Cas no 20-006

​Les plaignants étaient des demandeurs d’asile dont la demande d’asile conjointe a été instruite par une commissaire de la Section de la protection des réfugiés (SPR). La demande d’asile a été instruite à distance, par vidéoconférence.

La demandeure d’asile a subi une crise épileptique au cours de la première séance de l’audience. Selon la plainte, la réponse de la commissaire à l’urgence médicale était inappropriée et manquait de sensibilité. La commissaire a demandé si l’audience pouvait se poursuivre, alors que la demandeure d’asile attendait l’arrivée du personnel médical d’urgence.

Selon la plainte, la commissaire a préjugé la demande d’asile, refusant aux plaignants une audience équitable. Précisément, le comportement de la commissaire donnait à penser qu’elle ne croyait pas que la demandeure d’asile vivait réellement une urgence médicale. C’est ainsi que la commissaire a rejeté la demande d’asile, qui était fondée en partie sur la persécution que la demandeure d’asile aurait subie en raison de son problème de santé.

Toujours selon la plainte, la commissaire n’a pas tenu compte de la vie privée des plaignants au moment de suggérer de poursuivre l’audience pendant que des agents de sécurité de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (CISR) étaient présents dans la salle d’audience. De plus, selon la plainte, la commissaire a démontré un manque de compréhension du processus d’audience en proposant de poursuivre l’audience alors qu’il ne pouvait pas être attendu des demandeurs d’asile que l’un ou l’autre y participe.

Le Bureau de l’intégrité a transmis la plainte au président pour qu’il décide, en vertu du paragraphe 5.5 de la Procédure pour déposer une plainte à l’endroit d’un commissaire​ (la Procédure), si les allégations étaient visées par le processus de traitement des plaintes.

Le président a conclu que la plupart des allégations étaient visées par la Procédure et a renvoyé la plainte au directeur du Bureau de l’intégrité (le directeur) pour qu’il effectue une enquête. L’allégation selon laquelle la commissaire avait préjugé la demande d’asile n’a pas été renvoyée aux fins d’enquête parce que le président a conclu qu’elle était de nature décisionnelle et qu’elle était liée à la décision de la commissaire, et non à sa conduite. Elle n’était pas visée par la Procédure. Le recours approprié pour traiter une allégation voulant qu’un commissaire ait préjugé une demande d’asile est le processus d’appel à la Section d’appel des réfugiés ou le contrôle judiciaire à la Cour fédérale, selon le cas. Cette approche est basée sur l’obligation légale selon laquelle l’indépendance décisionnelle des commissaires ne peut être entravée.

La commissaire a été invitée à fournir au directeur une réponse à la plainte et a ensuite soumis des observations écrites, qui comprenaient des excuses. La commissaire a écrit dans sa réponse qu’elle [traduction] « s’excusait du fond du cœur ». Le directeur a cherché à savoir si les plaignants accepteraient les excuses de la commissaire dans le cadre du règlement de la plainte. Au bout du compte, les plaignants n’ont pas accepté les excuses, et une enquête a été entreprise.

Au cours de l’enquête, une nouvelle allégation a été soulevée, à savoir que le comportement de la commissaire était une manifestation de racisme systémique ou isolé à l’endroit des plaignants.

Le directeur a écouté l’enregistrement audio de l’audience et a examiné les observations des parties. Il a préparé un rapport d’enquête provisoire présentant ses constatations de faits et son analyse préliminaires, et il a donné aux deux parties l’occasion de le commenter par écrit et de parler de toute observation avec lui par téléphone. La commissaire et les plaignants ont soumis des observations écrites sur le rapport provisoire. Le directeur a ensuite préparé un rapport d’enquête final.

Dans le rapport d’enquête, le directeur a conclu qu’il y avait eu manquement au Code de déontologie des commissaires de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada​ (le Code de déontologie). Il a conclu ce qui suit :

  • Après que la demandeure d’asile a subi une crise épileptique, la commissaire a suggéré d’aller de l’avant avec l’audience. Elle l’a fait parce qu’elle souhaitait conclure l’audience en une seule séance, étant donné que cela aurait permis de rendre aux demandeurs d’asile une décision plus rapidement sur leur demande d’asile et que l’un des devoirs du commissaire est d’être efficace. La commissaire n’a pas exprimé d’empathie ou d’inquiétude à l’égard de la demandeure d’asile, et sa conduite ne témoignait pas d’une compréhension ou d’une reconnaissance que l’incident aurait également pu nuire à la capacité du demandeur d’asile principal de poursuivre l’audience. La commissaire n’a pas fait preuve du degré de respect et de sensibilité que les circonstances particulières exigeaient, et à cet égard, sa conduite n’était pas à la hauteur des attentes énoncées dans le Code de déontologie.
  • L’allégation voulant que la commissaire n’ait pas tenu compte de la vie privée des plaignants en poursuivant l’audience n’est pas fondée. Les audiences relatives aux demandes d’asile se tiennent à huis clos, et il n’aurait pas été approprié de poursuivre l’audience pendant que d’autres personnes étaient dans la salle. Toutefois, la commissaire n’a pas poursuivi l’audience. Il aurait été purement hypothétique de tirer une conclusion sur ce qui aurait pu se produire ou se serait produit si l’audience s’était poursuivie. L’examen de l’enregistrement audio ne montre pas que quelque renseignement personnel que ce soit a été abordé ou divulgué pendant que des agents de sécurité ou du personnel médical étaient dans la salle.
  • L’allégation voulant que la commissaire ait démontré une mauvaise compréhension du processus d’audience n’est pas visée par la Procédure. La question de savoir si la commissaire aurait commis une erreur susceptible de révision si elle avait procédé à l’audience alors que l’un des demandeurs d’asile ou les deux n’auraient pas été en mesure d’y participer se rapporte à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la commissaire. Cette question n’est pas liée à la conduite de la commissaire.
  • L’allégation de racisme et de discrimination est sans fondement. Une allégation de racisme ou de discrimination à la CISR, qu’il soit systémique ou isolé, est prise très au sérieux. Dans cette affaire, les plaignants n’ont pas soumis de preuve, d’opinion d’expert ou d’autres renseignements pour étayer leur allégation. La commissaire a présenté des observations selon lesquelles elle a personnellement fait l’objet d’une sous‑représentation et de stéréotypes, ainsi qu’au sujet de ses valeurs et de ses efforts pour lutter contre le racisme. Il n’y a aucun motif de croire que la commissaire a agi par racisme ou discrimination à l’endroit des plaignants ou que sa réaction face à l’urgence médicale révèle un racisme systémique à la SPR ou à la CISR.

Le rapport d’enquête a été remis au président. Ce dernier était convaincu que l’enquête était approfondie et équitable. Le président a accepté les conclusions du rapport et a conclu qu’il y avait eu manquement au Code de déontologie.

Les deux parties ont été informées du règlement de la plainte au moyen de lettres de décision de la part du président.

En ce qui concerne les mesures de suivi, le président a pris en compte le préjudice causé par les actes de la commissaire ainsi que les excuses de cette dernière. Le président était d’avis que les excuses de la commissaire démontraient que celle-ci avait compris les répercussions de ses actes et qu’elle en avait assumé la responsabilité. Les excuses montraient également que la commissaire a tiré des leçons de cette expérience. En particulier, elle a promis d’être plus attentive pendant les vidéoconférences et d’accorder par-dessus tout la priorité à la santé et au bien-être des demandeurs d’asile. Le président a donc conclu que des mesures de suivi n’étaient pas justifiées dans les circonstances. ​Le président a abordé la question avec la commissaire et a répété ses attentes quant à la conduite à adopter à l’avenir de façon à ce qu’un tel incident ne se reproduise pas.

Le président a également demandé à la vice-présidente de la SPR d’examiner la meilleure façon de mettre en œuvre une orientation supplémentaire à l’intention des commissaires sur la façon de gérer des situations d’urgence qui surviennent pendant une audience.

Par conséquent, les mesures suivantes ont été prises : les commissaires coordonnateurs ont communiqué avec les commissaires actuels de la SPR pour leur transmettre une orientation supplémentaire sur la gestion des situations d’urgence pendant les audiences, et la vice-présidente a institué une formation obligatoire à ce sujet dans le cadre de la formation de la SPR à l’intention des nouveaux commissaires.

La plainte était fondée, et le dossier est clos.