Cas no 21-005

La plaignante est une demandeure d'asile dont la demande d'asile a été instruite par le commissaire de la Section de la protection des réfugiés. La plaignante et les membres de sa famille ont prétendu avoir été persécutés par le gouvernement dans leur pays d'origine après que la plaignante eut signalé un viol commis par un haut fonctionnaire.

Suivant la Procédure pour déposer une plainte à l'endroit d'un commissaire (la Procédure), le président a examiné la plainte et a décidé de la renvoyer à un enquêteur externe. Cette décision était conforme à la recommandation de l'ombudsman. Les allégations ci‑dessous ont été renvoyées aux fins d'enquête, car elles entraient dans le champ d'application de la Procédure :

  • Le commissaire avait une attitude méprisante et dénigrante; il s'en est pris à l'estime personnelle de la plaignante et a minimisé les difficultés que celle‑ci avait eues dans sa vie. La plaignante a été traitée de façon discriminatoire, et les demandeurs d'asile n'ont pas été traités avec dignité.
  • Le commissaire a affirmé que le fonctionnaire qui avait violé une jeune fille avait été puni [traduction] « sévèrement » puisqu'il avait été rétrogradé.
  • Le commissaire a empêché la plaignante de décrire un incident de harcèlement sexuel et a dit quelque chose comme [traduction] « [j]e n'entends pas me prononcer sur les normes sociales ».
  • Le commissaire s'est montré sarcastique face au témoignage de la plaignante et encore plus face au témoignage de la belle‑mère de la plaignante.
  • Le commissaire n'a pas tenu compte du genre et de l'origine culturelle de la plaignante. Celle‑ci a eu l'impression que le commissaire avait des opinions sexistes.
  • Le commissaire a laissé l'interprète intervenir et exprimer sa propre opinion.
  • Le commissaire n'a pas permis à la plaignante d'établir un contact visuel avec son avocat, son partenaire, ni les autres personnes présentes dans la salle d'audience. Chaque fois que la plaignante a tenté de le faire, le commissaire l'a réprimandée.
  • Le commissaire a reproché à la plaignante de s'exprimer en anglais.
  • Le commissaire n'a pas cessé de mettre des mots dans la bouche de la plaignante. Il a réprouvé chacune de ses réponses en laissant entendre qu'elles étaient incorrectes d'une manière ou d'une autre. Son ton semblait indiquer qu'il ne croyait pas un mot de ce que disait la plaignante.
  • Le commissaire n'a pas laissé la plaignante témoigner librement. Soit il l'interrompait, soit il orientait ses réponses de différentes façons. Cette attitude a fait craindre à la plaignante que le commissaire essayait de la piéger.
  • Le commissaire n'a pas écouté la plaignante avec attention.
  • Le commissaire [traduction] « a manqué d'égards envers les enfants de la plaignante », parce qu'il n'a pas permis à l'avocat de la plaignante de prononcer le nom des enfants.

Plusieurs des allégations formulées n'ont pas été renvoyées aux fins d'enquête, parce qu'elles n'entraient pas dans le champ d'application de la Procédure. Parmi ces allégations, notons celles‑ci : le commissaire aurait fusionné les demandes d'asile avec celle d'un membre de la famille, la demandeure d'asile n'aurait pas été autorisée à faire référence à son formulaire Fondement de la demande d'asile, le commissaire aurait manqué d'objectivité et la demandeure d'asile aurait attendu la tenue de son audience pendant longtemps. Selon l'article 3 de la Procédure, les plaintes relatives à l'exercice du pouvoir discrétionnaire du commissaire dans le cadre du processus décisionnel ne peuvent faire l'objet d'une enquête. Les commissaires sont des décideurs indépendants et, par conséquent, leur indépendance décisionnelle ne doit pas être entravée. Les préoccupations concernant le pouvoir discrétionnaire doivent être portées devant la section d'appel appropriée ou devant la Cour fédérale.

Après avoir enquêté sur les allégations entrant dans le champ d'application de la Procédure, l'enquêteur a tiré les conclusions suivantes :

  1. Le commissaire a enfreint le Code de déontologie des commissaires de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada (le Code) pour les raisons suivantes :
  2. Le commissaire a affirmé que le fonctionnaire qui avait violé une jeune fille avait été puni « sévèrement » puisqu'il avait été rétrogradé. Ce commentaire était inutile et indélicat. Le commissaire a empêché la plaignante de décrire un incident de harcèlement sexuel survenu dans son pays d'origine. Il a dit qu'il ne se prononcerait pas sur les normes sociales. Les normes sociales sont souvent à l'origine de la persécution des femmes. La conduite du commissaire était irrespectueuse et, compte tenu des circonstances de la demande d'asile, elle était discriminatoire et contraire aux Directives numéro 4.

  3. Il n'y avait pas suffisamment d'éléments de preuve pour conclure à un manquement au Code dans le cas des autres allégations.

Le rapport d'enquête a été remis au président. Ce dernier s'est dit convaincu que l'enquête avait été réalisée de façon approfondie et équitable. Le président a accepté les conclusions du rapport et a conclu qu'il y avait eu manquement au Code.

Le commissaire n'étant plus un employé de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada, la prise de mesures correctives ou disciplinaires n'était pas justifiée.

Même si aucune mesure corrective ou disciplinaire n'a été prise à l'égard de l'ancien commissaire, le président a demandé à ce que le dossier soit examiné dans l'optique d'éclairer la formation continue, en particulier celle offerte aux commissaires qui instruisent et tranchent des demandes d'asile mettant en cause l'orientation et les caractères sexuels ainsi que l'identité et l'expression de genre.

La plainte était fondée en partie. Le dossier est clos.