Cas No 18-016

Le plaignant a comparu à titre de conseil d’une demandeure d’asile devant la Section de la protection des réfugiés (SPR).

Les allégations de la plainte sont liées à une déclaration de la commissaire concernant le conseil formulée dans les motifs de décision prononcés de vive voix à l’audience, et ensuite transcrits dans les motifs écrits. Dans les motifs, la commissaire a fait des commentaires sur la compétence du conseil, estimant que le manque d’efforts de ce dernier pour obtenir auprès des autorités américaines une copie du passeport de sa cliente ne correspondait pas aux actes d’un avocat compétent et diligent.

Voici ce qu’a soutenu le plaignant :

  • la commissaire avait remis en question pendant l’audience la compétence du conseil en tant qu’avocat
  • les commentaires de la commissaire dans les motifs de décision étaient irrespectueux envers lui et constituaient une attaque personnelle à son encontre

En vertu du paragraphe 5.5 de la Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire (la Procédure relative aux plaintes), le président a renvoyé les questions suivantes au Bureau de l’intégrité pour qu’il effectue une enquête :

  • la conduite de la commissaire pendant l’audience
  • les commentaires formulés par la commissaire dans ses motifs de décision concernant le plaignant.

Le directeur du Bureau de l’intégrité a écouté l’enregistrement audio de l’audience et il a examiné les motifs de décision, la plainte et la réponse de la commissaire.

Le directeur du Bureau de l’intégrité a préparé une ébauche de constatation des faits et une analyse et il a donné aux deux parties l’occasion de présenter des observations.

Voici le résumé des conclusions de l’enquête. La demandeure d’asile avait vécu pendant une période prolongée aux États Unis avant d’arriver au Canada et d’y demander l’asile. Elle est arrivée sans aucun document pour confirmer son identité, en partie parce que son passeport avait été saisi par les autorités américaines et qu’il ne lui a jamais été retourné. Après avoir reçu ces explications pendant l’audience, la commissaire a demandé au conseil quelles mesures il avait prises pour récupérer le passeport de la demandeure auprès des autorités américaines. Le conseil a répondu qu’il n’avait pris aucune autre mesure, étant donné que sa cliente lui avait récemment affirmé avoir elle-même communiqué avec son avocat américain de l’époque, qui a confirmé que les autorités américaines n’avaient jamais restitué son passeport. Le conseil a signalé que sa cliente avait tenté, en vain, d’obtenir un nouveau passeport de son pays d’origine. La commissaire a ensuite reporté son attention sur les questions à poser à la demandeure d’asile.

Dans les motifs de décision, la commissaire a déclaré ce qui suit :

[traduction]
Son avocat canadien a confirmé pour les besoins du dossier qu’il n’avait pris aucune mesure et qu’il n’avait fait aucun effort pour communiquer avec les autorités américaines pour obtenir une copie du passeport de sa cliente. Même si j’estime que cela ne correspond pas au travail d’un avocat compétent et diligent, ce que je trouve très décevant, je ne suis pas disposée à retenir ce fait contre la demandeure d’asile. Comme la demandeure d’asile avait retenu les services d’un conseil au Canada, il était raisonnable qu’elle suppose que celui-ci prendrait les mesures nécessaires pour la défendre, et un avocat compétent aurait dû savoir que l’identité était une question à trancher.

Le directeur du Bureau de l’intégrité a conclu dans son rapport que, mis à part les questions de procédure qui se sont posées au début de l’audience, les échanges concernant le passeport ont été la seule interaction importante entre la commissaire et le conseil pendant l’audience. La commissaire n’a ni cherché à savoir pourquoi le conseil n’avait pas pris de mesures supplémentaires pour obtenir le passeport, ni mis de l’avant le fait que l’identité était toujours une question à trancher importante, ni montré un signe de préoccupation quelconque concernant les réponses du conseil à sa question.

Le directeur du Bureau de l’intégrité a conclu que la commissaire n’avait pas manqué de courtoisie ni de respect envers le plaignant pendant la procédure.

Dans son rapport d’enquête, le directeur du Bureau de l’intégrité a conclu que la commissaire avait rendu sa décision alors qu’elle assumait ses fonctions de décideur et que les allégations concernant les commentaires formulés dans la décision n’étaient pas visées par le processus relatif aux plaintes. Le paragraphe 3.3 de la Procédure relative aux plaintes prévoit qu’une « plainte ne peut pas porter sur la décision d’un commissaire ». Cependant, il est également signalé dans le rapport que le fait de ne poser qu’une seule question au conseil pendant toute l’audience, de ne faire aucun commentaire en réponse et d’ensuite inclure le passage susmentionné dans les motifs de décision était manifestement disproportionné et que la question aurait certainement pu être abordée avec plus de tact.

La commissaire a admis que les termes qu’elle a utilisés dans la décision étaient inutilement abrupts et que, avec le recul, elle regrettait son choix de mots.

Cependant, puisque l’allégation était liée à la décision de la commissaire et non à sa conduite, le directeur du Bureau de l’intégrité a conclu qu’il n’y avait pas eu manquement au Code de déontologie.

Le président a examiné le rapport d’enquête. Il était convaincu que l’enquête était rigoureuse et équitable. Le président a accepté les conclusions figurant au rapport et il a décidé qu’il n’y avait pas eu manquement au Code de déontologie.

Les deux parties ont été informées du règlement de la plainte. Dans sa lettre de décision du 29 avril 2019, le président a informé les parties que la commissaire n’avait pas manqué au Code de déontologie. [Cependant, même si le président a décidé que l’allégation concernant les commentaires formulés dans la décision n’était pas visée par la Procédure relative aux plaintes et, par conséquent, qu’il n’y avait pas eu manquement au Code de déontologie, il a informé le plaignant que la commissaire avait admis que les mots qu’elle avait utilisés dans la décision étaient inutiles et qu’elle regrettait son choix de mots dans les circonstances. ]

La plainte a été rejetée, et le dossier a été fermé.