésion ou les actes auraient eu lieuNote de bas de page 77.

10.2.3 La connaissance ou la capacité mentale requise devraient être considérées comme un phénomène évolutif. Pour ce qui est des cas devant la SI, il est présumé qu'un jeune mineur (c.-à-d. une personne âgée de 12 ans et moins) n'a pas la connaissance ou la capacité mentale nécessaireNote de bas de page 78. Dans ce genre de cas, l'âge du mineur constituerait en soi une preuve prima facie de l'absence de la connaissance ou de la capacité mentale requise, et la SI est tenue d'examiner attentivement le niveau de compréhension d'un mineur de cette tranche d'âgeNote de bas de page 79. Il existe également une présomption selon laquelle, plus le mineur approche de ses 18 ans, plus il est probable que le mineur possédait la connaissance ou la capacité mentale requiseNote de bas de page 80.

10.2.4 Lorsqu'il est approprié et pertinent de le faireNote de bas de page 81, les commissaires devraient tenir compte de l'environnement et du contexte dans lesquels les actes du mineur ont été commis ainsi que de la possibilité de contrainte ou de coercition.

10.2.5 Les facteurs mentionnés précédemment s'appliquent également aux appels d'une décision d'interdiction de territoire à la SAI.

11. Procédures devant la Section d'appel de l'immigration

11.1 Intérêt supérieur de l'enfant

11.1.1 L'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération singulièrement importante dans tous les appels devant la SAI touchant directement un enfant et auxquels des motifs d'ordre humanitaire s'appliquent. L'intérêt supérieur de l'enfant doit être appliqué d'une manière intersectionnelle et contextuelle qui ne repose pas sur une formule précise et qui tient compte de la situation particulière de tous les mineurs directement touchés par la décision; il faut établir les intérêts de chaque mineur et porter une attention particulière sur l'incidence de la décision sur lui, et non pas sur l'ampleur des difficultés que le mineur éprouverait.

11.1.2 Voici une liste non exhaustive de facteurs dont peuvent tenir compte les commissaires dans le cadre de leurs interactions avec des mineurs touchés par des procédures devant la SAI :

  • l'âge du mineur;
  • le niveau de dépendance entre le mineur et la personne qui s'occupe de lui ou la personne touchée par l'appel;
  • le degré d'établissement du mineur au Canada;
  • les liens du mineur avec le pays faisant l'objet de l'examen;
  • les conditions de ce pays et les répercussions possibles sur le mineur;
  • les problèmes médicaux ou les besoins spéciaux du mineur;
  • les répercussions sur l'éducation du mineur;
  • les vulnérabilités particulières qui peuvent découler du genre du mineur, de ses OCSIEG, d'un traumatisme antérieur ou de problèmes de santé mentale.

12. Demandes de renseignements

Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez écrire à :

IRB.Policy-Politiques.CISR@irb-cisr.gc.ca

OU à :

Directrice principale, Direction des politiques, de la mobilisation et des affaires parlementaires
Direction générale des orientations stratégiques et des affaires ministérielles
Place Minto – Édifice Canada
344, rue Slater, 14e étage
Ottawa (Ontario) K1A 0K1

Entrée en vigueur

Les présentes Directives entrent en vigueur le 31 octo​bre 2023.

Approbation

Richard Wex
Président
Date : 19​ juillet 2023